Lettre n° 442

Par la grâce de D.ieu,
10 Chevat 5709,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav I.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre:

A) Je suis surpris d’avoir reçu uniquement votre propre participation et celle du Rav C. P.(2) à la répartition du Talmud(3). Après tant d’années passées dans cette ville, n’y a-t-il pas une seule personne sur laquelle vous exerciez votre influence? Et s’il en est ainsi pour ce qui concerne la partie révélée de la Torah, combien plus cela doit-il être le cas pour ce qui est lié à sa partie profonde, de même qu’à celle des Mitsvot, contre laquelle l’opposition du mauvais penchant se marque beaucoup plus fermement et soulève des objections diverses et variées.

Quand commencerez-vous enfin à apporter votre contribution à la diffusion, à l’extérieur, des sources de l’enseignement du Baal Chem Tov? Le Machia’h attend les accomplissements de chacun d’entre nous pour venir, comme il l’a dit au Baal Chem Tov et nous libérer de l’exil physique et de l’exil moral. Et il n’y a en aucune manière ici une figure de style. Ce sont, au sens le plus littéral, les termes de la lettre du Baal Chem Tov!

Le but de mon étonnement n’est pas de vous conduire à trouver quelques hommes qui s’engageront à étudier un traité du Talmud. Je souhaite que, vous et vos amis, soyez entourés des personnes qui constituent la communauté Loubavitch, telle qu’elle est, à l’heure actuelle, dans votre ville. Il faut que l’Admour Hazaken, s’il faisait le tour du monde et parvenait dans votre ville, puisse se sentir chez lui, y retrouver les siens, sa propre maison d’étude, un coin où sont entreposés les livres de ‘Hassidout usés(4), une atmosphère pénétrée de mots de Torah et de crainte de D.ieu, en général, de ‘Hassidout ‘Habad, en particulier, qui, certes, sont montés vers le ciel, mais dont la trace immuable reste dans l’air ambiant. On sait, en effet, que tout ce qui appartient à la sainteté est éternel.

Or, pourquoi retarde-t-on tout cela? Car, entre nous, tout le peuple juif ne se trouve-t-il pas dans un exil terriblement sombre? Chaque jour n’apporte-t-il pas une malédiction plus sévère que celle de la veille, d’autant plus que l’on a pris l’habitude de considérer l’obscurité comme de la lumière et la servitude comme une délivrance?

B) Vous vous interrogez sur la compatibilité de la connaissance qu’a D.ieu de l’action des hommes et leur libre arbitre(5). Car, au final, D.ieu sait bien aujourd’hui ce que je ferai demain. Ainsi, demain, je ne pourrai pas agir autrement, faute de quoi la connaissance de D.ieu irait à l’encontre de la vérité.

La réponse à cette question est très simple. Mon libre arbitre est le pouvoir qui m’est accordé de prendre ma décision sans subir la contrainte. Et, il en est de même en l’occurrence. Je pourrai, demain, faire ce que bon me semble, sans être contraint. Il me sera donc possible de choisir l’opposé de ce que D.ieu sait, car cette connaissance de D.ieu n’a rien de commun avec mon choix, dans lequel elle n’intervient pas et elle ne m’impose rien. Au final, j’agis ainsi parce que telle est ma décision, prise de manière libre.

Outre l’image que je donnais dans ma précédente lettre, celle de l’homme qui a connaissance du futur et sait ce qu’une personne fera demain sans pour autant influencer son choix, on peut citer également un exemple de ce qui va à l’encontre du libre arbitre, c'est-à-dire de la contrainte. Ainsi, quelqu’un sait que demain, lorsqu’une pierre sera lancée en l’air, elle finira par retomber sur le sol.

Lorsque la pierre se posera effectivement par terre, nul ne prétendra qu’elle l’a fait uniquement pour s’en tenir à la parole de cet homme. Bien au contraire, le fait qu’elle se pose sur le sol est un caractère que le Saint béni soit-Il lui a conféré et, si ce caractère consistait, bien au contraire, à s’élever vers le ciel, c’est bien là ce que cet homme aurait prédit.

