Lettre n° 4614

Par la grâce de D.ieu,
8 Mena’hem Av 5716,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 27 Tamouz.

Je lis avec effroi que vous envisagez de vous imposer des jeûnes, en vous basant sur ce que dit le chapitre 3 d’Iguéret Ha Techouva, de l’Admour Hazaken. Bien plus, vous ajoutez que vous avez la force de le faire également en été(1). Si vous voulez m’écouter, écartez cette idée dès réception de la présente. Et, si vous l’avez déjà fait plus de trois fois, vous ferez siéger trois de vos amis(2) et il vous l’annuleront(3).

J’ai déjà expliqué par ailleurs qu’il est une erreur de penser qu’en jeûnant, on adopte une attitude plus rigoriste. Bien au contraire, celle-ci l’est beaucoup moins, puisqu’elle conduit à négliger la Torah et la prière, auxquelles il faudrait se consacrer. Et, l’Admour Hazaken porte témoignage, à ce propos, sur ce qui concerne notre époque et il dit, dans ce chapitre 3(4) : “ Dans nos générations, cela est interdit… ”.

Il n’est sûrement pas utile d’en dire plus. On peut observer concrètement ce qui résulte de ces jeûnes, même si toutes les constitutions ne sont pas identiques, de ce point de vue. Chez les uns, les conséquences apparaissent tout de suite, chez les autres plus tard. Chez tous, néanmoins, la Torah et la prière sont compromises, à terme.

Mais, peut-être voulez-vous réellement “ diminuer votre graisse et votre sang ”(5), ce qui, de fait, n’est pas compréhensible, car pourquoi aller à l’encontre de l’enseignement du Baal Chem Tov(6) selon lequel le corps doit participer au service de D.ieu(7) ? En tout état de cause, si tel est réellement votre souhait, vous connaissez l’explication du Rabbi Maharach(8) selon laquelle plusieurs jeûnes peuvent être effectuées en retardant sa parole, sa pensée(9). Vous consulterez, à ce propos, le Séfer Ha Toledot Maharach, à la page 72.

Dans la pratique, on peut vérifier, d’une part, qu’il est plus difficile de jeûner de cette façon qu’au sens simple, d’autre part que l’on ne conçoit pas, de la sorte, d’autosatisfaction, comme c’est parfois le cas pour le jeûne, au sens littéral.

En la matière, il importe, avant tout, que les Juifs craignant la Parole de D.ieu engagent un dur combat contre l’obscurité profonde de l’exil, en cette période du talon du Machia’h. Bien plus, nous sommes tous comme des “ tisons sauvés du feu ”(10). Nous devons donc accomplir également ce qui incombait aux martyrs qui sont morts pour sanctifier le Nom de D.ieu. Chaque instant libre doit être consacré à cela et permettre de faire briller la pénombre du monde par “ la bougie (qui) est une Mitsva et la Torah (qui) est une lumière ”, par le luminaire de la Torah qu’est la ‘Hassidout. Or, la pratique a montré que l’on a beaucoup plus de réussite, en la matière, lorsque le corps ne fait pas obstacle, parce qu’il a faim, soif ou bien parce qu’il est triste.

Ce qui concerne un homme est son affaire, dont nul n’a connaissance, ne sachant ce qu’a décidé le Tribunal céleste(11). Il n’en est pas de même, en revanche, quand il s’agit de rapprocher les cœurs des enfants d’Israël de notre Père Qui se trouve dans les cieux, avec joie et amour. On peut voir les fruits d’une telle action dans ce monde.

Conformément au dicton bien connu de nos saints maîtres, il est certain qu’un effort n’est jamais vain. J’ai déjà écrit, y compris, me semble-t-il, à vous même qu’il n’y a pas lieu de s’engager sur des chemins et des sentiers tortueux pour pouvoir s’élever vers la maison de D.ieu, alors que nos saints maîtres nous ont frayé une large route, sur laquelle peuvent s’engager tous les Juifs, du plus petit au plus grand, dans leur existence quotidienne, afin de bâtir un Sanctuaire pour D.ieu ici-bas, en appliquant à leur comportement le principe : “ En toutes tes voies, reconnais-Le ”.

Puisse D.ieu m’accorder le mérite de recevoir, par retour du courrier, une lettre dans laquelle vous m’annoncerez une bonne nouvelle. En effet, vous me direz que vous avez abandonné l’idée énoncée au début de votre lettre(12), que vous constatez le résultat de vos efforts joyeux pour éclairer la part du monde qui vous est confiée et vos quatre coudées, y compris au sens le plus simple, dans votre maison. Pour cela, vous maintiendrez votre corps en bonne santé. Et, vous aurez, en outre, la santé profonde, puisque votre âme la possèdera également.

Dans l’attente de vos bonnes nouvelles par retour du courrier,

Notes

(1) Bien que les jours soient alors beaucoup plus longs.
(2) Qui constitueront ainsi un tribunal.
(3) Le vœu de jeûner.
(4) D’Iguéret Ha Techouva, précédemment cité.
(5) Ce qui est le but d’un jeûne, comme le définit Iguéret Ha Techouva, puisqu’il peut remplacer un sacrifice dont la graisse et le sang sont offerts à D.ieu.
(6) Voir, à ce sujet, la lettre n°4384.
(7) Textuellement “ auquel ‘tu viendras en aide’ ”.
(8) Voir, à ce sujet, la lettre n°4159*.
(9) En écartant les paroles et les pensées inutiles.
(10) A l’issue des massacres de la seconde guerre mondiale.
(11) A son égard.
(12) Celle de s’imposer des jeûnes.