Lettre n° 3423

Par la grâce de D.ieu,
28 Nissan 5715,
Brooklyn,

Aux chers participants à l’étude de Guemara,
dans la synagogue Tséma’h Tsédek, de rite Ari Zal,
ici même, à New York, en particulier à ceux qui suivent
les cours des grands Rabbanim, distingués ‘Hassidim
qui se consacrent aux besoins communautaires,
le Rav Yé’hezkel et le Rav Guerchon,
que D.ieu vous accorde longue vie,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu, avec plaisir, votre lettre, dans laquelle vous m’annoncez qu’en ce Chabbat, Roch ‘Hodech du “ mois de l’éclat ”(1), vous conclurez l’étude du traité Roch Hachana. Conformément à la formule établie et traditionnelle, puisse D.ieu vous venir en aide, avec la conclusion de ce traité, afin que vous commenciez l’étude d’autres traités, d’autres livres, pour les conclure, pour étudier, enseigner, garder, faire et accomplir.

Vous étudierez la Torah avec largesse d’esprit. Par cette étude, vous percevrez Celui Qui donne la Torah, comme le précisent différents textes de la ‘Hassidout, aspect profond et âme de la Torah.

Un point est d’actualité, concernant la conclusion de ce traité.

Il est dit que Rabban Gamliel dispensait également ceux qui travaillent dans les champs(2), et non uniquement ceux qui sont ici, car ces derniers se trouvent dans un cas de force majeure, alors qu’il n’en est pas de même pour les premiers. De même, il est dit que ceux qui se tiennent derrière les Cohanim ne reçoivent pas leur bénédiction. En fait, Rabban Gamliel ne dispense que ceux qui travaillent dans les champs.

Comment interpréter l’hypothèse de la Guemara et sa conclusion ? La finalité de la prière et le rôle de l’officiant, qui acquitte les présents de leur obligation, sont de formuler les besoins des hommes. L’officiant est délégué par eux. Or, disent nos Sages, “ on confère un mérite à un homme, même en son absence ”. Combien plus en est-il ainsi quand celui qui reçoit le mérite est lié, d’une quelconque façon, à celui qui l’accorde.

On envisage, en conséquence, que l’officiant puisse acquitter de leur obligation également ceux qui travaillent dans les champs, bien qu’il ne soit pas lié à eux, car “ on confère un mérite à un homme, même en son absence ” et l’on ne se limite donc pas à ceux qui sont ici présents, en contact direct avec celui qui accorde le mérite.

Vous faites remarquer que l’on pourrait imaginer le contraire, car les uns sont dans une situation de force majeure et non les autres. Certes, “ on confère un mérite à un homme, même en son absence ”. On ne peut, en revanche, le faire contre son gré. Aussi, celui qui n’est pas dans un cas de force majeure et, malgré cela, ne prie pas, agit, en quelque sorte, “ contre son gré ”, mais sans le faire à proprement parler, en donnant seulement l’apparence de ne pas accorder à la prière l’importance qui lui revient. Une telle situation peut être assimilée à la contrainte. Ceci, bien évidemment, confirme vos propos et votre analyse.

De fait, il faut distinguer la prière de la bénédiction des Cohanim. La prière dépend de l’homme, qui implore, supplie. Bien évidemment, plus l’on se prépare pour cela, plus l’on est apte à recevoir la bénédiction sollicitée. Il n’en est pas de même pour la bénédiction des Cohanim, que ceux-ci prononcent en tant que délégués de D.ieu et sur Son ordre, ainsi qu’il est dit : “ Tu béniras de cette façon ”. Et, ces Cohanim, après leur bénédiction, formulent la requête suivante : “ Nous avons fait ce que tu nous as ordonnés ”.

Peu importe donc ce qu’a été la préparation de l’homme(3). En effet, “ Amoindrirez-vous la Main de D.ieu ? ”, y compris lorsque l’homme ne s’est pas préparé? Malgré cela, les personnes qui se tiennent derrière les Cohanim ne reçoivent pas leur bénédiction. Certes, celle-ci émane du Saint béni soit-Il. Pour autant, celui qui reçoit cette bénédiction doit, au moins quelque peu, s’y préparer.

Ils(4) se tiendront donc face à face, afin d’attester de leur proximité et ils excluront toute autre position. Il en est ainsi pour une bénédiction provenant de D.ieu. Les Cohanim ne peuvent l’accorder à ceux qui sont derrière eux, dès lors que ceux-ci ne se trouvent pas en situation de force majeure. Combien plus doit-il en être ainsi pour la prière, alors qu’il est essentiel, pour l’homme, de se préparer à servir D.ieu, ainsi qu’il est dit : “ pour Le servir de tout votre cœur ”. Le traité Taanit 2a explique : “ Quel est le service de D.ieu du cœur ? C’est la prière ”. C’est la raison pour laquelle la conclusion retenue est la suivante. Rabban Gamliel ne dispensait effectivement que ceux qui travaillaient dans les champs.

On sait que la fin est liée au début et le début, à la fin. Il en est ainsi pour l’ensemble de la Torah, mais également pour chaque détail qui la constitue. Or, en concluant un traité, on rejoint deux points diamétralement opposés, la bénédiction céleste qui est gracieusement accordée à l’homme, d’une part et l’accomplissement de la mission qui lui est confiée, grâce à son effort, d’autre part. Il est dit que “ la Torah est unique, pour nous ”, de sorte que tous les points qui la constituent dépendent l’un de l’autre.

Ce qui est vrai de l’âme vaut également pour le temps. Il y a, en effet, deux catégories, tout comme le début de ce traité(5) définit deux sortes de Roch Hachana, d’une part, ceux qui sont accordés par D.ieu, sans effort de la part de l’homme, comme le 1er Tichri, date de la création, d’autre part, le 1er Nissan, qui fut instauré lors de la sortie d’Egypte, quand “ nos ancêtres fut sauvés par leur foi ”. Par ailleurs, les autres Roch Hachana résultent de la nature même de la création.

Là encore, ces deux catégories dépendent, l’une de l’autre. Ainsi, le 1er Tichri est le Roch Hachana du règne du Roi, Roi des rois, le Saint béni soit-Il. Il est dit que la royauté terrestre est à l’image de la royauté céleste, de laquelle elle découle. Or, la royauté terrestre est célébrée le 1er Nissan.

Avec mes respects et ma bénédiction pour que D.ieu élargisse et développe le nombre de ceux qui prennent part à ces études, pour qu’Il embellisse cette étude, ainsi qu’il est dit : “ Il grandira la Torah et l’embellira ”,

Notes

(1) Celui d’Iyar.
(2) De se joindre à la communauté pour prier, du fait de leurs obligations professionnelles.
(3) Lorsqu’il s’agit de recevoir la bénédiction des Cohanim.
(4) Les Cohanim et ceux qui reçoivent leur bénédiction.
(5) Roch Hachana.