Or, il en est strictement de même pour ce qui fait l’objet de notre propos. Demain, je ferais le choix, sans aucune contrainte, d’agir de la sorte et D.ieu en a donc connaissance. Si, demain, mon choix était à l’inverse, encore une fois sans contrainte, D.ieu en aurait également connaissance.

On peut cependant constater, entre l’image qui vient d’être donnée et la connaissance de D.ieu, les différences suivantes:

1. Comment un homme peut-il savoir qu’une pierre va retomber sur le sol? Parce qu’il a connaissance des lois de la nature. A l’opposé, il est difficile de comprendre comment D.ieu sait à l’avance ce que je vais décider. Il faut donc expliquer que la connaissance de D.ieu n’est pas la nôtre. En effet, Sa Connaissance est partie intégrante de Lui-même, comme l’explique le Rambam.

2. Autre question, comment la Connaissance de D.ieu qui, à chaque instant, conduit à l’existence et à la vie toutes les créatures, peut-elle n’exercer aucune influence sur elles? La Pensée de D.ieu n’a-t-elle pas créé les mondes? Et, pour Lui, un potentiel n’a nul besoin d’une application effective pour se révéler. Il faut en conclure que cette Connaissance ne fait qu’entourer la créature(6). C’est ce qu’explique la ‘Hassidout.

En plus des références que j’ai indiquées dans ma précédente lettre, vous consulterez également(7) la fin du Tikouneï Zohar ‘Hadach, le chapitre 9 du Pardès, Chaar Atsmout Vekélim, l’introduction du Chneï Lou’hot Haberit, partie Beth Habe’hira, le Torat ‘Haïm, à la fin de la Parchat Vayéra, le commentaire du Tséma’h Tsédek sur la Mitsva du serviteur juif, qui traite de cette question d’une manière particulièrement magistrale.

C) Dans votre précédente lettre, vous me demandez ce qu’est "la vitalité dans l’accomplissement des Mitsvot et leur mise en pratique", évoquée par le Tanya, au début du chapitre 23, à la page 56.

Réponse: Vous verrez la définition de la Volonté divine que donne le début du chapitre 37 du Tanya. Celui-ci distingue la vitalité du parchemin des Tefilin de la force d’action de l’homme qui les porte sur son bras. La vitalité dont il est question au début du chapitre 23 s’applique à la fois à l’une et à l’autre. Vous consulterez, à ce propos, le résumé du Tanya(8), à la page 11 et son commentaire, qui renvoie au Torah Or.

D) Vous m’interrogez aussi sur la formulation de ce chapitre 23 du Tanya, qui parle de "la pensée" et de "la force de la parole". Pourquoi ajouter le mot "force" uniquement pour la parole?

Réponse: A mon humble avis, c’est parce que la parole ne s’unifie pas avec l’homme comme le fait la pensée. Elle est seulement comparable à l’âme par rapport au corps. Ainsi, on peut parler d’action de l’âme divine, puisque le fait de bouger les lèvres est bien considéré comme une action, comme le souligne le Tanya, au début du chapitre 37 et le Likouteï Torah.

Vous transmettrez mon salut à toute la communauté, ce qui est dit au premier paragraphe de cette lettre s’appliquant assurément à chacun d’entre eux.

Rav Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Israël Meïr Altein. Voir la lettre n°339.
(2) Le Rav Chalom Posner.
(3) Voir les lettres n°334 à 339.
(4) Parce qu’ils ont été beaucoup utilisés.
(5) Voir, à ce propos, la lettre n°339.
(6) Sans agir profondément sur elle.
(7) Voir les références ultérieurement rajoutées par le Rabbi, à la fin de la lettre n°439.
(8) Du Tséma’h Tsédek.