Lettre n° 428

Par la grâce de D.ieu,
19 Kislev, fête de la
libération 5709,

A mon parent, l’érudit ‘Hassid qui craint D.ieu,
le docteur A. Hilman(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 3 Mar’hechvan, puis les numéros 20 et 21 de la revue Beth Haknesset.

Vous me demandez mon avis sur votre article intitulé "les oisifs(2)"; selon sa conclusion, vous proposez de modifier la prière de Rabbi Ne’hounya Ben Hakana(3), énoncée au traité Bera’hot 28b, pour parler de "ceux qui se trouvent dans les cirques(4) et les théâtres".

Vous vous basez sur le Yerouchalmi Bera’hot 4, 2, qui donne la version suivante de cette prière: "Tu as permis que je ne me trouve pas dans les théâtres et dans les cirques". La même formule figure dans le Sidour de Rome, page 297 et le Ma’hzor de Roumanie, page 255, de même que dans le Sidour avec le commentaire Olat Rya, du Rav Kook, page 343.

Vous me pardonnerez de penser qu’il n’y a là qu’une belle image. Aucune modification de cette prière n’est nécessaire, pour différentes raisons:

A) Rachi, au traité Bera’hot et plusieurs Sages des premières générations parlent des "oisifs" et expliquent le sens de cette expression.

B) Si l’on évoque les cirques et les théâtres, il faudrait dire "ceux qui se rendent" et non "ceux qui se trouvent", comme on le fait aux références indiquées par le Arou’h Hachalem. A ce propos, on peut s’interroger sur le traité Avoda Zara 18b qui emploie l’un et l’autre dans le même contexte.

C) Il s’agit là d’une prière, vraisemblablement quotidienne, d’un des premiers Sages de la Michna, qui vécut particulièrement vieux, selon le traité Meguila 28a. S’il parlait d’abord de cirques, puis de théâtres, cette même formule aurait sans doute été retenue par plusieurs autres textes.

Or, dans deux ou trois références du Talmud et du Midrach(5), on parle de théâtres d’abord, de cirques, ensuite. Il en est de même pour le Yerouchalmi, sur lequel vous vous appuyez.

D) Cette formule serait ici en abrégé, procédé auquel on recourt pour des termes courants, ce qui n’est pas le cas, en l’occurrence. En effet, ces mots sont issus d’une langue étrangère(6) et n’apparaissent que quelques fois dans la Loi Orale. Bien plus, dans ce traité, ils ne sont pas employés autrement que cette fois-là.

Or, on sait qu’à l’époque des copistes, chaque livre était considéré de manière indépendante, tant la copie et la relecture étaient pénibles et coûteuses.

E) Il est difficile, selon le Yerouchalmi, de dire "ils font des efforts"(7) à propos de ceux qui se rendent dans les cirques et les théâtres. On peut plus aisément dire "ils iront en enfer"(7) des oisifs, en tenant compte de la condamnation, par nos Sages, de ceux qui falsifient les instruments de mesure.

Ainsi, Rachi, commentant le verset Vaykra 19, 35, citent les paroles de nos Sages, selon lesquelles l’usage de poids falsifiés souille la terre, constitue un blasphème, repousse la Présence de D.ieu, fait tomber les Juifs par l’épée et les envoie en exil.

Par ailleurs, j’ai trouvé, à la page 202 de cette brochure, un bref article sur l’Admour Hazaken, dans lequel quelques éléments doivent être rectifiés.

L’Admour Hazaken fut emprisonné, pour la première fois, au lendemain de Soukkot 5559(8) et libéré le 19 Kislev de la même année. Le second emprisonnement se passa en 5561(9). Le Tanya fut édité, pour la première fois, en 5557(10). Igueret Hakodech fut imprimé seulement après que l’Admour Hazaken ait quitté ce monde.

Vous trouverez ci-joint le fascicule édité à l’occasion du 19 Kislev 5709.

Je salue tous les membres de votre famille et vous souhaite une bonne fête de la libération,

Rav Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Docteur Acher Hilman. Voir la lettre n°244.
(2) Textuellement "ceux qui se trouvent dans les coins de la rue".
(3) Qui dit: "Tu as permis que je ne sois pas un oisif".
(4) Assistant aux combats de gladiateurs.
(5) Le Rabbi note, en bas de page: "A la réflexion, je me suis dit que l’on parle de cirques et de théâtres seulement une fois dans le Talmud et le Midrach, précisément dans Kohélet Rabba 2, 2. Or, il est pratiquement certain qu’une erreur s’est glissée ici. On peut l’établir à partir de trois preuves, le Midrach Tan’houma, au début de la Parchat A’hareï, le Yalkout Chimeoni Kohélet et le Kohélet Zouta. Dans tous ces textes, il est question de théâtres, d’abord et de cirques, ensuite. Il ne m’appartient pas d’expliquer la version retenue par le Sidour et le Ma’hzor, précédemment cités".
(6) Le Grec.
(7) C’est la suite de cette prière: "Nous faisons des efforts et ils font des efforts, nous serons récompensés et ils ne le seront pas, nous recevrons le monde futur et ils iront en enfer".
(8) 1799.
(9) 1801.
(10) 1797.