Lettre n° 361

Au distingué jeune homme, ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav C.(1),

A) Cela n’est pas comparable(2). Car la valeur de l’homme est exclusivement de la compétence du tribunal des hommes, dont les juges statuent en fonction de ce qui est établi et non d’après les pensées et les éléments cachés. Les responsa l’établissent, en soulignant que la Techouva ne peut être prise en compte par le tribunal des hommes, lorsqu’il prononce une condamnation. Notre cas, à l’autre extrême, relève exclusivement de la compétence du tribunal céleste, qui, le condamnant, peut également, rapporter la sentence.

Il est aussi une situation intermédiaire, lorsque la Torah tranche ici-bas, que la condamnation doit être prononcée là-haut. Dans ce cas, la Techouva et les éléments cachés peuvent être pris en compte.

B) Plusieurs versets contestent cette affirmation(3). Et la Pessikta dit bien: «Il appela Mi’haël et Gavriel pour témoigner».

C) Il existe de nombreuses explications sur le fait que «la Torah ne se trouve pas dans le ciel»(4). Vous consulterez le ‘Hida, le Sdeï ‘Hémed, les responsa du ‘Hatam Sofer, le Kesset Sofer et d’autres références. Vous verrez aussi le Biyoureï Hazohar, à la Parchat Vaychla’h.

D) La différence est bien évidente(5). Selon l’avis qui s’oppose à Rachi, l’agonisant est un mort potentiel et son action a donc une valeur. Or, le condamné par le tribunal est également un mort potentiel. La première situation n’a donc rien de plus que la seconde. Le contraire est vrai, selon la conception de Rachi.

En d’autres termes, la discussion entre Rachi et ceux qui s’opposent à son avis est la suivante. L’agonisant est-il un mort potentiel ou effectif? Celui qui est condamné par le tribunal céleste, en revanche, est, selon l’ensemble des opinions, un mort potentiel.

Il est difficile d’imaginer qu’il dut être à l’agonie uniquement pour que son corps soit aussi en état de mort potentielle, puisqu’au bout du compte, cette mort potentielle n’est pas suffisante. Celle du corps ne l’est donc pas non plus.

E) Cela veut dire(6) que l’homme qui tuerait ce condamné ne serait pas considéré comme ayant commis un crime.

F) Je vous ai déjà dit, à la veille de Pessa’h, qu’il y a là deux questions(7):
1. Comment la sentence du tribunal fait-elle que celui qui la subit est considéré comme mort?
2. Comment le justifier?

Pour répondre à la seconde question, on peut dire simplement que nous prenons comme références les lois de la Torah. Peu importe donc que son corps n’ait pas été physiquement modifié. La Torah opère une telle modification, même si on ne la voit pas.

G) Quel rapport avec notre sujet(8)? Les condamnations à mort étaient très rares, à l’époque du Temple. Malgré cela, on ne voulut pas les supprimer. Combien plus doit-il en être de même pour la flagellation.

Vous vous demandez, en fait, pourquoi n’a-t-il pas été dit clairement que la flagellation n’était pas supprimée. On peut l’expliquer de différentes façons:
1. Lorsque les Sages enseignèrent que les condamnations à mort étaient maintenues, ils s’interrogeaient encore sur la flagellation. Puis, quand celle-ci fut également maintenue, ils ne le précisèrent pas clairement, considérant que c’était une évidence.
2. Il est bien clair que la flagellation définie par le verset existe encore, car on rencontre couramment des situations qui lui sont comparables, alors que nous ne voyons pas l’équivalent des condamnations à mort présentées par le traité Sanhédrin. Celui-ci précise donc que le fait de tomber du toit, par exemple, est comparable à la lapidation.

H) Je serais surpris qu’une telle explication soit recevable(9), car celui qui lapide un homme condamné à la strangulation n’est pas non plus coupable pour ce crime. Or, en quoi la sentence du tribunal a-t-elle été appliquée, dans ce cas? Et si l’on prend en compte uniquement le fait qu’au final, le condamné a été tué, il est clair que l’on peut en dire autant de la flagellation.

Notes

(1) Le Rav Chalom Rivkin. Cette lettre fait réponse à différentes questions que le Rav Rivkin avait posé sur la lettre précédente.
(2) Le Rav Rivkin demandait: «Vous écrivez qu’aucune différence ne peut être faite entre la condamnation par le tribunal céleste et par celui des hommes. Or, si le prophète Elie indique qu’un homme a été condamné par le tribunal des hommes, celui-ci n’aura-t-il plus aucune valeur?».
(3) Le Rav Rivkin demandait: «N’est-il pas dit que les anges ne peuvent témoigner?».
(4) Le Rav Rivkin demandait: «Si l’on dit que l’on ne croit pas le prophète Elie parce que la Torah ne se trouve pas dans le ciel, comment peut-on appliquer ce principe lorsque l’existence effective n’est pas prouvée?».
(5) Le Rav Rivkin demandait: «Si l’on corrige le Torat Chalom, en disant que l’Admour Hazaken faisait allusion à Rachi, pourquoi faire référence au principe selon lequel l’agonisant est considéré comme mort? Il l’était de toute façon puisqu’il avait été condamné par le tribunal céleste!».
(6) Le Rav Rivkin demandait: «Dès la condamnation par le tribunal, l’homme qui la subit est considéré comme mort. Or, tel devrait être l’effet de l’exécution de la sentence et non du verdict.»
(7) Le Rav Rivkin demandait: «Comment peut-il être considéré comme mort par la sentence du tribunal alors que, physiquement, son corps n’est pas modifié?».
(8) Le Rav Rivkin demandait: «N’est-il pas dit que les condamnations à mort peuvent encore être appliquées (bien que sous une autre forme) alors que la flagellation a disparu?».
(9) Le Rav Rivkin demandait: «Peut-on dire que celui qui tue le condamné à mort n’est pas considéré comme ayant commis un crime, non pas parce que celui-ci est déjà potentiellement mort, mais car celui qui le tue ne fait qu’exécuter la sentence du tribunal.»