Lettre n° 335

Par la grâce de D.ieu,
Pourim Katan 5708,

Au ‘Hassid érudit, qui craint D.ieu et se consacre aux
besoins communautaires, le Rav M. H., le Cho’het(1),

Je vous salue et vous bénis,

Vous m’interrogez sur le commentaire de Rachi, au traité Sanhédrin 17a, selon lequel Eldad et Medad ne quittèrent pas leur tente(2), non pas par modestie(3), mais par crainte de ne pas être désignés par le sort(4). Ceci contredit le commentaire de Rachi sur la Torah, au verset Bamidbar 11, 27.

A) Dans son commentaire de la Torah, Rachi cite le Sifri, qui rapporte l’avis de Rabbi Chimeon, figurant dans la Guemara et contredisant celui de l’autre Tana, dont Rachi commente l’opinion dans ce traité.

Les additifs au commentaire de Rachi, qui sont imprimés dans le traité Sanhédrin du Eïn Yaakov, confirment cette interprétation. Le Yalkout Chimeoni, par contre, cite, à la même référence, une autre explication, selon laquelle il n’y eut pas de tirage au sort(5). On désigna donc nommément six membres de chaque tribu et quatre de celle de Lévi.

B) D’où Rachi déduit-il l’interprétation des propos de l’autre Tana? En fait, celui-ci est bien évident, car ce Sage considère qu’il y eut un tirage au sort, mais que Eldad et Medad n’y prirent pas part et ne se rendirent même pas là où il avait lieu.

Or, s’ils avaient agi ainsi parce qu’ils ne pensaient pas être dignes d’une telle distinction, ils devaient savoir que ce tirage au sort était dans les mains de D.ieu et s’en remettre à Sa décision. Dès lors, pourquoi n’y auraient-ils pas participé? Ils devaient, bien au contraire, le faire!

C) Comment l’autre Tana déduit-il que le comportement d’Eldad et de Medad n’émanait pas de leur humilité, bien au contraire?

Il lui semble, en effet, difficile d’accepter que tous deux soient restés dans le campement, alors qu’ils avaient été désignés par le sort pour faire partie des anciens. Car, si D.ieu avait décidé de leur donner la prophétie, pouvaient-ils la refuser?

La controverse entre ce Tana et Rabbi Chimeon est donc la même que celle qui figure dans le traité Bera’hot 7a, à propos de la question suivante. Moché, lorsqu’il couvrit son visage(6), fut-il puni ou récompensé?

Celui qui considère qu’il a bien agi fait valoir que seul Moché pouvait prétendre à une telle révélation divine, qu’un autre prophète n’aurait pu recevoir, comme le souligne le Maharcha. Eldad et Medad, en revanche, devaient recevoir l’esprit que Moché suscitait chez les soixante dix anciens. Il est clair qu’ils ne pouvaient refuser une telle prophétie, D.ieu les ayant choisis pour la leur confier. Tel est l’avis de l’autre Tana.

Rabbi Chimeon, en revanche, considère que ces soixante dix anciens devaient aussi juger, enseigner, diriger le peuple d’Israël. C’était la raison de leur refus. Mais, les responsa La’hmeï Toda, citant le Zohar, disent que ces anciens ne jugeaient pas. La Présence divine se révélait seulement par leur intermédiaire. On pourrait développer tout cela, mais ce n’est pas ici l’occasion de le faire.

En vous souhaitant tout le bien,

Rav Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Meïr ‘Haïm ‘Haïkin. Voir la lettre n°310.
(2) Lorsqu’ils furent appelés par Moché pour faire partie des soixante dix anciens.
(3) Se jugeant indignes de recevoir la prophétie.
(4) Lors du tirage au sort, établissant aux yeux de tous qu’ils n’en avaient pas le mérite.
(5) Des anciens de chaque tribu.
(6) Lors du buisson ardent, de peur de voir la révélation divine.