Lettre n° 433

Par la grâce de D.ieu,
18 Tévet 5709,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à vos questions:

A) Question: Comment peut-on distinguer plusieurs phases de la Lumière qui précède le Tsimtsoum(2)? Le Ets ‘Haïm ne dit-il pas que cette Lumière est infinie et toujours identique?

Réponse: Cette Lumière est infinie dans sa liaison avec l’enchaînement des mondes, c'est-à-dire non seulement par rapport aux mondes proprement dits, mais aussi à leur organisation et aux relations de cause à effet qui existent entre eux, car le Tsimtsoum est à l’origine de tout ce processus. Pour autant, cette Lumière n’est pas réellement infinie.

Une telle conclusion s’impose, car Seule l’Essence de D.ieu est, à proprement parler, infinie, car elle est Unique et rien d’autre n’est concevable. Or, à l’exception de cette Essence, tout est constitué d’au moins deux éléments, à savoir la créature et son Créateur. Il en est de même pour cette Lumière, qui émane bien d’un Luminaire, partie intégrante de l’Essence divine.

On peut définir de nombreux niveaux qui sont infinis par rapport à ce qui leur est inférieur et composés par rapport à ce qui leur est supérieur. Ainsi, les quatre éléments fondamentaux de la matière(3) sont infinis par rapport aux créatures et composés par rapport au potentiel théorique, comme le disent le Rambam et le Ramban. L’âme qui s’introduit dans un corps est infinie par rapport à lui et composée par rapport à l’essence de cette âme, puisqu’elle compte cinq niveaux. On peut citer également d’autres exemples.

Plus généralement et plus profondément, tout ce qui concerne le Créateur relève de l’infini véritable. En effet, "il n’est rien d’autre que Lui", sans aucune distinction qui puisse être faite entre le point le plus haut et le plus bas. Les révélations du Créateur, en revanche, sont composées, comme on l’a vu.

Ce qui vient d’être dit a une incidence sur le service de D.ieu. L’effort véritable, celui du serviteur profondément soumis, possède le caractère de ce qui est infini. A ce stade, aucune distinction ne peut être faite entre la Mitsva et ce qui la prépare, les dispositions de nos Sages. Car, Seul existe le Maître, à l’origine de toutes ces Injonctions.

Certes, il est dit que l’on doit adopter une position rigoriste, s’il s’agit d’une Mitsva de la Torah, mais ne pas le faire, pour une Injonction de nos Sages. D’autres distinctions sont également faites. Mais, cela ne signifie pas pour autant que l’on introduise des distinctions entre les Mitsvot. En fait, la Présence du Maître, qui apparaît à l’évidence pendant la lecture du Chema Israël, demande que l’on adopte une telle attitude.

On peut retrouver l’équivalent de cette idée dans la partie révélée de la Torah. Ainsi, le Rambam considère que toutes les Mitsvot, y compris celles des Sages, trouvent leur origine dans la Torah. Néanmoins, une telle distinction est bien définie par les Sages eux-mêmes, c'est-à-dire par la Torah, selon son propre raisonnement.

A l’exception de ce qui vient d’être dit, chaque forme du service de D.ieu est composée, de sorte qu’elle a, au moins, deux aspects, celui qui accomplit la Mitsva et la Mitsva proprement dite. Je pourrais développer tout cela si vous m’indiquez qu’un des points que je viens d’introduire vous pose problème.

Remarque: Je n’expliquerai pas ici ce qui semble difficile à comprendre, c'est-à-dire les distinctions qui peuvent être faite avant le Tsimtsoum, alors qu’existent uniquement "Lui et Son Nom".

B) Question: Un discours ‘hassidique de 5666(4), intitulé "la branche de palmier et le saule", distingue la "lumière de l’intellect", de l’intellect proprement dit. Comment faut-il comprendre cette différence?

Réponse: On peut définir différentes phases du raisonnement. Nous les présenterons rapidement, au moyen d’une image approximative. Il est dit que celui qui reconnaît devoir une partie de la dette qui lui est réclamée doit jurer qu’il ne doit pas le reste. Il est dit aussi qu’un homme ne peut pas faire marque d’effronterie devant celui qui lui est venu en aide(5) et il y a effectivement là un stade plus élaboré du raisonnement. Au dessus de cela, on trouve la compréhension qui est toute en finesse. A un stade plus élevé, il y a aussi l’intellect proprement dit ou, plus exactement, l’observation, faite par les forces morales de l’homme.

Pour chacun de ces stades, plus on s’élève et plus l’on s’éloigne de la formalisation, des mots, plus l’on remonte vers la cause première et la lumière. Au stade le plus haut, les mots de la pensée n’ont plus aucun sens.

Dans chaque raisonnement, on peut retrouver ces différentes étapes. Vous consulterez aussi le chapitre 20 du Tanya, les paragraphes 5 et 22 du Kountrass Hé’haltsou et d’autres textes.

Dans chaque discours ‘hassidique, on peut donc distinguer, en fonction du contexte, la "lumière de l’intellect" et l’intellect proprement dit.

Dans le discours ‘hassidique que vous citez, il est question de ‘Ho’hma, la force de découverte intellectuelle, au stade de laquelle n’existent pas encore les mots constituant les pensées. Cette distinction doit donc être faite entre la première orientation du concept et le début de sa formalisation, deux stades qui, l’un et l’autre, sont encore trop élevés pour être composés de mots.

Vous ferez sans doute tout ce qui est en votre possible, concernant ce que je vous joins à propos de la répartition des différents traités du Talmud.

Je conclus en vous souhaitant tout le bien,

M. Schneerson,

Le caractère infini est effectivement celui de l’Essence de D.ieu, selon le Torat Chalom, à la page 198(6).

Notes

(1) Le Rav Yossef Goldstein. Voir également la lettre n°466.
(2) La contraction de cette Lumière qui est à l’origine du processus créatif.
(3) Le feu, le vent, l’eau et la terre.
(4) 1906, du Rabbi Rachab.
(5) Il ne peut donc pas nier globalement le prêt qui lui a été consenti et, s’il le fait, c’est que celui-ci n’a jamais existé.
(6) Du Rabbi Rachab, à la page 190 de l’édition actuelle.