Lettre n° 3503

Par la grâce de D.ieu,
24 Iyar 5715,
Brooklyn, New York,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu, en son temps, votre lettre du 13 Iyar, mais l’objet de la présente est essentiellement ce qui est d’actualité. Je fais suite à notre discussion sur le thème du front uni(1). On dit qu’il ne reste que très peu de temps pour réunir les listes(2). Nous avons déjà échangé, à ce sujet et vous connaissez ma position et ce qui me conduit à l’adopter. Néanmoins, compte tenu de l’importance de l’enjeu, je m’en tiens à l’enseignement de nos Sages, selon lequel il est nécessaire de répéter encore une fois, quand vient le moment d’agir.

Je me limiterai à développer un point, mais, à mon sens, celui-ci est essentiel. Je vous présente, au préalable, mes excuses pour les termes vifs que pourrait contenir cette lettre, ce qui n’est pas à mon habitude. Cependant, vous comprenez bien que mon propos n’est nullement de m’en prendre à quiconque, à titre personnel.

Tous, et a fortiori de nombreux chefs de parti, reconnaissent que l’intérêt du public et du parti dépasse celui de l’individu. De même, le bien de l’ensemble de la population passe avant celui de votre domaine propre, c’est-à-dire du parti auquel vous appartenez. Et, pour des personnes religieuses, la valeur qui prime est la foi. Or, tous les Juifs sont des “ croyants, fils de croyants ”.

Un parti demande à ses membres de renoncer momentanément à leur intérêt personnel, pour celui de cette formation. En échange, il donne l’assurance qu’au final, chaque individu y gagnera également, et même largement, grâce à ce renoncement. Il en est de même, et même dans une plus large part, lorsqu’un parti renonce à son intérêt personnel pour celui de l’ensemble de la population.

Il va sans dire que le renoncement, de la part de l’individu, du parti ou de la population, est justifié, s’il est au profit de la foi et de ce qu’elle exige. La nôtre est basée sur la Torah de notre D.ieu, qui ne connaît pas la limite. Et, l’intérêt d’un renoncement au profit de la foi l’est également, par rapport à toutes les autres formes que celui-ci peut recevoir. Plus précisément, un homme pieux ou même un parti qui se définit comme religieux doivent accorder la première place aux acquis de la religion et ensuite seulement à l’intérêt du parti.

Autre point, on ne peut indéfiniment abuser les électeurs. Certains d’entre eux souligneront nécessairement la contradiction évidente existant entre le programme d’un parti religieux et ses actions, clairement dommageables à la religion sous le prétexte d’un prétendu bénéfice pour cette formation. Il est certain que celle-ci, de même que ses membres, s’en ressentiront.

Il est sûrement inutile de vous rappeler la situation, lors des dernières élections à la Knesset. Celles-ci ont servi de champ de bataille pour les partis religieux, qui s’en sont trouvés ternis et blâmés, au delà de toute limite. Les termes du verset “ tes détracteurs et ceux qui te détruiront émaneront de ton sein ” se sont réalisés, de la manière la plus forte et la plus effroyable.

Ce qui vient d’être dit est le discours que l’on doit tenir quand on se trouve face à un dirigeant de parti. Néanmoins, j’ai foi en ce qui est longuement expliqué par la ‘Hassidout, en les termes de l’Admour Hazaken, à la fin du chapitre 19 du Tanya, selon lesquels la sagesse de l’âme divine, quand elle se met en action, supprime et fait même totalement disparaître ce qui s’oppose à elle et la voile, ainsi qu’il est dit “ les monts fondent comme de la cire ”. Cette force est si intense qu’elle permet de résister à l’épreuve et de faire don de soi-même.

Je suis convaincu qu’une réflexion sommaire à l’idée que, selon toutes les conceptions, le manque à constituer un front uni serait vraisemblablement préjudiciable aux intérêts de la religion dans le pays “ vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année ”, vous conduira à la conclusion que, même au bénéfice du doute, on doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour user positivement de son influence.

Bien évidemment, le mauvais penchant ne se tient pas à l’écart, en la matière, en se contentant d’observer la situation. En fait, il développe, devant chacun, l’argumentation qui est susceptible de le convaincre. Selon les termes de mon beau-père, le Rabbi, citant son père(3), “ il prend parfois l’apparence d’un Juste, intègre, humble, ayant de bons comportements ”. Il pourra donc prétendre que la constitution d’un front uni n’est qu’un leurre, allant à l’encontre de la vérité.

Et, si cela n’est pas suffisant, le mauvais penchant pourra encore présenter un autre argument : “ Qui suis-je et que suis-je ? On n’écoutera pas ma voix et je n’ai donc pas le moyen d’intervenir! ”. Et, il dispose d’autres arguments encore, mais tout cela ne change rien à la réalité et D.ieu seul sait si l’on peut effectivement intervenir ou non.

L’un des traits de caractère de mon beau-père, le Rabbi, est ce qui est couramment appelé l’optimisme ou encore, selon la terminologie de la ‘Hassidout, la conviction qu’au final, le bien véritable sera le vainqueur, non seulement à terme et globalement, mais aussi à titre individuel et à court terme.

Certes, la pensée souligne qu’il ne reste que quelques jours pour constituer ce front et je ne suis assurément pas le seul à le dire, car ce qui vient d’être dit est évident et bien clair. Et, de fait, ou bien ce front se formera de lui-même, ou bien ma lettre ne sera d’aucune utilité.

Malgré cela, je vous adresse ces quelques lignes, car on est tenu de considérer que l’on se trouve soi-même, de même que le monde entier, sur une balance en équilibre. Je veux croire que vous aurez le courage, s’il le faut, de modifier une position que vous avez adoptée depuis quelques semaines déjà, que vous n’hésiterez pas à le faire.

Puisse D.ieu faire que vous saisissiez cette occasion pour vous servir pleinement de l’influence que vous exercez, pour intervenir, avec la plus grande fermeté, pour la constitution de ce front uni des quatre partis religieux.

Bien évidemment, je fais ici allusion uniquement à un front technique, constitué pour le besoin des élections. En effet, si sa constitution est soumise à des conditions non techniques, s’appliquant au lendemain des élections, même si celles-ci sont, par ailleurs, pleinement justifiées, son existence sera d’emblée impossible, comme la pratique le démontre. Non seulement ce font ne sera pas possible, mais c’est précisément là le moyen de le détruire.

Nos Sages disent que l’on ne doit pas émettre un jugement définitif sur l’homme qui éprouve de la douleur. En conséquence, j’ai bon espoir que vous ne m’en voudrez pas pour les expressions quelque peu vives que vous trouverez ci-dessus. Et, je vous remercie d’avance de m’annoncer une bonne nouvelle sur le point essentiel(4).

Puisse D.ieu faire que ma confiance ne soit pas déçue, que le bien et la vérité obtiennent la victoire, y compris dans les partis.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Des partis religieux israéliens. Voir, à ce sujet, la lettre n°3489.
(2) Des différents partis.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°3011.
(4) La constitution du front uni.