Lettre n° 4444

Par la grâce de D.ieu,
13 Sivan 5716,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre, dans laquelle vous me décrivez brièvement ce qu’a été votre vie, les événements, les errements et les transplantations qui vous ont conduit là où vous êtes parvenu dernièrement. Et, vous citez des événements que vous ne comprenez pas.

Mon secrétariat ne possède pas de machine à écrire le russe et ma réponse est donc rédigée en Yiddich. Néanmoins, il est bien clair que vous pouvez continuer à m’écrire dans cette langue, que vous maniez plus aisément.

Vous m’écrivez que vous ne trouvez pas d’explication aux événements qui se sont déroulés dans votre famille et dans votre foyer.

Si vous méditez quelque peu à tout cela, vous cesserez de vous étonner. En effet, un homme n’observe qu’une petite partie de ce qui le concerne et qui l’entoure. Il a donc du mal à faire une juste évaluation de la réalité, à comprendre le sens profond de ce qu’il voit.

Pour bien clarifier cette idée, je citerai un exemple. Si quelqu’un pénètre dans le bloc opératoire d’un hôpital, il verra un homme, couché sur une table d’opération. Plusieurs personnes l’entourent, tenant des couteaux à la main et découpent son corps. L’homme gémit, du fait de ses souffrances, mais tous continuent à inciser.

Ne connaissant pas toute l’histoire de celui qui subit cette intervention, l’observateur extérieur sera terrifié et il s’enfuira. Il considérera que l’on a saisi un homme et qu’on le découpe en morceaux, que celui-ci hurle de douleur, mais qu’il ne parvient pas à se libérer des ces voleurs et de ces assassins.

A l’opposé, si l’on explique à cet observateur que cette opération prolongera la vie du patient pendant des dizaines d’années, qu’il ne faut donc pas tenir compte des souffrances qu’imposent les quelques heures que dure l’opération, il conviendra, non seulement que les hommes aux couteaux ne sont pas des voleurs et des assassins, mais, bien plus, qu’ils sont les bienfaiteurs de celui qu’ils opèrent.

Bien plus, il en est ainsi malgré le fait que les hommes aux couteaux ou, selon la terminologie moderne, les chirurgiens ne peuvent pas garantir totalement la réussite de l’opération et le temps que le patient survivra, après celle-ci, même si elle est un succès.

Tout ceci fait la preuve de l’idée suivante. Un homme peut vivre, au cours de son existence, un événement douloureux, se prolongeant pendant un certain temps. Et, cette douleur est véritable. Malgré cela, s’il sait que D.ieu lui accorde Sa Providence, s’il observe de ses yeux, s’il on voit que le monde n’est pas livré à l’abandon, mais s’inscrit dans un certain système, intégrant non seulement l’homme lui-même, mais aussi sa famille et beaucoup d’autres encore, il admettra, par la logique la plus élémentaire, que tous ces événements ne peuvent pas contredire le système régissant le monde, tout autour de lui. Pour autant, le “ Professeur de chirurgie ” n’explique pas toujours la grande utilité que peut avoir une douleur passagère.

Certains s’interrogent, ou même affirment qu’ils sont dans le doute. Le monde possède-t-il réellement un système ? A-t-il une finalité ? Pour autant, la physique, la chimie, l’astronomie et d’autres disciplines encore, qui sont admises non seulement par les Juifs ou par les croyants, mais également par les non croyants, affirment que le plus petit atome de ce monde obéit à des lois très précises. Et, tout ce qui passe est conforme aux lois établies, y compris pour ce qui concerne la terre, les minéraux, les végétaux et les animaux.

Ainsi, ce qui nous entoure à tous répond bien à des lois précises, à des caractéristiques bien définies, quoiqu’à une dimension infiniment plus grande que celle de l’homme et de sa famille.

Représentez-vous l’image suivante, celle d’un immense bâtiment, possédant des milliers de pièces. Et, vous observez que chacune d’entre elles possède un ordre irréprochable, dont on doit admettre le caractère positif. Il est, toutefois, une petite pièce pour laquelle un doute subsiste. Est-elle effectivement aussi bien ordonnée que les autres ? Les meubles et tout ce qui s’y trouve sont-ils bien à leur place ?

Chaque homme normal admettra que, si les milliers d’autre pièces sont effectivement en ordre parfait, il ne fait pas de doute que cette pièce unique l’est également, même si l’on ne comprend pas la nature de cet ordre. En effet, cette pièce est partie intégrante de tout l’édifice et elle doit donc avoir les mêmes caractéristiques, même si l’on ne comprend pas comment cela peut être le cas.

J’imagine qu’il est superflu d’élaborer plus clairement la signification de cette image. Je voudrais uniquement y ajouter un point. Chacun d’entre nous et vous également, en méditant objectivement à la manière dont les années se sont écoulées, aux endroits dans lesquels on s’est trouvé, aux événements qui se sont produits, découvrira des centaines, des milliers de situations dans lesquelles on a été conduit dans une direction bien précise. Rappelez-vous d’il y a dix ans. Depuis lors, tout va de la gauche vers la droite, toujours dans la même direction.

