Lettre n° 370

Par la grâce de D.ieu,
25 Sivan 5708,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav M. M.(1), le Cho’het,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre. Le Roch, commentant le traité Tamid 32b explique que, selon un avis, la confection des pains de propitiation(2) repousse les interdits du Chabbat. Vous demandez qui est l’auteur de ce raisonnement.

Cette discussion est rapportée au traité Mena’hot 95b. Les Tossafot font une distinction entre celui qui pense que les pains de propitiation étaient confectionnés dans l’enceinte du Temple et celui qui considère qu’il est possible de le faire pendant le Chabbat. Il s’agit, selon eux, de deux auteurs.

D’après cette interprétation, il y a ici trois avis exprimés:
1. La confection des pains ne repousse pas le Chabbat. C’est l’avis d’une Michna sans indication du nom de l’auteur(3), au traité Mena’hot 100b.
2. On peut cuire ces pains, pendant le Chabbat. On ne peut, en revanche, préparer la pâte et la pétrir, pendant ce jour. Cet avis est exprimé dans la même Michna.
3. Tout le processus de fabrication des pains repousse le Chabbat. C’est l’avis de Rabbi Yehouda, à la même référence.

A ce propos, le Rambam tranche que les pains sont fabriqués dans l’enceinte du Temple et ne repoussent pas le Chabbat. On peut en conclure qu’il n’y a pas de divergence entre les Sages de la Michna, à ce propos. Tous s’accordent pour dire que ce pain n’est pas cuit pendant le Chabbat, selon cette Michna, mais tel n’est pas l’avis des Tossafot, comme on l’a vu.

C’est aussi ce que dit le commentaire du Radak sur le verset Chmouel 1, 21, qui dit que les lois du Chabbat sont repoussées seulement d’après Rabbi Yehouda. Dans le Yalkout Chimeoni, le Radak précise que Doëg et David s’opposèrent sur ce point(4). On peut s’interroger, à ce propos, sur la version du Yerouchalmi Sanhédrin 10, 2.

Or, une forte question peut être soulevée ici. En effet, celui qui considère que la confection du pain repousse les Interdits du Chabbat doit dire qu’il était systématiquement préparé pendant ce jour. Si ce n’était le cas, il aurait été disqualifié pour avoir passé la nuit(5). Pour l’autre avis, en revanche, il fallait préparer le pain avant le Chabbat.

Dès lors, comment y avait-il un doute, en la matière, alors qu’il suffisait de voir ce qui se passait chaque semaine, depuis l’époque de Moché(6). Le Kessef Michné pose lui-même cette question.

Il faut en conclure que cette controverse a toujours existé et qu’à chaque époque, le Sanhédrin décidait ce qu’il fallait faire, en la matière. Et nos Sages disent, au traité Roch Hachana 25(7), que "l’on s’en tiendra à l’avis du juge de son époque".

Doëg présidait le tribunal des Sages, comme le dit Rachi, commentant le verset "Héros parmi les bergers" (Chmouel 1, 14). Le traité Sanhédrin 93b dit que la Hala’ha retient toujours l’avis de David. En conséquence, lorsque l’un et l’autre se trouvaient à Nov(8), la question se posa encore une fois. La confection des pains de propitiation repoussait-elle, ou non, le Chabbat?

Le Yerouchalmi ‘Haguiga 2, 2, ne mentionne pas ce point parmi les controverses soulevées avant l’époque de Beth Hillel et Beth Chamaï, car, en la matière, l’avis de la majorité était toujours adopté(9). A l’opposé, il y eut bien une controverse sur le fait d’imposer les mains(10). La distinction est bien claire et l’on ne développera pas plus ce sujet.

* * *

Je voudrais, à cette occasion, exprimer ma conviction que, ayant fait imprimer, à vos frais, un livre, tout à fait particulier, de nos maîtres, vous inviterez, à n’en pas douter, les autres à en faire de même. Vous conduirez et vous encouragerez vos amis et vos connaissances à faire éditer, à leurs frais, les livres de nos maîtres afin de les mettre à la disposition du plus grand nombre. Il est sûrement inutile de préciser le grand mérite, en la matière, de ceux qui agissent et de ceux qui font agir les autres.

Je souhaite donc, par la présente, vous stimuler et vous inviter à l’action, dans ce domaine, à la mesure de vos moyens. Si vous vous investissez dans cet accomplissement comme il convient, vous parviendrez à trouver des donateurs, auxquels reviendra ce grand mérite.

J’espère avoir de vos bonnes nouvelles, pour tout cela et je vous souhaite tout le bien,

Rav Mena’hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif,

Notes

(1) Le Rav Mena’hem Mendel Margolis. Voir la lettre n°177.
(2) Dans le Temple, pour le service qui y était effectué.
(3) Et qui fait donc l’unanimité.
(4) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Parchat Dera’him, au chapitre 13, discute ce point."
(5) Avant d’être utilisé pour le service, ce qui est interdit. Or, cela aurait toujours été le cas, si le pain était préparé à la veille du Chabbat.
(6) Dans le Sanctuaire, puis dans le Temple.
(7) Le Rabbi note, en bas de page: "On consultera également le Rambam, Mamrim, 2, 1."
(8) Où se trouvait alors le Sanctuaire, avant la construction du Temple.
(9) Car, comme on l’on a vu, la position adoptée pouvait varier, d’une époque à l’autre.
(10) Sur l’animal, un jour de fête, avant de le sacrifier. Cet acte est permis, selon un avis, interdit, selon l’autre. Cette controverse est donc bien mentionnée dans le Yerouchalmi.