Lettre n° 390

Par la grâce de D.ieu,
Vendredi 1er Elloul 5708,

Au distingué jeune homme, l’élève de la Yechiva Y. L.(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre et les questions que vous me posez ne sont pas si fortes que vous le prétendez. De fait, elles portent sur des points fondamentaux, mais, ceux-ci étant courants, on n’y prête guère attention.

L’usage répandu de certaines idées conduit à penser qu’on les comprend parfaitement. Mais, une juste analyse démontre qu’il est difficile de les percevoir et de les formaliser.

Ce qui vient d’être dit est vrai dans chaque domaine, dans chaque discipline. L’attention la plus approfondie doit être portée sur les principes fondamentaux, de cette science et de ses règles.

De telles questions sont difficiles à exposer par écrit, d’autant que le temps ne permet pas une analyse approfondie. Je répondrai donc brièvement.

Question: Pourquoi le monde d’Atsilout est-il caché de toutes les créatures? Pourquoi Brya est-il celui du Trône céleste? Pourquoi les anges se trouvent-ils dans le monde de Yetsira? Et pourquoi le monde d’Assya est-il celui des astres?

Réponse: Chaque accomplissement raisonné doit avoir un but, une finalité, qu’il doit atteindre aussi bien par sa formulation générale que par chacun de ses aspects particuliers.

Nos Sages enseignent que la finalité de la création des mondes est la révélation de la royauté céleste, ainsi qu’il est dit (Ichaya 43, 7): "Tout ce qui porte Mon Nom, est pour Mon honneur, Je l’ai créé, façonné et fait". Nos Sages commentent cette affirmation au sixième chapitre du traité Avot.

Tout ce qui existe ici-bas possède une source, là-haut. De même, la royauté terrestre découle de la Royauté céleste. Or, il est possible d’avoir connaissance des usages d’un monarque de chair et d’os, comme le disent nos Sages, au traité Bera’hot 58a. En l’observant, on peut donc, conformément à l’enseignement des Sages, se représenter la Royauté céleste.

Ce qui vient d’être constaté nous permettra de comprendre une expression courante dans le Midrach: "Cela évoque l’image d’un roi...". Bien plus, le Midrach E’ha Rabba commence par: "Le Saint béni soit-Il dit aux anges: Que fait un roi de chair et d’os? Hé bien, J’en fais de même".

Nos Sages tirent de nombreux enseignements du comportement d’un monarque ici-bas et de la manière dont il règne. Sa cour conserve ses distances par rapport à lui. Elle est, selon l’expression du Tanya, "séparée, étrangère et éloignée". Le Rambam précise qu’il doit inspirer la crainte, ne pas se tenir face à un autre homme, ne pas lui adresser des paroles douces, l’appeler uniquement par son nom. Malgré cela, on doit accepter sa royauté, car on doit avoir conscience, au moins jusqu’à un certain point, de sa grandeur.

De plus, le roi, en tout cas celui qui est apte à régner, n’est pas uniquement un monarque. Il possède une valeur intrinsèque. Néanmoins, il entre en relation avec son peuple en régnant et en dirigeant. Voici de quelle manière il le fait.

Le peuple ne peut nullement comprendre les qualités personnelles du roi. C’est la raison pour laquelle, disent nos Sages, on ne peut le voir dévêtu. Sa qualité, dans la mesure où il règne sur un peuple, consiste à déterminer, par sa sagesse et son entendement, les besoins de ce peuple avant même qu’il n’en prenne conscience.

Puis, le roi se rend dans son palais, prend place sur son siège et, en fonction de ce qu’il a décidé, de toute la profondeur de sa sagesse, il donne des instructions aux ministres sur la manière de diriger le pays, parfois en en précisant la raison. Il est clair que ceux qui se trouvent à l’intérieur du palais et voient le roi, siégeant sur son trône, ne peuvent l’oublier et n’ont pas besoin d’une preuve qu’il existe.

Néanmoins, le roi désire que ses sujets, se trouvant à l’extrémité de son palais, lui obéissent également. Il délègue donc, auprès d’eux, des émissaires chargés de faire connaître sa volonté à tout le peuple, sans pour autant lui fournir d’explication, à ce propos.

Avec toutes les distinctions qui doivent être introduites, ce qui vient d’être dit s’applique, de manière identique, à l’enchaînement des mondes.

Le roi, lorsqu’il se trouve seul, fait allusion à ce qui précède le Tsimtsoum(2).

Puis, le roi quitte sa grandeur intrinsèque pour réfléchir, par sa sagesse, aux besoins du peuple. Cette image correspond au monde spirituel d’Atsilout, un monde à part entière, puisque les besoins du peuple peuvent, à ce stade, être évalués, mais qui reste, cependant, caché aux créatures. On a vu, en effet, que le peuple n’a pas connaissance de la réflexion du roi.

Le roi se rend ensuite dans son palais, qui illustre le monde spirituel de Brya. Là, il siège sur son trône et le peuple se soumet à lui. Il s’agit alors du "monde caché".

Par la suite, le roi délègue ses émissaires, qui sont les anges, se trouvant dans le monde spirituel de Yetsira. Ceux-ci, lorsqu’ils portent le vêtement qui convient, peuvent également se révéler dans celui d’Assya. Ils sont porteurs des ordres du roi, ceci est permis, cela ne l’est pas, cet homme n’est pas coupable, cet autre l’est.

Enfin, l’on parvient à l’extrémité du royaume, au monde le plus bas, celui des astres qui ont un corps et une âme. Là, se trouvent toutes les créatures de ce stade le plus inférieur de la création.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Yehouda Leïb Bistritski.
(2) La contraction de la Lumière céleste qui est à l’origine du processus créatif. Avant le Tsimtsoum, la création n’a encore aucun sens.