Comme vous le savez, néanmoins, D.ieu souhaite que l’homme agisse en fonction de sa propre décision, “ de son bon vouloir ” selon une expression en russe. Chacun est donc libre, vous compris. On peut ainsi choisir sa propre voie. Mais, l’on n’est qu’un homme. Aussi n’est-il pas surprenant que l’on puisse parfois se tromper, s’écarter du droit chemin. Au lieu d’avancer tout droit, on peut zigzaguer. Malgré cela, si l’on réfléchit à tout ce qui vient d’être dit et si l’on ne cherche pas à s’abuser soi-même, on se dira que ces zigzags sont de plus en plus petits, de plus en plus rares.

C’est de cette façon que l’on atteint l’objectif que D.ieu a assigné à chaque homme et, en particulier à chaque Juif, que l’on est réellement heureux, avec tous les membres de sa famille, dans ce monde matériel. Pour cela, il faut adopter le comportement prôné par la Torah, qui est appelée Torah de vie.

On doit, en outre, écarter l’argument que soulève fréquemment le mauvais penchant. Celui-ci désigne un homme considéré comme pieux, se conformant aux enseignements de la Torah et met en exergue ses défauts. Il en déduit que, si l’on peut adopter la Torah et, malgré cela, accumuler tant de défauts, c’est la Torah elle-même qui doit être écartée, ce qu’à D.ieu ne plaise. Cet homme n’a-t-il pas commis telle faute et telle autre et telle autre encore ?

Un tel argument est erroné, car on n’observe ainsi qu’une partie de l’homme et non la totalité de lui-même. Une image permettra de le comprendre. Si, traversant une rue, on rencontre un homme qui sort de chez un médecin et marche avec des béquilles, on peut penser et même dire : “ Voyez à quel point ce médecin est incompétent ! Cet homme l’a consulté, lui a payé beaucoup d’argent, a scrupuleusement mis en pratique ses prescriptions. Or, il marche avec des béquilles et ne peut pas faire un pas sans elles ! ”.

Il faut donc expliquer que cet homme, avant de consulter le médecin, ne pouvait même pas bouger les jambes, qu’il était totalement paralysé, que le médecin a non seulement réduit la paralysie, mais qu’il a aussi renforcé l’homme, que celui-ci peut non seulement bouger les jambes, mais même marcher, que son état s’améliore peu à peu, qu’il doit encore, pour l’heure, se servir de béquilles, mais qu’il pourra sans doute s’en passer, par la suite, s’il continue à se conformer aux prescriptions du médecin et être en parfaite santé.

De même, les hommes, depuis leur naissance, possèdent différentes caractéristiques. Certains possèdent plus de bien, d’autres plus de mal. En recevant son éducation auprès de bons professeurs et, avant tout, grâce à la formation que l’on acquiert soi-même, dans la mesure où celle-ci est positive, on parvient à affaiblir ses défauts innés, à les rendre sans effet.

Tout au long de son existence, un homme doit se former et apprendre. Si on le rencontre au milieu de son effort et de sa formation, il n’est donc pas surprenant d’observer également quelques défauts. Cela ne veut pas dire qu’il se conforme aux instructions du “ Professeur ”, dans son désir de se former. Pour autant, ses défauts sont assurément beaucoup plus faibles qu’auparavant.

Je voudrais conclure en précisant mon intention. La raison d’être de la présente n’est pas uniquement d’exprimer une position “ philosophique ”, mais aussi de vous faire comprendre que, si vous voulez être objectif et raisonner d’une manière droite, vous devez raffermir votre confiance en D.ieu, considérer d’une manière positive les personnes qui vous entourent, en général et les habitants de votre ville, en particulier. Vous observerez leurs qualités et, du reste, vous avez formé une grande partie d’entre eux. Vous considérerez leurs défauts, s’ils existent, comme des béquilles que l’on ne garde qu’un certain temps, selon l’exemple précédemment donné.

Avant tout, vous devez savoir que vous devez apporter votre contribution, révéler la lumière, illuminer votre entourage, non seulement votre famille, mais aussi un groupe plus large de personnes. Pour y parvenir, vous devez vous pénétrer d’amour de votre prochain, vouloir lui être utile. A n’en pas douter, c’est là le bien, positif également pour vous et pour votre famille.

J’espère que vous lirez la présente avec toute l’attention qui convient. Bien évidemment, si vous avez des questions ou si certains points ne sont pas suffisamment clairs, vous m’écrirez, à ce sujet et je serai heureux de vous répondre, selon mes possibilités, même si, du fait de mes nombreuses activités, cette réponse est quelque peu retardée.

Je pense que le fait de vous répondre ainsi fait la preuve que l’on vous consacre du temps et que, de même, vous devez vous consacrer aux personnes qui vous entourent. Cela montre également que l’on doit, de temps à autre, améliorer son comportement. Que D.ieu vous accorde la réussite.

Avec ma bénédiction,