Lettre n° 343

Par la grâce de D.ieu,
11 Adar Chéni 5708,

Au ‘Hassid érudit, qui craint D.ieu,
le Rav T.(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu votre lettre avec plaisir. J’ai eu connaissance de vos réalisations tendant à renforcer la Torah, les Mitsvot et, en particulier, le domaine éducatif. Vous étendez sûrement, de temps à autre, le champ de votre activité. Le Tanya explique, en effet, qu’une Lumière émanant d’une source élevée se révèle de manière croissante. L’effort accompli ici-bas ou, tout au moins, le réceptacle forgé(2) doivent donc être de plus en plus larges. Même si notre génération ne semble pas être la plus méritante, le résultat obtenu est toujours à la mesure de l’effort accompli.

Je répondrai brièvement à vos questions:

A) Rabbi Barou’h, père de l’Admour Hazaken, gagnait sa vie par le travail de ses mains. Il n’occupait pas de fonction rabbinique, n’était pas prédicateur. Il était jardinier, comme le disent les mémoires(3). Il semble aussi que le Baal Chem Tov ne lui ait pas confié de mission spécifique, si ce n’est, peut-être de manière exceptionnelle.

C’est donc pour cela qu’à une époque où l’on accordait des titres avec parcimonie, il n’était pas appelé «le grand Rav», d’autant qu’il fuyait les honneurs, comme le disent les mémoires, ce qui est sans doute l’explication la plus probante. Et, pour honorer un homme, il faut respecter sa volonté.

B) Vous me demandez comment se préparer à une première entrevue avec le Rabbi. Ceci n’a pas été clairement défini, mais, à mon humble avis, on peut le déduire de la définition même de cette entrevue.

Mon beau-père, le Rabbi Chlita, a expliqué, comme l’indique le Hayom Yom, à la page 86, que cette entrevue a trois objets. Elle permet d’abord de clarifier la situation de celui à qui elle est accordée, de préciser de quelle manière il doit servir D.ieu, ce que doit être son attachement et sa soumission.

Ces sentiments ne peuvent être superficiels. Ils doivent être profondément sincères. On doit être apte à recevoir ces bénédictions(4), forger un réceptacle pour les contenir. Plus l’on parvient à s’élever par ses forces propres et plus cette entrevue est bénéfique.

Bien plus, de cela dépend également ce qui est accordé lors de cette entrevue. En effet, à quelques exceptions près, dans lesquelles celui à qui elle était accordée reçut des bénédictions sans aucune commune mesure avec le réceptacle qu’il avait forgé, un rapport avec la personne est conservé. Ce ne fut pas le cas, par exemple, pour Rabbi Yekoutyaël de Lyépli(5).

Pour celui qui privilégie son intellect, il est particulièrement difficile de se soumettre(6), au delà de toute logique, car la rationalité n’intègre pas le sacrifice de sa propre personne, au profit de l’avis de quelqu’un d’autre. L’homme qui est sûr de lui aura des difficultés à supprimer son propre avis, à adopter celui d’une autre personne.

En définitive, plus on est grand et plus la préparation à une entrevue avec le Rabbi est difficile.

C) Vous me dites qu’un de vos amis a recopié le Tanya à la main et vous vous demandez si une telle pratique ne doit pas être encouragée, puisque cet ouvrage est la Loi Ecrite de la ‘Hassidout. Or, il est une Mitsva d’écrire un Séfer Torah, bien que les deux cas ne soient pas totalement comparables.

Voici ce que j’en pense, à mon humble avis. Il y a, dans le service de D.ieu, des pratiques logiques et d’autres qui transcendent la logique. Ainsi, on peut briser un mauvais sentiment en cultivant de toutes ses forces un sentiment contraire. On peut apporter l’élévation à la force de désir en l’orientant uniquement vers ce qui est bon. Tout cela est parfaitement logique.

La Tsédaka apporte l’élévation, c'est-à-dire qu’elle rend le cerveau et le coeur mille fois plus fins. Cela transcende la logique.

Dans les termes de cette distinction, chacun est différent. Ce qui s’inscrit dans la logique et ce qui la dépasse n’est pas identique chez chacun. Bien plus, pour une même personne, tous les moments ne sont pas équivalents.

Chacun est tenu de réfléchir à tous les actes rationnels du service de D.ieu, en se référant aux écrits de nos maîtres. Ceci concerne aussi bien l’effort personnel que la relation avec son prochain. Rien de tel ne peut être dit de ce qui dépasse la logique. Il faut alors s’en tenir à ce qui est dit et même vérifier si un enseignement a un caractère exceptionnel ou s’il est permanent. Et l’on ne peut rien déduire d’une idée nouvelle.

En l’occurrence, le fait de copier le Tanya transcende la logique. Pour l’un, l’influence qu’une telle action aura sur lui sera si considérable qu’elle justifie de ne pas étudier le Tanya, pendant tout ce temps, puisque le fait de le recopier le pénètre de sa sainteté. Néanmoins, en règle générale, le serviteur qui a la possibilité d’enfiler des perles(7) et se contente de simples travaux, ne fait pas le bon choix. Bien évidemment, ce n’est pas le cas lorsqu’on lui ordonne de le faire. Tout cela est bien évident.

Deux récits de nos Sages présentent deux situations extrêmes. Rabbi Akiva se consacra à l’enterrement d’un mort, dont nul autre ne pouvait se charger, Mitsva qui repousse toutes les autres. Néanmoins, parce qu’il ne servit pas les Sages pendant ce temps, chaque pas lui en fut reproché(8), selon les Tossafot, au traité Ketouvot 17a. A l’opposé, lorsque Rav Zeïra était fatigué, il s’asseyait à la porte de la maison d’étude et se levait devant les Sages(9), selon le traité Bera’hot 28a.

Vous trouverez ci-joint le fascicule de Pourim, qui vient de paraître. Vous en ferez sûrement profiter le plus grand nombre.

Nos autres publications vous seront adressées, comme vous l’avez demandé. Vous voudrez bien nous confirmer les avoir reçues.

En vous souhaitant un Pourim joyeux et agréable, et en saluant tous les vôtres,

Rav Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Tsvi Liberman, de Leents. Voir la lettre n°354.
(2) Pour contenir la bénédiction céleste.
(3) Du précédent Rabbi.
(4) Accordées pendant cette entrevue.
(5) Un ‘Hassid de l’Admour Hazaken qui, malgré ses moyens intellectuels limités, parvint à acquérir de profondes connaissances de ‘Hassidout. Voir Likouteï Dibourim, tome 1, page 27a.
(6) Au Rabbi.
(7) Un travail de précision, qui est valorisant.
(8) Il se consacra à un autre objet que l’étude de la Torah, ce qui lui fut reproché, malgré l’immense importance de la Mitsva accomplie.
(9) Il se consacra à un autre objet que l’étude de la Torah et cela ne lui fut pas reproché.