Lettre n° 325

Par la grâce de D.ieu,
28 Tévet 5708,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav M. M.(1), le Cho’het,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse aux questions que vous me posez dans votre lettre:

A) Le Midrach Chemot Rabba dit: «Sur le linteau et les deux montants de la porte(2): Le linteau fait allusion à Avraham. Car, ce dernier est le plus grand des convertis et le plus grand des Patriarches. De même, le linteau est la pièce la plus haute de la porte. Les deux montants sont le mérite d’Its’hak et de Yaakov.»

Vous faites remarquer que ceci va à l’encontre de l’affirmation courante, selon laquelle Avraham correspond au côté droit(3), Its’hak au côté gauche(4) et Yaakov au domaine du milieu, qui les relie(5).

Je reproduirai ici ce que dit le Tséma’h Tsédek, dans un discours ‘hassidique intitulé «Mezouza à droite» et vous pourrez en déduire la réponse à votre question. Il explique: «Le Midrach Rabba dit que le linteau illustre le mérite d’Avraham et les deux montants, ceux d’Its’hak et de Yaakov(...).

Pourquoi n’avoir pas dit que les deux montants sont Avraham et Its’hak, alors que le linteau correspond à Yaakov, à l’attribut de la splendeur, celui de l’étude de la Torah? On sait que Avraham, lié à Kéter, la couronne qui domine l’enchaînement des mondes, fut qualifié de «grand parmi les géants». Il est le grand-père de Yaakov, dont Its’hak est le père(6), lié à la découverte intellectuelle.»

Un autre texte indique également que Its’hak est le père, qualificatif qui évoque l’Attribut de découverte intellectuelle. Its’hak est, d’ordinaire, lié à l’Attribut de sévérité, mais, par rapport à Kéter, on peut considérer que la découverte intellectuelle et la sévérité s’équivalent.

C’est donc pour cette raison que Avraham correspond au linteau, qui évoque la couronne, Kéter, alors que Its’hak et Yaakov, symbolisent la découverte intellectuelle et les sentiments, sont les deux montants.

Il en résulte que deux présentations peuvent être faites des Patriarches et de ce à quoi ils font allusion, c'est-à-dire le linteau et les deux montants:
1. Dans le sens de la longueur: La succession des générations peut être représentée de cette manière, le linteau, partie la plus élevée, dépassant les montants, puisque Avraham précéda Its’hak et Yaakov. En ce sens, le montant de droite, qui correspond à Its’hak, intervient, dans le temps, avant celui de gauche.
2. Dans le sens de la largeur: On envisage alors trois lignes et Yaakov est, en pareil cas, représenté par le linteau(...).

B) Vous me demandez à quoi correspondent, dans la dimension spirituelle, les douze diagonales reliant entre eux les Attributs de l’émotion.

Vous ne précisez pas ce que vous entendez par dimension spirituelle. Sans doute, votre question porte-t-elle sur ce que devient cette relation lorsque la manifestation de D.ieu dans le monde émane uniquement de la bonté ou de la sévérité.

On peut donner, à ce propos, l’explication suivante. On sait que les six millénaires de l’existence du monde correspondent aux six jours de la création, chacun d’entre eux étant lié à un Attribut spécifique. Ainsi, le premier jour était celui de la Bonté et, lors du premier millénaire, les créatures étaient effectivement nourries par la bonté du Saint béni soit-Il(7), malgré leur mauvais comportement. Lors du second millénaire, qui correspond à l’Attribut de Rigueur, il y eut le déluge, qui fut une destruction totale.

Le troisième millénaire, celui de l’Attribut de Splendeur, vit la sortie d’Egypte et le Don de la Torah, qui est une «Lumière triple»(8). Le quatrième millénaire révéla l’Attribut de la Victoire, dérivé de celui de la Bonté. C’est alors qu’apparurent les deux Temples, malgré l’opposition à leur construction, ainsi qu’il est dit «pour Ma colère et Mon emportement»

Le cinquième millénaire, celui de la gloire, appartenant au domaine de la rigueur, fut malheureusement celui des souffrances et des persécutions, qui ne sont néanmoins pas comparables au déluge et pour lesquelles nous dirons(9): «Je Te loue, Eternel, car Tu m’as réprimandé». Durant le sixième millénaire, se dévoile l’Attribut du Fondement, celui de l’attachement, perfection de toutes les émotions. C’est au cours de celui-ci qu’interviendra la délivrance et, si ce n’était nos fautes, nous l’aurions déjà obtenue, comme le soulignent nos Sages, au traité Sanhédrin 97b.

Ce qui vient d’être décrit résulte de l’effet spécifique de chaque Attribut, considéré de manière indépendante. Néanmoins, les diagonales reliant ces Attributs permettent à chacun de recevoir l’influence de celui qui est antagoniste. L’action concrète prend alors en compte tous ces Attributs à la fois.

Le Tséma’h Tsédek, dans son Séfer Hamitsvot, explique ce que sont ces Attributs, dans leur dimension morale. Le Or Hatorah le fait aussi, d’une manière plus large et plus détaillée.

En vous souhaitant tout le bien,

Rav Mena’hem Schneerson,

Je suis surpris que vous m’écriviez à une adresse différente. Si vous souhaitez que vos lettres me parviennent en leur temps, vous voudrez bien les adresser au Merkaz Leïnyaneï ‘Hinou’h ou aux éditions Kehot.

Vous avez sans doute eu connaissance des différents livres de ‘Hassidout, dernièrement parus aux éditions Kehot.

Notes

(1) Le Rav Mena’hem Mendel Margolis. Voir la lettre n°177.
(2) C’est là que devait être placé, en Egypte, le sang du sacrifice de Pessa’h, dans la demeure des enfants d’Israël.
(3) Celui de la bonté, soit l’un des montants.
(4) Celui de la sévérité, l’autre montant.
(5) C'est-à-dire, le linteau.
(6) En ce sens, le linteau est bien le «produit» des deux montants.
(7) Sans contrepartie, puisque la Torah n’avait pas encore été donnée.
(8) Torah, Prophètes et Ecrits saints.
(9) Lorsque le Machia’h viendra.