Lettre n° 3532

Par la grâce de D.ieu,
4 Sivan 5715,
Brooklyn, New York,

Cher monsieur Yé'hezkel, qui est appelé
le professeur Kutcher(1),

Je vous salue et vous bénis,

J'ai bien reçu vos écrits et je vous en remercie. Il s'agit d'une synthèse de vos conférences sur la langue parlée à l'époque du Talmud, puis dans la période nouvelle et sur les rites nouveaux, qui sont rédigés en araméen. Sans doute ferez-vous encore preuve de largesse, à l'avenir, en adressant ce que vous écrivez à notre bibliothèque. Je vous en remercie d'avance.

La coutume juive veut qu'un courrier soit lié à ce qui est d'actualité. Les jours du don de notre Torah approchent et je voudrais donc souligner une notion, à ce propos, qui est définie et clairement expliquée par la 'Hassidout. En outre, une réflexion, même sommaire, permet d'établir qu'elle figure dans le premier des dix Commandements qui furent énoncés sur le mont Sinaï. Il s'agit de la divine Providence, dont le Baal Chem Tov a maintes fois souligné l'importance, de différentes façons. Par la suite, ses disciples et les disciples de ses disciples en firent de même. C'est, en particulier, le cas de la 'Hassidout 'Habad.

Au sens le plus littéral, la divine Providence est la protection que D.ieu accorde à chaque aspect des créatures et de leur existence.

Certains chercheurs et penseurs d'Israël, en particulier au Moyen Age, firent l'erreur de penser que la Providence varie en fonction de l'importance de la créature et de son évolution. Sa forme qui a été définie plus haut ne s'appliquerait donc qu'aux intellects les plus élaborés.

Or, le premier Commandement est: "Je suis l'Eternel ton D.ieu, qui t'ai fait sortir du pays de l'Egypte". Il est exprimé au singulier et nos Sages soulignent qu'il s'adresse ainsi à chacun et à chacune de ceux qui se trouvaient face au mont Sinaï. A tous, D.ieu dit: "Je t'ai fait sortir", au singulier, de manière individuelle, bien qu'étaient présents des hommes, des femmes, des enfants, une "large foule"(2), possédant des moyens intellectuels différents et même, pour certains d'entre eux, tout à fait ordinaires.

Je vous adresse mes respects et ma bénédiction afin que vous parveniez à former des élèves animés par la crainte de D.ieu, c'est-à-dire respectant les Mitsvot d'une manière concrète, ce qui est bien la finalité de l'homme, ainsi qu'il est dit: "Tu craindras l'Eternel ton D.ieu et tu respecteras Ses Mitsvot, car c'est là le but de l'homme".

Avec ma bénédiction, à l'occasion de la fête et, selon la formulation traditionnelle de la 'Hassidout, pour recevoir la Torah avec joie et de manière profonde,

Le temps m'a permis de feuilleter le texte des conférences que vous m'avez adressé. Je formulerai donc deux ou trois remarques, qui sont les suivantes:

1. L'époque du Talmud: Ceci est lié à la différence qui doit être faite entre Ano'hi et Ani(3) Vous connaissez sûrement la merveilleuse explication de nos Sages, à ce sujet, dans la Pessikta Rabba, chapitre 21 et dans la Pessikta de Rav Kahana, chapitre 12, selon laquelle Ano'hi est, à l'origine, un mot égyptien: "On peut citer, à ce propos, l'image d'un roi, de chair et d'os, dont le fils fut captif(4)… Le Saint béni soit-Il dit: Je m'adresserai à eux en Egyptien, ainsi qu'il est dit: Je (Ano'hi) suis l'Eternel ton D.ieu".

Vous consulterez également l'article du professeur A. C. Yehouda, dans le "recueil annuel pour les Juifs d'Amérique", de 5709(5).

2. La période nouvelle: Je suis un peu surpris de l'évocation sommaire de cette école, qui fut prépondérante, pendant toute la durée de cette époque, selon les termes du Tana'h.

Une remarque d'ordre général sera également formulée, portant sur ces deux conférences à la fois. Aucune référence n'y est indiquée. Certes, il s'agit uniquement d'une synthèse de leur texte. Néanmoins, chaque conférencier désire susciter l'intérêt du lecteur ou de l'auditeur, pour le sujet qu'il traite et lui permettre de l'approfondir. Or, non seulement des références permettent d'y parvenir, mais, bien plus, celles-ci donnent l'orientation souhaitable.

3. Les rites: A la page 235, première colonne, vous citez le mot Kachour, qui apparaît dans le Targoum de Yonathan Ben Ouzyel pour traduire le verset "à l'ombre de ma poutre". Celui-ci figure également dans le Guilayon Ha Chass, au traité Baba Kama, dans le Targoum Chir Hachirim 1, 17, qui cite les deux termes du Targoum Onkelos et du Targoum Yonathan sur Béréchit, soit Chariti et Kachoura. Vous consulterez aussi la Pessikta de Rav Kahana, à la page 98a et dans la note 182.

Notes

(1) Voir, à son sujet, la lettre n°3432.
(2) D'Egyptiens.
(3) Les deux termes signifiant "Je".
(4) Et qui, par la suite, oublia la langue de son père. Il en fut de même pour les enfants d'Israël, qui allaient recevoir la Torah et D.ieu s'adressa donc à eux en Egyptien.
(5) 1949.