Lettre n° 4991

Par la grâce de D.ieu,
1er Tévet 5717,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 3 Kislev, dont l’acheminement a été quelque peu retardé. Je vous adresse, ci-joint, un discours ‘hassidique(1) qui a fait l’objet d’une étude publique, ici, pendant le Chabbat qui a béni le mois de Kislev, c’est-à-dire au début des derniers événements(2). Vous y trouverez ma réponse et aussi ma conception, concernant différents sujets que vous évoquiez dans votre lettre.

Je voudrais ajouter qu’à mon sens, il est, bien entendu, une conception erronée de penser que, quand surviennent des événements particuliers, ce n’est pas le moment d’évoquer les points que nous mentionnions dans nos précédents courriers, dans les lettres que vous m’avez adressées et dans mes réponses.

Bien au contraire, si, d’ordinaire, quand la situation est normale, la Torah et les Mitsvot sont indispensables à l’individu et à la collectivité, à tout notre peuple, les enfants d’Israël, combien plus en est-il ainsi quand le mode de vie courant est remis en cause, surtout d’une manière aussi radicale, qui pose même le problème de la survie.

Notre Torah délivre les enseignements originaux suivants(3), relatifs à une armée, en temps de guerre :

A) Des soldats ne doivent pas jeûner, pas même à titre de prière, dans le but d’obtenir la victoire à la guerre. En effet, ils affaiblissent ainsi le corps qui doit mener le combat. A l’opposé, ils peuvent, pendant la guerre, s’engager à jeûner par la suite, après la victoire, quand la paix aura été rétablie.

B) Il convient, en plus des pratiques courantes, d’ajouter de la sainteté à un campement militaire, y compris en dehors de la période de guerre. En d’autres termes, un état de guerre demande un effort de plus, une attention particulière au respect de la Torah de vie, qui nous a été donnée par “ l’Eternel, Homme de guerre, dont D.ieu est le Nom ”. De cela, dépend la victoire au combat, y compris durant une guerre pour laquelle la Torah entérine la nécessité d’une armée, de forces, d’équipements.

Bien entendu, vous avez raison d’écrire qu’en cette période, il ne convient pas de mentionner les fautes(4), ce qu’à D.ieu ne plaise. Il n’en est pas de même, en revanche, pour la formulation de reproches, comme vous le prétendez. Bien au contraire, durant la guerre et, plus généralement, dans un campement militaire, ceux-ci sont particulièrement nécessaires.

Et, la différence(5) est bien évidente. En rappelant les fautes, on fait référence au passé. En formulant des reproches et en précisant le comportement qu’il convient d’adopter, on prend en compte le présent et l’avenir.

S’agissant de l’armée, le point fondamental de la conduite de la guerre et, plus généralement, du comportement militaire, est la soumission, l’obéissance complète du petit envers le grand, du subordonné envers le supérieur. Cette attitude ne résulte pas d’une analyse préalable, permettant la compréhension de l’ordre reçu, son approche intellectuelle. En fait, elle est basée sur le principe(6) selon lequel : “ Nous ferons et (ensuite) nous comprendrons ”. Pour quelqu’un comme vous, il est sûrement inutile de préciser cette image.

Me fondant sur la promesse selon laquelle “ Les eaux nombreuses… et les fleuves… ”(7) ne pourront étouffer l’amour du Saint béni soit-Il pour Israël, de même que l’amour profond et essentiel de chaque Juif et de chaque Juive pour D.ieu, je fais le vœu que cet amour se révèle concrètement.

Dans la pratique, il est certain que l’éternité d’Israël se révélera, de l’étroitesse et du tourment vers la largesse véritable. Quiconque a reçu de la divine Providence la capacité d’influencer les autres possède le mérite, la responsabilité et toutes les grandes forces nécessaires pour cela.

Je vous adresse ma bénédiction pour des jours de ‘Hanouka qui éclaireront l’obscurité de la nuit et de l’exil. De la sorte, nous obtiendrons la réalisation de la promesse selon laquelle nous pourrons “ louer et exalter Son grand Nom ”, dans le troisième Temple, lors de notre délivrance véritable, par notre juste Machia’h.

Avec mes respects,

Notes

(1) Intitulé : “ Les eaux nombreuses ”. Le Rabbi le prononça pendant le Chabbat qui bénit le mois de Kislev et, à sa demande, il fut édité afin d’être expédié en Terre Sainte dès le début de la guerre du Sinaï. Voir, à ce sujet, la lettre n°4890.
(2) Quand la guerre éclata.
(3) Le Rabbi note en bas de page : “ Voir le Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, fin du chapitre 571, le Rambam, lois des rois, fin des chapitres 6 et 7, le Yerouchalmi, Chabbat, chapitre 2, paragraphe 6 et le Séfer Ha ‘Hinou’h, à la Mitsva 566, qui dit : Les âmes juives sont liées à la Présence divine de manière immuable. A fortiori en était-il ainsi dans le campement ”.
(4) Afin de ne pas mettre en éveil l’accusateur.
(5) Entre l’accusation et le reproche.
(6) A l’origine du don de la Torah.
(7) Selon le titre du discours ‘hassidique cité au début de cette lettre.