Lettre n° 4325

Par la grâce de D.ieu,
13 Iyar 5716,
Brooklyn, New York,

A l’attention de monsieur Eliézer Steinman(1), Tel Aviv,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 23 Adar et j’y ai lu, avec plaisir, que, dans vos ouvrages à paraître, vous ferez figurer des références, pratique dont je soulignais l’intérêt, dans ma lettre précédente.

Concernant le second point de mon courrier et votre réponse, ce que vous appelez “ l’idée de l’étude et de l’action ”, vous avez, bien sûr, raison de dire qu’une discussion de vive voix est préférable à une correspondance écrite. Pour autant, cette dernière possède également une grande force. Elle contient même ce qui ne peut s’exprimer oralement, non seulement, comme vous le dites dans votre lettre, car “ les mots confèrent la sagesse(2) ”, mais aussi parce que ce qui est écrit peut être relu à plusieurs reprises, ce qui n’est pas vrai pour des paroles.

D’après les explications de la ‘Hassidout, il est clair que la révélation de la pensée dans la parole et même de la parole dans l’action, apporte la pérennité et tisse un lien plus ferme avec le monde, avec le milieu proche et, de la sorte, avec l’environnement lointain.

Je ne sais pas comment interpréter le fait que vous ayez passé sous silence le point essentiel de cette seconde partie(3), c’est-à-dire le mode de vie ‘hassidique, au quotidien. L’explication la plus simple pouvant être donnée à cela est la suivante. Pour l’heure, vous craignez que votre réponse ne corresponde pas à ma proposition, formulée dans cette lettre. Et, je pourrais donc m’en offusquer.

Si cette interprétation est effectivement la bonne, je veux écarter cette éventualité. Je considère selon leur sens le plus littéral les propos d’encouragement à la pratique de la Torah et des Mitsvot que l’on adresse à son prochain. Ceux-ci sont le moyen de mettre en éveil la dimension profonde de la personne qui les écoute. Or, chaque Juif possède cette dimension et il est donc à même de la révéler concrètement.

Lorsque cette révélation est retardée, le manque de succès de celui qui a émis les propos(4) est insignifiant par rapport à la douleur qu’éprouve cette dimension profonde, essence de l’âme juive, qui descend ici-bas, “ d’une cime élevée vers une fosse profonde ”, de dessous le Trône du Roi, Roi des rois, le Saint béni soit-Il, vers ce monde matériel, selon les termes de la Kabbala, que reproduit l’Admour Hazaken, à la fin du chapitre 6 du Tanya.

Ce monde est celui des forces du mal et de “ l’autre côté ”. En conséquence, les impies y sont puissants. Mais, l’âme y descend afin de connaître l’élévation, par l’intermédiaire de la Torah et les Mitsvot. On peut en déduire que chaque instant passé par cette parcelle de Divinité dans les forces du mal et “ l’autre côté ”, ne permettant pas d’obtenir une élévation extraordinaire, suscite la douleur la plus intense.

Tout cela était expliqué, d’une manière un peu plus détaillée, dans la lettre que je vous ai adressée il y a quelques temps(5) et dont je vous joins une copie.

Vous me dites que vous êtes entré dans le verger de la ‘Hassidout par amour du prochain et du fait du désir que vous éprouvez pour la Soukka de David, c’est-à-dire pour l’âme juive. J’ai bon espoir que ceci s’applique également à votre propre personne et à votre âme. En effet, toutes les âmes sont identiques et elles ont un même Père. Seuls les corps et leurs besoins sont différents, comme le souligne le Tanya, au chapitre 32.

En ces jours qui séparent le “ temps de notre liberté ” du “ temps du don de notre Torah ”, nous avons reçu, malgré cette liberté, l’injonction et la possibilité de nous élever chaque jour, depuis la libération de la servitude de l’Egypte jusqu’à la libération véritable que le peuple d’Israël obtint par le don de la Torah. Et, nos Sages trouvent une allusion à cela dans l’expression “ gravé (‘Harout) sur les Tables de la Loi ”, qu’ils lisent : “ liberté (‘Hérout) par les Tables de la Loi ”.

Or, ce qui était vrai, à l’époque l’est encore, à l’heure actuelle. Seul est libre celui qui vit dans la confiance en le Créateur du monde, qui parvient à la perfection de la justice et du bien, dont il fait des règles de son comportement, même s’il n’en comprend pas toujours les voies, car nos pensées ne sont pas les Siennes et nos voies ne sont pas Celle qu’Il emprunte.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Voir, à son sujet, les lettres n°4134 et 4506.
(2) Quand ils sont écrits et observés.
(3) De la lettre du Rabbi.
(4) Pour la provoquer.
(5) Il s’agit de la lettre n°1726*.