Lettre n° 288

Par la grâce de D.ieu,
28 Mena’hem Av 5707,

A l’honorable ‘Hassid, érudit qui craint D.ieu,
élève de la Yechiva, le Rav A.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre question:

A) Vous dites que le Rambam écrit: «Je crois en la venue du Machia’h. Je l’attends chaque jour». Pour l’heure, je n’ai jamais vu qu’il ait écrit cela, ni dans son commentaire de la Michna, ni dans le Michné Torah. Néanmoins, on trouve bien cette formule dans les Sidourim.

B) Vous me rapportez l’explication que vous avez entendue, à ce propos. Il faut, chaque jour, attendre qu’il vienne enfin, même s’il ne peut pas venir ce jour-là, par exemple parce que c’est un Chabbat ou un jour de fête, lorsque sa venue est impossible, comme le disent nos Sages, au traité Erouvin 43b.

Il y a longtemps que j’ai été interrogé sur la contradiction entre cette explication de nos Sages(2) et le Ani Maamin(3) et j’ai donné la réponse précédemment exposée. Mais, l’on peut s’interroger, à ce propos, car pourquoi ne pas dire «Chaque jour, j’attendrai qu’il vienne», afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur cette affirmation?

Une explication est plaisante. On peut dire que l’impossibilité, pour le Machia’h, de venir durant le Chabbat et les jours de fête est une éventualité et non une certitude. Le Ani Maamin a donc été rédigé de telle façon que l’on puisse y trouver toutes les situations envisageables, quant à la venue du Machia’h pendant le Chabbat et les fêtes.

On peut aussi avancer une interprétation un peu différente. Il y a plusieurs points qui ne sont pas tranchés et pour lesquels le prophète Elie devra rendre une décision, bien que «la Torah ne se trouve pas dans le ciel». C’est le sens des lettres constituant le mot Teïkou(4).

Or, durant le Chabbat ou la fête, on peut imaginer que le prophète se soit présenté, déjà la veille ou même encore avant cela, devant le grand tribunal et qu’il ait indiqué que le Machia’h pouvait effectivement venir en ce jour. Rien ne s’oppose donc plus à sa venue.

C) On peut, de fait, s’interroger sur l’avis considérant que le Machia’h ne peut pas venir pendant le Chabbat et les fêtes, car il ne peut traverser la limite qu’il est alors interdit de franchir, se trouvant à dix Tefa’h(5) du sol. En effet, une telle affirmation pourrait se comprendre à propos du prophète Elie, qui se trouve là-haut, alors que le Machia’h est bien présent ici-bas.

Bien plus, le Michné Torah, à la fin des lois des rois, dit que si un roi, de la maison de David, est un érudit de la Torah et ramène tout Israël vers elle, s’il mène le combat de D.ieu et en sort vainqueur, il peut être considéré comme le Machia’h. Ainsi, la victoire du Machia’h se marquera peu après sa révélation. Il ne pourra donc venir, pendant le Chabbat et le jour de fête, qu’après avoir obtenu la victoire. Le Talmud dit, en effet, qu’après sa venue, toutes les nations serviront Israël. Il est donc exclu qu’il se trouve à plus de dix Tefa’h du sol.

On doit donc avancer l’explication suivante. En fait, le Machia’h se révélera à tout Israël ou bien au grand Tribunal, qui agira alors en tant qu’émissaire de tout Israël. Ce grand Tribunal siégera d’abord à Tibériade, puis il sera transféré dans le Temple. La guerre de Gog et Magog et la victoire interviendront sur les monts d’Israël ou aux alentours de Jérusalem. Or, le Machia’h pourra se rendre à Tibériade ou en Israël uniquement en se déplaçant au dessus de dix Tefa’h et il devra donc le faire en un jour de semaine, dans la mesure ou des restrictions existent, au dessus de cette hauteur.

D) Tout ce qui vient d’être dit concerne le Machia’h qui descend de David, mais non celui qui descend de Yossef. Ce dernier ne doit pas nécessairement se révéler, en une seule fois, à tout Israël. Or, dans le Ani Maamin, on parle du Machia’h, sans autre précision et l’on fait donc allusion au début de la délivrance, incluant ainsi le Machia’h qui descend de Yossef, lequel, selon tous les avis, peut également venir pendant le Chabbat ou la fête.

E) Il est plus satisfaisant de considérer que le Ani Maamin exprime la foi en la délivrance, dont on attend le début chaque jour, en la venue du prophète Elie, qui annoncera la venue du Machia’h dans un ou deux jours. Tout cela peut aussi s’intégrer à cette venue du Machia’h et c’est pour cela que l’on peut lire ce texte chaque jour. C’est bien évident.

En vous souhaitant tout le bien,

M. Schneerson,

Le Rav Kvint(6) vient de me dire que certains ont coutume de ne pas réciter le Ani Maamin pendant le Chabbat, à cause de la question précédemment soulevée.

Notes

(1) Le Rav Avraham Hecht, de New York. Voir la lettre n°190.
(2) Définissant des périodes pendant lesquelles le Machia’h ne peut venir.
(3) Figurant dans les Sidourim, selon lequel il faut attendre à chaque instant la venue du Machia’h.
(4) D’usage courant dans la Guemara, il est constitué des initiales de la phrase «Le prophète Elie répondra aux questions et aux interrogations».
(5) Largeur de la main.
(6) Le Rav Elyahou Kvint était le secrétaire du Rabbi. Voir la lettre n°382.