Lettre n° 50

[Au début de Chevat 5703(?)](1)

Vous rappelez(2), en annexe à votre lettre, les deux raisons pour lesquelles les lumières de 'Hanouka sont allumées en ordre croissant, d'abord parce que tout doit croître dans le domaine de la sainteté, ensuite pour établir le nombre de jours de la fête qui sont passés. En fait, il y a une controverse entre nos Sages, à ce propos. Pour autant, rien n'empêche de retenir les deux raisons à la fois.

Rien n'empêche de cumuler les deux raisons, puisqu'elles ne se contredisent pas. Cela n'a aucune incidence concrète et le Talmud a fait bien plus que cela, retenant deux avis, même lorsque cela change l'action concrète. Le Rachbam donne une explication similaire.

La nécessité de prendre en compte les jours passés de la fête ou ceux qui restent, d'allumer les lumières en nombre croissant ou décroissant, dépend de la question suivante. Le miracle de 'Hanouka fut-il, chaque jour plus important que la veille ou, au contraire, moins important?

L'année où le miracle survint, on ne savait pas pendant combien de jours cette huile brûlerait. C'est pour cela que les commentateurs s'interrogent sur l'avis considérant que l'huile fut répartie, le premier jour, en huit parties égales. Bien plus, le traité Zeva'him indique que les instruments du service divin peuvent être sanctifiés uniquement lorsqu'il sont pleins. Il faut en conclure que, au moins aux yeux de ceux qui en étaient les spectateurs, le miracle était chaque jour plus important.

Mais, le traité Chabbat explique que la fête de 'Hanouka fut instaurée seulement l'année suivant le miracle. Alors, il était déjà établi que l'huile utilisée le premier jour pouvait, potentiellement, brûler pendant huit jours. Le second jour, en revanche, elle ne pouvait plus brûler que pendant sept jours.

C'est la raison pour laquelle Beth Chamaï demande d'allumer, chaque jour, un nombre de bougies correspondant aux jours qui restent de la fête. Il prend en compte, en effet, la quantité résiduelle d'huile et en déduit que le miracle est, chaque jour, moins important. Beth Hillel, en revanche, indique que le miracle à venir n'est encore que potentiel. Il n'est pas concrètement révélé et l'on ne peut donc exiger qu'il soit reconnu par tous. Car, la plupart des hommes se déterminent en fonction de ce qu'ils voient de leurs yeux et nos Sages affirment, dans le traité Yoma, qu'il en est ainsi, même lorsqu'il s'agit d'un miracle.

C'est donc pour cela que l'on allume les lumières en fonction des jours passés, c'est-à-dire du miracle effectif, d'autant que ces bougies sont allumées pour faire connaître le miracle publiquement. De ce point de vue, le miracle est, en effet, chaque jour plus important. On peut ainsi comprendre que Beth Chamaï adopte une position rigoriste et Beth Hillel, une attitude plus large.

Du reste, on retrouve leurs conceptions respectives développées dans un autre domaine(3). Le traité Ouktsin demande, en effet, à partir de quel moment les poissons peuvent contracter l'impureté. Beth Chamaï dit: dès qu'ils sont péchés. En effet, ils ont alors quitté l'endroit naturel de leur vie et, potentiellement, ils sont déjà morts. Même si ce n'est pas concrètement le cas, ce n'est qu'une question de temps. Beth Hillel, en revanche, dit: lorsqu'ils meurent effectivement.

Pour conclure, j'évoquerai, au moins brièvement, l'éthique et le service de D.ieu, à partir de la seconde raison opposant Beth Chamaï et Beth Hillel, à propos de l'allumage des lumières de 'Hanouka, décroissant selon l'un comme les sacrifices de la fête de Soukkot, croissant selon l'autre parce qu'il n'y a pas de diminution dans la sainteté. Le traité Chabbat expose l'application au service de D.ieu du rigorisme de Beth Chamaï et de la prodigalité de Beth Hillel.

Si un homme, dont le sanctuaire personnel a été rendu impur par l'intervention de son mauvais penchant, désire se purifier et s'unir à D.ieu, Beth Chamaï lui conseille de mettre tout d'abord en pratique les Préceptes "écarte-toi du mal" et "tu détruiras le mal qui se trouve en toi". Au début de son effort, le mal est encore présent dans toute sa vigueur. On attend donc de lui beaucoup d'efforts et un profond engagement. Puis, de jour en jour, ce mal s'amenuise et, par la suite, son effort est donc moins grand qu'au début.

Ceci peut être comparé aux sacrifices de Soukkot, qui sont offerts au titre des nations du monde, non pas pour qu'elles disparaissent, mais bien pour qu'elles adoptent un comportement positif, pour que, de jour en jour, leur mal s'amenuise, de sorte qu'un nombre plus restreint de sacrifices soit suffisant, pour ce qui les concerne.

Ainsi, le nombre décroissant des sacrifices de Soukkot, correspondant aux nations, ne contredit pas le fait qu'ils ont pour but de les racheter.

Beth Hillel, en revanche, considère qu'un tel homme doit, en premier lieu, se lier à D.ieu, même si le mal qu'il porte en lui reste encore très fort. Il doit, néanmoins, mettre d'emblée en pratique le Précepte "fais le bien", avancer dans le domaine de la sainteté. Alors, peu à peu, il sera encouragé, développera son action et "louera Son grand Nom"(4). Il effacera le souvenir d'Amalek et, de nouveau, Son grand Nom sera entier.

Nous serions heureux d'avoir un compte rendu de vos réalisations positives, dans les domaines d'action de Ma'hané Israël et du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h. Vous nous écrirez sans doute, à ce propos, de temps en temps et je vous en remercie d'avance.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Cette lettre est adressée au Rav 'Haïm Dov Ber Ginsburg, le rabbin de Vancouver.
(2) Le début de cette lettre et sa date ne sont pas connus. Mais, elle fut vraisemblablement écrite à proximité de la lettre n°51, c'est-à-dire en Chevat, ou peut-être pendant 'Hanouka, comme le montre son contenu.
(3) Beth Chamaï prenant en compte le potentiel et Beth Hillel, ce qui est déjà effectif.
(4) Selon le texte de la prière de 'Hanouka.