Lettre n° 3730

Par la grâce de D.ieu,
22 Mena’hem Av 5715,
Brooklyn,

Je vous bénis et vous salue(1),

Je fais réponse à votre lettre du douzième jour de Mena’hem Av, dans laquelle vous évoquez la fin de vos études, votre état d’esprit, le manque d’indépendance que vous constatez en vous. Il vous semble que vous êtes égarée. Vous pensez donc déménager, pour un an. Ainsi, vous trouvant dans un environnement nouveau, sans possibilité de recevoir, à chaque pas, des instructions de vos parents, vous pourrez acquérir de l’indépendance, vous libérer de cet égarement et de ces doutes. Vous me demandez ce que j’en pense.

D'après ce qu’indique votre lettre, vous ne souhaitez pas vous rendre dans cet endroit pour y rechercher le confort ou le plaisir. Bien au contraire, il s’agit pour vous, de vous tracer un chemin par vos forces propres, de retrouver vos esprits, sous la pression de la situation. De la sorte, vous vous ressaisirez et vous serez capable d'exprimer vos forces profondes.

Si telle est effectivement votre motivation véritable, cela signifie que ce voyage est inutile. Il n’est pas évident qu’en ce lieu, vous pourrez utiliser pleinement les capacités que vous possédez, ni même une partie de celles-ci. En effet, vous avez visité cet endroit, pendant les sept jours de la fête(2) et vous y avez été accueillie d’une certaine façon, mais cela ne vous donne aucune indication sur la manière dont on vous considérera, lorsque vous y rechercherez un travail et un poste, lorsque vous voudrez mener une action sur place.

En fait, il n’est pas de meilleur endroit pour essayer ses capacités qu’Erets Israël(3). La vie y est très diversifiée et chaque force vive peut y être utilisée à sa pleine mesure, en particulier pour ce qui concerne l’éducation et l’enseignement, tout spécialement lorsqu’il est nécessaire de prendre pour référence la Torah et les Mitsvot et non de suivre le courant prônant le laxisme.

En pareil cas, un voyage en un tel endroit, afin d'y rechercher du travail et des épreuves, afin de mettre en évidence ce que l’on cache au fond de soi, est, le plus généralement, une fuite, un moyen de ne pas assumer un travail responsable, au moins pendant quelques mois. Certes, il n’est pas donné à chacun d’en prendre conscience et, bien souvent, on a l’impression que ce désir de voyager a pour motivation, par exemple, la découverte d’un chemin nouveau.

Dans différentes familles, l’autorité et l’amour des parents, lorsque l’on se trouve dans leurs quatre coudées, réduisent les possibilités de révéler ses propres forces. Si un tel risque est fondé(4), vous pourrez faire en sorte qu’au début de l’année scolaire et de l’enseignement, vous ne résidiez pas chez eux. Une telle accommodation sera proche de celle que vous évoquez et vous pourrez prendre vos décisions seule, puisque vous ne vous en remettrez plus à vos parents et à leurs instructions.

Tout ce qui vient d’être dit fait réponse à votre question. Dans les lignes qui suivent, en revanche, je traiterai du point essentiel, qui n’est pas évoqué dans votre lettre et qui est le suivant. Plus de 90% des jeunes gens et des jeunes filles, en notre Terre Sainte, ont du mal à trouver leur voie. Ils sont emplis de doutes sur la manière d’organiser leur vie et sur leur avenir. Ils ne savent pas quel chemin choisir. Or, pour la plupart, ils sont confrontés à de tels doutes par manque de connaissances et du fait de leur ignorance.

En conséquence, chacun et chacune de ceux à qui D.ieu a accordé le pouvoir d’influencer les autres, en particulier ceux qui se trouvent sur place et connaissent les responsabilités de la vie des jeunes, leurs “ douleurs de l’enfantement ”, au sens moral, doivent consacrer une large part de leur ardeur et de leurs capacités à leur venir en aide, en cette situation.

Chaque jour, chaque semaine qui s’écoule, alors que ces jeunes sont laissés pour compte, peut mettre leur avenir en danger, les conduire à prendre, de leur propre initiative, des décisions fâcheuses, par manque de connaissances, parce qu’ils ne sont pas guidés. Celui qui, par un effet de la divine Providence, n’est pas confronté à ces doutes essentiels, parce qu’il a reçu une bonne éducation ou a évolué dans un environnement favorable, doit agir de la manière qui a été décrite, afin de s’acquitter d’une dette, contractée en fonction de ce qui lui a été personnellement accordé.

Car, le plus grand effort que l’on peut consentir, en la matière, ne permettra que de s’acquitter partiellement de cette dette. Bien évidemment, nul n’est autorisé à se dispenser de cette mission sacrée et j’aimerais savoir ce que vous faites, vous-même, dans ce domaine.

A mon avis, cette mission incombe à tous les jeunes gens et jeunes filles, a fortiori à ceux qui se trouvent en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Là, des milliers, des dizaines de milliers d’âmes juives peuvent être sauvées du danger.

Votre lettre semble indiquer que vous n’avez peut-être pas envisagé le problème sous cet angle. J’ai bon espoir qu’au moins à lecture de ces lignes, vous réfléchirez à tout cela, avec l’attention qui convient et vous en tirerez les conclusions qui s'imposent. A mon sens, celles-ci sont claires et évidentes. Au plus vite, vous assumerez donc votre rôle, en prenant part à cette mission sacrée, avec le plus grand empressement.

Puisse D.ieu faire que vous connaissiez la réussite, en cela et que vous y trouviez une pleine satisfaction intellectuelle. J’attends de vous une bonne nouvelle.

Avec ma bénédiction,

Pour le Rabbi Chlita,
le secrétaire,

Notes

(1) Cette lettre est adressée à une jeune fille.
(2) Vraisemblablement à Soukkot.
(3) Où réside la jeune fille à laquelle cette lettre est adressée.
(4) Dans le cas particulier de cette jeune fille.