Lettre n° 4707

Par la grâce de D.ieu,
12 Elloul 5716,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 7 Elloul.

Je suis particulièrement désolé de constater que votre fille a voyagé de cette façon(1), non seulement parce qu’elle ne s’est pas conformée à ce qui lui a été demandé, mais aussi parce qu’il y a là une interdiction, clairement établie par nos Sages et peut-être même par la Torah. Mais, du fait de nos fautes, ceux qui ont donné une permission, en la matière, se sont trompés, parce qu’ils ne connaissent pas bien le fonctionnement d’un bateau, le moyen de le diriger et d’assurer le service à ses passagers.

Il semble, par exemple, que personne ne se soit demandé, jusqu’à maintenant, d’où provient l’eau douce, quand le bateau se trouve au large. A l’époque du Talmud, chaque voyageur en emportait avec lui une certaine quantité, jusqu’à ce qu’il parvienne dans un endroit où il pouvait se ravitailler. Parfois, le capitaine en emportait pour tous les passagers. Mais, ce n’est plus le cas, de nos jours.

A l’heure actuelle, on adoucit, chaque jour, l’eau salée de la mer, en fonction de la quantité qui en est nécessaire. Pour cela, on la fait bouillir dans des cuves spéciales, puis la vapeur est envoyée vers un autre endroit, qui est froid et l’eau est adoucie. Par manque de place sur le bateau, cette opération est répétée quotidiennement, en fonction des besoins de la journée, lesquels dépendent, bien sûr, du nombre des passagers. Dans un tel bateau, dont pratiquement tous les passagers et les membres de l’équipage sont juifs, il y a bien là une cuisson, pendant le Chabbat.

Il en est de même pour plusieurs autres travaux, nécessaires pour le confort à bord. Ceci s’ajoute à la transgression du Chabbat, à la profanation publique du Nom de D.ieu. Plusieurs travaux interdits pendant le Chabbat sont effectués par l’équipage pour le compte des propriétaires du bateau. Et, on ne les aurait pas effectués si le nombre des passagers, à bord, n’était pas suffisant pour cela.

J’ai longuement expliqué tout cela dans mes lettres adressées aux grands rabbins(2), sur la base de mes connaissances de mécanicien dans le fonctionnement des bateaux et leur direction, en général. Il y a malheureusement, en cela, la transgression publique du Chabbat la plus importante, commise par des centaines de Juifs, au vu et au su de tous. Bien entendu, chacun des voyageurs y participe, car on ne peut comparer une transgression du Chabbat par dix voyageurs à celle qui est actuellement le fait de plusieurs centaines, mais si ce qui se passe en présence de dix personnes est également considéré comme un fait public.

Bien entendu, je ne vous aurais pas écrit tout cela, en sachant que vous en concevrez de la peine, si ce n’était à ce point important. Chacun, en Terre Sainte(3), doit, en effet, faire savoir à son entourage qu’il est une interdiction tranchée de conduire, de cette façon, un bateau pendant le Chabbat et également d’y voyager. C’est pour cela que j’ai quitté ma réserve et je vous ai écrit tout cela.

Une brève réflexion conduit à la conclusion suivante. On mène actuellement un combat pour empêcher la commercialisation du porc, la construction d’un Temple réformé et même les fouilles archéologiques de Beth Chéarim. Pour autant, tout cela n’est pas aussi grave que le point effroyable qui vient d’être évoqué. En effet, nul ne parviendra à abuser le public au point de lui faire croire que les réformés craignent D.ieu, que le porc est cacher ou que les fouilles archéologiques de Beth Chéarim sont une grande Mitsva. A l’opposé, plusieurs incitent des Juifs intègres et craignant D.ieu à emprunter ces bateaux, en leur expliquant qu’ils accomplissent une Mitsva inestimable en voyageant sur un paquebot israélien, se déplaçant pendant le Chabbat.

Bien plus, de la sorte, on utilise les Juifs, puisque le trésor public gagne, de la sorte, quelques Shekels de plus, alors que, selon notre Torah, Torah de vie, Jérusalem fut détruite parce que l’on ne respectait pas le Chabbat. Et, si l’on en respectait un de la manière qui convient, la délivrance serait immédiate.

Comme sont merveilleuses les associations d’idées de nos Sages ! En effet, le même texte du traité Chabbat 119b dit, juste après cela : “ Parce que l’un ne faisait pas de remontrance à l’autre, parce que l’un n’avait pas de pudeur envers l’autre(4) ”.

Concernant de pareilles situations et la manière de les améliorer, vous connaissez le dicton de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera(5), selon lequel on éteint, en agissant ainsi, un incendie avec de l’essence et du pétrole, lesquels sont effectivement des liquides, comme l’eau, mais, pour autant, n’éteignent pas le feu, bien au contraire.

Il est inutile d’en dire plus car ceci est douloureux et occasionne un choc profond. Je suis sûr que, pour votre part, vous ferez également tout ce qui est possible, en la matière.

Puisse D.ieu faire que nous assistions bientôt à l’élévation du sort de la Tradition d’Israël, au respect du Chabbat et à la promesse(6) selon laquelle “ ils seront immédiatement libérés ”.

Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles de tout cela, afin d’être inscrit et scellé pour une bonne année,

Notes

(1) En empruntant un bateau israélien se déplaçant pendant le Chabbat. Voir, à ce sujet, la lettre n°4555.
(2) D’Israël.
(3) Où réside, vraisemblablement, le Rav, destinataire de cette lettre.
(4) Jérusalem fut détruite.
(5) Voir, à ce sujet, la lettre n°4535.
(6) Enoncée par le Rambam.