Lettre n° 300

Par la grâce de D.ieu,
Veille de Soukkot 5708,

Au grand Rav, ‘Hassid aux multiples accomplissements,
le Rav E. E. Hacohen(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du lendemain de Yom Kippour. Le moment ne permet pas de longs développements et je serais donc bref:

A) Vous me dites, dans votre lettre que le jugement sévère du premier jour de Roch Hachana ne fait pas intervenir les Attributs de l’émotion, qui sont associés au sept jours de la création. Je suis surpris d’une telle affirmation, alors que le Talmud, le Zohar, le Peri Ets ‘Haïm et les livres d’Ethique ne cessent de répéter qu’à Roch Hachana et, de façon générale, durant les dix jours de Techouva, D.ieu siège sur le trône du jugement et le monde est jugé. Le Peri Ets ‘Haïm établit un lien entre le premier jour de Roch Hachana et les Attributs du sentiment. Il explique pourquoi un jugement sévère en résulte. On retrouve une même affirmation dans d’autres textes.

B) Vous tirez une preuve du fait que l’Attribut de Royauté céleste est reconstruit, à Roch Hachana. Or, l’idée contraire en résulte, car on sait que la Royauté est bâtie par l’Attribut de sévérité, émanant d’une source particulièrement élevée.

C) Vous dites que le jugement sévère implique une ascension, alors que le jugement clément reste superficiel. Vous semblez en conclure que, si la sévérité se marque dans toute sa force, le contraire devrait être vrai(2).

Le Peri Ets ‘Haïm établit pourtant que le premier jour reproduit uniquement la dimension profonde des mondes. C’est alors que le jugement est sévère. Puis, l’ensemble des mondes est formé le second jour. Il y a donc bien la dimension profonde, d’abord, la partie superficielle, ensuite.

D) Vous dites que l’Attribut de Royauté est reconstruit, à Roch Hachana, à partir de sa source la plus haute. Alors, se révèle une lumière nouvelle, qui n’a encore jamais éclairé le monde.

Il en est effectivement ainsi, mais ce n’est pas pour cela que Roch Hachana est lié au jugement sévère. Bien au contraire, c’est là l’effet de la sonnerie du Choffar, qui adoucit la sévérité. Plus encore, cette sévérité émane, en l’occurrence, du Nom divin Elokim, comme l’explique le Likouteï Torah et un jugement est nécessaire, à ce propos, ainsi qu’il est dit: «Un jugement pour le D.ieu de Yaakov». Celui-ci est, néanmoins, miséricordieux, car, grâce à la sonnerie du Choffar, D.ieu prend place sur le trône de la clémence.

E) Vous objectez également à mes propos par le fait que le premier Roch Hachana, jour de la création d’Adam, fut un vendredi. Or, même si l’on fait abstraction de ce que j’ai écrit, une explication doit être donnée à ce propos. Car, il y a sans doute une raison ésotérique, comme c’est le cas pour tous les autres principes de la Torah, justifiant l’impossibilité que Roch Hachana soit un dimanche, un mercredi ou un vendredi. Dès lors, comment le premier Roch Hachana put-il être un vendredi?

On peut proposer, à ce propos, l’explication suivante. Le premier Roch Hachana fut également l’occasion d’un jugement sévère. Pour autant, il ne fut pas comparable à celui des Roch Hachana suivants, car:

1. Lorsque l’homme fut créé, c'est-à-dire avant la faute, les mondes et les Sefirot étaient beaucoup plus élevés qu’à l’heure actuelle, comme l’explique le Likouteï Torah du Ari Zal. Le jugement ne pouvait donc pas être réellement sévère.

2. Alors, D.ieu agissait uniquement par bonté(3), ce qui confirme que le jugement ne pouvait être trop sévère. A l’heure actuelle, par contre, toute révélation est obtenue à l’issue d’un jugement, qui fait suite à l’effort des hommes. C’est pour cela que Roch Hachana est uniquement le «souvenir» du premier jour, comme l’explique le Likouteï Torah.

Toutefois, le premier Roch Hachana était également un jour de sévérité. C’est pour cela qu’il ne pouvait être un dimanche ou un mercredi, qui appartiennent au domaine de la bonté(4). Mais, pour souligner que ce jugement n’était pas sévère et peut-être aussi pour se démarquer des Roch Hachana suivants, le premier fut un vendredi, qui n’est pas directement lié au domaine de la bonté, mais en est très proche.

