Lettre n° 4472

Par la grâce de D.ieu,
21 Sivan 5716,
Brooklyn,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav I. Steinfeld,

Je vous salue et vous bénis,

On m’a transmis le contenu de votre lettre, dans laquelle vous vous étonnez qu’en discutant avec tel Juif qui, pour l’heure, ne fait pas encore partie de ceux qui craignent la Parole de D.ieu, j’ai évoqué avec lui le sujet de la réincarnation des âmes(1).

Je suis surpris par votre étonnement, car des livres, édités en de nombreux endroits, traitent de la réincarnation des âmes. Les premiers Sages ont mentionné ce sujet et en ont fait mention dans leurs ouvrages, de sorte que ce concept n’appartient plus à l’enseignement profond de la Torah, à son aspect caché. Il en est également question dans la partie révélée de la Torah.

Bien plus, seule cette idée de la réincarnation des âmes permet de répondre à d’immenses questions que peuvent se poser nos frères, les Juifs de cette époque, en particulier les jeunes, qui observent ce qu’a dernièrement connu notre peuple(2). Or, cette observation n’a pas une bonne influence sur eux, sur leur foi en la divine Providence et en la manière dont le Créateur du monde le dirige. Leur pratique des Mitsvot s’en trouve également affaiblie, comme le savent tous ceux qui sont en contact avec la jeune génération, en particulier aux Etats-Unis.

Tout canal, tout moyen permettant de diffuser publiquement les idées de notre sainte Torah, Torah de vie, doit donc être saisi, dans toute la mesure du possible. Bien plus, il y a encore quelques générations, on évitait de publier des paroles de Torah dans les journaux, de peur que l’on ne fasse pas bon usage de ces journaux et qu’on les jette dans la rue. A l’opposé, dans la génération précédant la nôtre, les Grands d’Israël ont adopté ce comportement(3). C’est ainsi qu’il y avait des journaux orthodoxes en Pologne, en Terre Sainte.

De même, mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, chef d’Israël, fit imprimer de nombreux commentaires de la Torah dans des journaux américains, dans l’espoir que ceux-ci puissent atteindre un ou deux Juifs de plus(4), afin de les ramener vers la vérité et de les placer dans un rayon de lumière.

Et, il eut été réellement souhaitable que tous ceux qui craignent la Parole de D.ieu sortent dans la rue et y enseignent la Torah aux Juifs, sans leur imposer de conditions préalables, sans leur demander de respecter les Mitsvot avant d’accéder à cette étude. Par l’intermédiaire d’un tel enseignement, ils auraient sauvé de nombreuses et précieuses âmes juives, les auraient ramenées vers D.ieu et vers Sa Torah, au plus vite.

Certes, comme vous le savez, le Zohar, expliqué dans différents textes de ‘Hassidout, en particulier le saint Tanya, affirme que “ la Torah, sans l’amour et la crainte de D.ieu, ne connaît pas l’élévation ”. Pour autant, on peut constater que l’attitude qui vient d’être décrite, c’est-à-dire la diffusion de notre Torah, Torah de vie, auprès de tous les Juifs venant poser des questions, en leur apportant les précisions nécessaires, avec bienveillance et proximité, permet effectivement de rapprocher ceux à qui l’on s’adresse, même si, bien entendu, tous ne réagissent pas de manière identique.

Vous consulterez également les lois de l’étude de la Torah, de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, chapitre 4, paragraphe 3, dans le Kountrass A’haron, qui disent : “ Et, l’on peut considérer que le Rav doit s’introduire…(5) ”. Vous verrez ce texte. Et, combien plus en est-il ainsi pour ce qui concerne les idées de la Torah qui sont bien connues mais dont on n’a pas une connaissance parfaite. On en fait donc une mauvaise interprétation et l’on aboutit à une conclusion contraire à la vérité.

Je perçois, dans votre lettre, que vous partagez cet étonnement avec plusieurs de vos amis. Je vous demande donc de leur transmettre le contenu de ce qui vient d’être dit. Vous leur rappellerez, vous leur soulignerez, en particulier, que :

De nombreux Juifs se noient dans l’océan de l’ignorance et c’est la seule raison pour laquelle beaucoup d’entre eux ne respectent pas les Mitsvot, de manière concrète. En la matière, quiconque peut intervenir, mais préfère s’enfermer dans ses quatre coudées, s’expliquant à lui-même qu’il est dans le vrai, alors qu’eux…(6) encourt ce que dit le saint Zohar, à différentes références, quand il établit une différence entre le comportement de Moché, notre maître, après le don de la Torah et celui de Noa’h, avant ce don(7).

Mais, de fait, il n’est nul besoin, en la matière, d’avoir recours aux explications du saint Zohar. Il suffit de considérer ce qui est accompli, quand il s’agit d’un sauvetage physique. Si quelqu’un passe au bord d’un fleuve et observe un Juif qui se noie, il est clair qu’il interrompra son étude et fera tout ce qui est en son pouvoir pour le sauver. Or, s’il en est ainsi pour le salut du corps, combien plus doit-il en être de même pour celui de l’âme.

J’ajouterai que, même s’il n’est pas sûr que l’interlocuteur modifiera son comportement, quand il étudiera la Torah, qui peut se permettre de condamner quelqu’un à mort(8) en affirmant qu’il n’accèdera pas à la Techouva, ce qu’à D.ieu ne plaise ? Il y a, au moins, un doute, à ce sujet, ou, en tout cas, le doute d’un doute. Et, le Choul’han Arou’h tranche qu’une question de vie ou de mort repousse toute autre considération, même s’il y a un doute, plusieurs doutes. Cela est écrit dans le même Choul’han Arou’h qui traite du fait de porter les Tefillin.

Puisse D.ieu faire que vous trouviez les mots pour expliquer tout cela à vos amis, afin qu’ils modifient l’attitude qu’ils ont eu jusqu’à maintenant, qu’ils mettent en pratique l’enseignement de nos Sages selon lequel “ quand on se réunit, propage(9) ”, qu’ils diffusent les sources des Paroles du D.ieu de vie, jusqu’à ce qu’elles parviennent à l’extérieur.

Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles de tout cela,

M. Schneerson,

Notes

(1) Le destinataire de cette lettre considère que l’on ne doit pas enseigner la dimension profonde de la Torah à celui qui n’est pas pratiquant.
(2) Les massacres de la seconde guerre mondiale.
(3) Ils faisaient imprimer des paroles de Torah dans les journaux.
(4) Que l’on n’aurait pas pu contacter autrement.
(5) Dans la maison de l’élève qui n’est pas digne de confiance car peut-être de cette façon parviendra-t-il à le ramener à de meilleurs sentiments.
(6) Vivent dans l’erreur.
(7) Moché se préoccupa du bien-être de tous les hommes de sa génération, alors que Noa’h se préoccupa uniquement de se sauver lui-même et de sauver les membres de sa famille des eaux du déluge. Voir, à ce sujet, la lettre n°3559.
(8) En le privant de la connaissance.
(9) De la réunion de Juifs doit résulter une propagation de la Torah.