Lettre n° 2893

Par la grâce de D.ieu,
1er Elloul 5714,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Il ne m’est pas agréable de vous écrire pour cela, mais il s’agit de l’intérêt d’un Juif et je n’ai donc pas le droit de me taire. Je suis contraint de vous faire part de ma déception.

Votre fils a dû lutter contre lui-même et contre tout son entourage, en particulier pour son apparence extérieure(1). J’espérais donc que vous alliez le renforcer et l’encourager, compte tenu de toutes les épreuves qu’il doit affronter, qu’il pouvait compter sur ses parents et surtout sur sa mère, qui est, selon l’expression courante, une mère miséricordieuse.

Tous s’accordent pour reconnaître que l’apparence extérieure ne change rien, profondément, n’a aucune importance, est uniquement conventionnelle. Seul importe donc le fait de trouver grâce aux yeux de son interlocuteur, de résoudre la question du qu’en dira-t-on, et non pas de la part des personnes qui connaissent le contenu profond de la vie. Car, celles-là, voyant un homme ou une femme qui affiche clairement ses conceptions, quitte à aller à contre-courant, sauront lui témoigner du respect. En fait, il s’agit bien ici des personnes incapables d’observer ce contenu profond et ne faisant que suivre la foule. Celles-là peuvent ébranler la confiance que l’on a en soi, quand on suit sa conscience, dans son existence quotidienne et que l’on ne subit pas de pressions, en la matière.

C’est précisément ce dernier cas qui est à l’origine de ma déception.

Vous ne me tiendrez pas rigueur de ces quelques lignes. Vous comprendrez qu’il ne m’a pas été agréable de les écrire, d’autant que vous-même avez adopté, dans ce domaine, le comportement, empreint de crainte de D.ieu, que l’on avait en Allemagne(2). Mais, comme je le faisais remarquer dans l’une de mes précédentes lettres, le problème n’est pas le port de la barbe, mais plutôt la réaction que l’on doit avoir en observant un proche, qui plus est un fils ou une fille, qui lutte pour avoir une vie conforme à son idéal. Or, on affaiblit sa détermination sous prétexte que l’on ne sait ce que les autres en diront, ceux que le Tanya, au chapitre 32, appelle des “ créatures ”(3).

Avec ma bénédiction de bonne santé et afin que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne année,

Notes

(1) En l’occurrence, le fait de porter la barbe.
(2) Où il n’était pas de coutume de porter la barbe.
(3) C’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’autre qualité que d’avoir été créés par D.ieu.