Lettre n° 5291

Par la grâce de D.ieu,
19 Adar Chéni 5717,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre, dont l’acheminement a été quelque peu retardé. Vous me dites que vos parents sont orthodoxes, qu’ils craignent la Parole de D.ieu et que vous avez reçu une éducation en conséquence. Puis, vous me décrivez brièvement ce qu’a été votre vie et vous vous plaignez de ne pas éprouver d’enthousiasme pour le domaine de la sainteté et des idées contradictoires qui vous traversent l’esprit.

Vous êtes, depuis un certain temps déjà, dans l’armée. Il est donc sûrement inutile de vous souligner que la création a un ordre précis(1), même si parfois, il peut sembler, à nos yeux de chair, qu’il en soit autrement.

Il est, cependant, une exception à ce principe. Il s’agit du coin de cette création dans lequel se trouvent les enfants d’Israël. En effet, ceux-ci ont reçu le libre arbitre, ainsi qu’il est dit : “ Vois, J’ai placé devant toi, en ce jour, la vie et le bien(2)… et tu choisiras la vie ”.

Et, il y a effectivement là un bienfait du Créateur(3), Qui voulut que l’homme fasse la preuve que sa nature est profondément bonne, même si les atteintes du temps font que cette dimension profonde soit recouverte par une couche extérieure, de nature inverse. Car, il n’y a bien là qu’une apparence extérieure, se présentant à l’homme pour qu’il s’en défasse par ses propres moyens, afin d’obtenir de D.ieu une abondante bénédiction.

Bien plus, c’est précisément dans ce cas que la bénédiction qu’il reçoit est entière. Selon l’expression bien connue, en effet, le pain de la honte(4) ne procure pas réellement de plaisir. Il n’en est pas de même pour celui que l’on a obtenu par sa fatigue et par son effort.

Il résulte de cette analyse qu’il n’est pas de sort plus heureux, confié par la divine Providence, dans sa vie, que la possibilité, non seulement de faire le bon choix pour soi-même, dans ses activités personnelles, mais aussi d’exercer une influence positive sur un certain groupe, dont les membres choisiront, à leur tour, la vie véritable et le bien véritable.

En pareil cas, bien entendu, le mauvais penchant et le côté du mal entrent en lutte, troublent celui qui exerce cette influence positive sur les autres, bien au-delà de la manière dont ils le font pour celui qui se limite à ses quatre coudées et ne fait parvenir la lumière de son âme qu’à la part du monde qui lui est personnellement confiée.

Il est donc absolument évident que l’on ne doit pas se décourager, en constatant que l’on est dérangé, de cette façon. Cela veut bien dire que l’on doit agir, au-delà de l’accomplissement d’un homme du commun. C’est pour cela que le mauvais penchant s’engage dans une lutte aussi acharnée et, selon l’enseignement bien connu de nos Sages, “ plus l’on est grand et plus l’on a un mauvais penchant développé ”. Or, cette grandeur peut aussi être liée à la manière d’influencer les autres.

Simultanément, l’assurance nous a été donnée que le résultat est à la mesure de l’effort(5). Chacun reçoit toutes les forces nécessaires pour mener à bien la mission qui lui est confiée et tout ne dépend donc que de la volonté d’utiliser ce potentiel et ces forces de manière effective.

A tout ceci, s’ajoute un point particulier, bon et positif. Votre influence s’exerce parmi les soldats, puisque vous me dites que vous êtes aumônier militaire. Les soldats vivent dans un contexte particulier, éloignés de leur foyer et de leur environnement courant. Ils sont habitués à obéir, jour et nuit, à dire : “ Nous ferons et (ensuite) nous comprendrons ”(6).

Les militaires sont donc beaucoup plus aptes a adopter l’attitude qui fut celle du peuple d’Israël, quand il reçut la Torah et les Mitsvot, celle de la soumission, “ nous ferons et (ensuite) nous comprendrons ”.

Certes, dans différents domaines, il est plus difficile de respecter la Torah et les Mitsvot à l’armée. Mais, comme on l’a dit, ces difficultés doivent, bien au contraire, susciter des forces accrues, en chaque soldat et des moyens encore plus larges, chez les aumôniers militaires. Et, rien ne résiste à la détermination.

J’espère que vous avez un temps fixé pour étudier personnellement la Torah, en plus de l’enseignement que vous dispensez à vos élèves et que vous apprenez également la ‘Hassidout. A n’en pas douter, les jeunes ‘Hassidim de votre entourage, si vous les contactez, vous y aideront, dans la mesure où cela est nécessaire.

Dans l’attente de vos bonnes nouvelles pour tout cela,

Notes

(1) L’ordre et la discipline étant la règle, dans l’armée.
(2) La mort et le mal.
(3) Le fait d’accorder le libre arbitre à l’homme.
(4) Que l’on n’a pas gagné par son effort.
(5) Textuellement : “ La trace, sur le dos du chameau, dépend du poids du fardeau ”.
(6) Comme ce fut le cas, en préalable au don de la Torah.