Lettre n° 3133

Par la grâce de D.ieu,
21 Kislev 5715,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav David Chlomo(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu, avec plaisir, votre lettre qui faisait suite à une longue interruption. Vous m’y annoncez que vous êtes en bonne santé. Puisse D.ieu faire qu’à l’avenir, chacun de nous n’annonce à l’autre que de bonnes nouvelles.

Vous joignez à votre lettre un fascicule traitant de la possibilité, pour un homme atteint de schizophrénie, de donner un acte de divorce valide à sa femme(2). En fait, ce terme recouvre des états très différents et parfois même diamétralement opposés, qui, néanmoins, ont tous un point commun, selon l’avis des médecins, celui d’être une succession d’états de conscience, puis d’autres de folie.

De nouveaux traitements permettent de guérir ces patients, sauf lorsqu’il parviennent aux deux extrêmes. On ne peut rien faire, en effet, pour celui qui est dans le désespoir, qui sombre dans la mélancolie ou, au contraire, qui fait preuve d’une trop grande joie.

Le début de votre fascicule semble indiquer que ce n’est pas le cas, en l’occurrence. Nous n’en dirons donc pas plus ici, d’autant qu’il manque un élément essentiel, qui est l’avis des médecins sur le cas précis de ce patient. De plus, votre lettre semble indiquer que vous ne cherchez pas une orientation sur cette analyse, mais plutôt à établir s’il est souhaitable de poursuivre vos recherches, en la matière.

Il est clair que, pour de tels patients, il y a de bonnes chances de guérison, y compris pour ce qui est de leur état durant la maladie. Néanmoins, pour que ma lettre ne semble pas vide, j’écrirai les quelques lignes suivantes, sur votre fascicule:

A) Vous citez les responsa Tséma’h Tsédek, partie Even Haézer, chapitre 153, rapportant que, selon Rav Houna, celui qui mentionne l’un des signes du sacrifice de ‘Haguiga, est considéré comme n’étant pas sain d’esprit. Vous êtes surpris par cette affirmation, car, selon la conclusion de la Guemara: “ Il en est ainsi uniquement s’il le fait de manière bête ”. Or, son état doit être établi par trois indices.

A mon sens, l’affirmation du Tséma’h Tsédek est bien simple. Dans ce paragraphe, il se demande si quelqu’un qui est considéré comme dément dans un domaine précis l’est également dans tous les autres domaines. Il y a, en effet, une controverse entre le Rambam et les Tossafot, à ce sujet. Or, ce passage de la Guemara explique que si l’on ne comprend pas la raison de son comportement, même sur un point, en l’occurrence s’il n’est pas établi qu’il agit ainsi afin d’attirer sur lui un esprit d’impureté, on le considère comme dément sur la base de cet indice unique.

B) Vous demandez également pourquoi le Tséma’h Tsédek ne cite pas le Tevouat Chor, lorsqu’il compare les positions du Rambam et des Tossafot.

En fait, ses responsa, comme celles de l’Admour Hazaken, disent que l’explication du Rambam, par le Tevouat Chor, est très difficile à accepter. Et, ne l’acceptant pas, le Tséma’h Tsédek ne la cite donc pas.

C) Vous évoquez, dans ce fascicule, l’interdiction de gâcher et vous citer l’expression du Rambam, “ de telle sorte que l’on gâche ”. Vous consulterez, à ce propos, l’explication de l’Admour Hazaken, dans son Choul’han Arou’h pur, à la fin des lois de la préservation du corps et de l’âme, paragraphes 14 et 15.

Il se base sur l’avis des premiers Sages et ses propos s’appliquent également à celui qui commet une transgression, agissant également “ parce qu’il est saisi par un esprit de folie ”. Ceci peut donc être lié à la situation de l’homme qui exprime son mauvais penchant et sa colère.

D) Vous concluez ensuite sur les responsa du Tséma’h Tsédek. Or, il faut y inclure également le chapitre 159 et ses commentaires de la Michna, sur les traité ‘Haguiga et Guittin, chapitre 7.

E) A la fin du fascicule, vous citez des références des derniers Décisionnaires, traitant de cette question.

Vous consulterez également le Sdeï ‘Hémed, partie sur le recueil des lois, article “ divorce ”, chapitre 1 et les livres qui y sont cités.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Vous m’interrogez sur le Chaareï Techouva de l’Admour Haémtsahi, début du tome 1, fin du chapitre 5: “ Les persécutions ont disparu et elles ne se produiront plus ”. Or, vous objectez qu’il y a eu les massacres de 5408(3) et ceux de notre époque(4).

Le contexte indique que cette disparition porte uniquement sur les persécutions qui avaient pour but de réparer la faute d’idolâtrie, commise à l’époque du premier Temple et à apporter l’élévation aux âmes de l’époque. Tous ceux qui donnèrent leur vie, pendant le Moyen Age, possédaient effectivement leurs âmes. Puis, le Ari Zal porta témoignage que, dans sa génération, ces massacres cessèrent, car toutes ces âmes avaient déjà reçu l’élévation.

A ce propos, il est dit, dans ce même texte, que Rabbi Avraham Ibn Ezra offrit sa vie pour sanctifier le Nom de D.ieu. Pour l’heure, je n’ai trouvé aucune autre source, mentionnant la même affirmation.

Notes

(1) Le Rav D. C. Shapiro, de Milwaukee, aux Etats Unis.
(2) Ce qu’il peut faire uniquement en étant sain d’esprit. Cette maladie permet-elle de le qualifier comme tel?
(3) 1648, en Europe de l’est, par les troupes du cosaque Chmelnitski.
(4) Pendant la seconde guerre mondiale.