Lettre n° 4506

Par la grâce de D.ieu,
4 Tamouz 5716,
Brooklyn, New York,

A l’attention de monsieur Eliézer Steinman(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 13 Sivan et celle qui la précédait. Ma réponse a été retardée, car il m’était difficile d’écrire, après l’événement de Kfar ‘Habad(2). Certains ont voulu citer, à ce propos, le verset(3) : “ Je serai sanctifié par ceux qui sont proches de Moi ”, mais cela aussi n’est pas clair. Ce verset indique uniquement qu’un tel événement peut parfois arriver. Pour autant, il n’est pas compréhensible et il ne s’agit donc pas d’une explication, mais plutôt d’une comparaison. C’est donc le moment de mettre en pratique les termes du verset : “ Et, Aharon resta silencieux ”.

Néanmoins, ceci concerne seulement l’interprétation de l’événement. S’agissant de ses conséquences, par contre, il n’y a pas le moindre doute. Ce fut le cas de nos ancêtres, il y a quelques milliers d’années, face aux Egyptiens. La réponse à la souffrance et au décret fut alors bien claire : “ Plus on les faisait souffrir, plus ils se multipliaient et prospéraient ”.

De fait, les livres de Kabbala disent que la génération du talon du Machia’h est la réincarnation de celle de la sortie d’Egypte, qui connut la première délivrance, par le premier libérateur, Moché notre maître. Comme l’indiquent nos Sages, c’est grâce à la Techouva que nous accèderons à la dernière délivrance, qui sera véritable, par le dernier libérateur, Moché notre maître.

J’ai bon espoir que, non seulement les hommes de ‘Habad, au sens strict, réagiront ainsi et donneront cette réponse, mais aussi ceux qui apprécient les idées de la ‘Hassidout ‘Habad et en sont proches et même ceux qui n’apportent leur participation que de temps à autre. Ceux-là doivent aussi contribuer à renforcer les actions de ‘Habad en Terre Sainte, qui sera restaurée et rebâtie par notre juste Machia’h, les développer et les élargir.

Vous concluez votre lettre en disant que “ la soumission à une vie juive intégrale et traditionnelle n’existe plus, de nos jours, y compris parmi les traditionalistes, mettant concrètement en pratique toutes les Mitsvot ”. Ceci n’est pas la caractéristique de notre époque. Il en était déjà ainsi auparavant.

Néanmoins, selon moi, la conclusion qu’il faut tirer de cela n’est pas celle que vous mentionnez dans votre lettre. Bien au contraire, cette situation doit éveiller en vous des forces cachées, afin de la réparer. Car, un homme ne peut pas se contenter de ses forces révélées. Dès le début de la création, quand celle-ci fut achevée, la Torah constate que “ D.ieu créa pour faire ” et nos Sages expliquent : “ Pour réparer ”.

Ainsi, le monde fut créé en sorte que l’homme puisse non seulement le parfaire, mais aussi le réparer. Tant qu’un seul homme se trouve dans le monde, celui-ci a donc encore besoin de réparation. Or, la réparation du monde extérieur est liée à celle du monde profond, celui de l’homme. Nos Sages expriment cette idée sous la forme d’un bref dicton, commenté par plusieurs textes de ‘Habad, selon lequel une âme descend ici-bas pour connaître l’avancement. En effet, cette âme, se trouvant là-haut, ‘stagne’, au même titre que les anges.

Autre brève remarque, et vous m’excuserez, là encore, de ne pas être en accord avec ce que vous écrivez, il s’agit, en l’occurrence, de l’avancement dans le Judaïsme, depuis celui du corps jusqu’à celui de l’âme ou l’inverse. En principe, les deux possibilités existent(4), mais, concrètement, quand il s’agit d’atteindre le but, il existe une profonde différence entre l’une et l’autre.

Pour aller du Judaïsme du corps vers celui de l’âme, s’agissant d’un homme qui possède à la fois l’un et l’autre et dont le corps est physique, doté de cinq sens, la voie est sûre, même si elle peut parfois comprendre des élévations et des descentes, des chutes, ainsi qu’il est dit : “ Le Juste tombe sept fois ”.

A l’opposé, l’avancement du Judaïsme de l’âme vers celui du corps, dans un premier temps et peut-être même par la suite, peut ne pas recueillir l’assentiment du corps. Plusieurs erreurs peuvent être commises, ou même des éléments encore plus graves. Combien plus est-ce le cas en notre génération, qui ne s’est pas encore libéré de la fausse idée du matérialisme(5), conception qui était très répandue parmi ceux qui vivaient dans l’erreur, dans la génération précédente.

A ce sujet, la nécessité de la pratique concrète des Mitsvot a été analysée par mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, dans une lettre(6) qu’il adressa à un professeur, en Allemagne. Celle-ci est éditée dans le Ha Tamim, volume n°4, paru à Varsovie, en 1936.

Notes

(1) Voir, à son propos, la lettre n°4325.
(2) L’attentat qui y a été perpétré. Voir, à ce sujet, la lettre n°4281 et l’avant-propos.
(3) Relatif à la mort des deux fils d’Aharon.
(4) Du corps vers l’âme ou de l’âme vers le corps, de la situation concrète vers la spiritualité et de la spiritualité vers l’action concrète.
(5) Voir, à ce propos, la lettre n°4501.
(6) Voir Iguerot Kodech du précédent Rabbi, tome 3, lettre n°837.