3. De plus, je soulignais, dans ma lettre précédente, que Roch Hachana, à l’heure actuelle, ne peut plus être un vendredi, car le lundi, second jour de la création, y a été réintroduit, lorsque D.ieu constata que cette création était «très bonne». Mais, il n’en fut ainsi qu’après la création de l’homme et par son intermédiaire, comme l’indique le sens simple du verset. Aucune indication n’en résulte donc pour le premier Roch Hachana.

F) Vous expliquez l’affirmation du Rambam(4) d’après l’explication du Tachbets justifiant la nécessité de fixer des jours pendant lesquels les fêtes ne peuvent survenir.

Je n’ai pas du tout évoqué ce point dans ma lettre, car le Rambam ne reprend pas les termes du Talmud. Je ne dispose pas du Tachbets, mais cette même explication est donnée par Rabbénou ‘Hananel, commentant le traité Roch Hachana, par le commentaire du Michné Torah, à cette référence et par le Bina Leïtim, du Rav Guinsburg, qui, pourtant, ne cite pas le Tachbets.

En fait, j’ai simplement reproduit l’objection du Rabad, selon laquelle le Rambam ne justifie pas la raison pour laquelle le dimanche, le mercredi et le vendredi ne peuvent être Roch Hachana. Et, il ne peut considérer que cette raison, énoncée dans le Talmud, est connue de tous. Cela n’est pas son habitude et, bien au contraire, il a coutume de répéter, dans son ouvrage, ce que dit le Talmud.

Le Rabad constate que le Rambam «n’a pas adopté la manière de procéder des Sages. Il a posé une question et s’en est tenu là». En revanche, on peut le comprendre si l’on explique que le Rambam n’a pas voulu mentionner, même de manière allusive, ce qui figure dans la Kabballa.

Ceci permet de répondre à une question que le Rabad se pose, concernant les lois de la Techouva du Rambam, à propos d’un point qu’il n’explique pas. On peut, en effet, expliquer son silence de la même façon.

Et, puisque j’évoque le fait que Roch Hachana ne peut pas être un dimanche, un mercredi et un vendredi, je rappellerai que, selon l’avis de Rabbi, mentionné par Rabbénou ‘Hananel dans son commentaire des traités Chabbat 115a et Soukka 43b, cette impossibilité découle d’un principe transmis à Moché sur le mont Sinaï. Ce principe est, néanmoins, expliqué, d’après la Kabballa, dans les Hagahot de Rabbi Moché Zakouta.

G) Vous dites que l’on trouve, à dix reprises, dans le Talmud, l’expression «grande est la Techouva»(5), huit de manière évidente et deux de façon cachée.

Je me demande ce que vous entendez par là, car, dans le traité Yoma 86a, cette expression est mentionnée dix fois et non neuf, selon la version du Eïn Yaakov.

On peut, du reste, s’interroger, à ce propos, car le Réchit ‘Ho’hma en établit également le compte et n’en trouve, dans tout le Talmud, que quatre. On trouve la même affirmation dans le Midrach Talpyot, qui cite, en outre, une affirmation ne figurant pas dans le Talmud, «grande est la Techouva qui rapproche ceux qui sont éloignés».

H) L’expression «les dix jours qui sont entre(6)» comprennent également ces jours(7). J’ai constaté que le Rav Naé, dans la seconde édition de son Chiyoureï Torah, un livre remarquable qui mérite d’être étudié avec attention, se basant sur le traité Roch Hachana 6b, indique qu’une seule date limite doit entrer dans le compte(8).

En vous souhaitant une joyeuse fête et tout le bien,

Rav Mena’hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(9),

Notes

(1) Le Rav Efraïm Eliézer Hacohen Yallès, de Chicago. Voir la lettre n°298.
(2) Le jugement sévère devrait être superficiel et le jugement clément, profond.
(3) La Torah n’avait pas été donnée et Sa bonté était donc accordée aux hommes, sans contrepartie de leur part.
(4) Voir la lettre n°298.
(5) Une fois dans le traité Roch Hachana 17a et neuf fois dans le traité Yoma 86a. Le Rabbi cite ici une dixième fois dans le traité Yoma, ce qui fait, au total, onze.
(6) Roch Hachana et Yom Kippour.
(7) Roch Hachana et Yom Kippour eux-mêmes. Si ce n’était le cas, il n’y aurait que sept jours.
(8) Roch Hachana, mais non Yom Kippour.
(9) Du Merkaz Leïnyaneï ‘Hinou’h.