Lettre n° 264

Par la grâce de D.ieu,
23 Chevat 5707,

Au 'Hassid érudit, qui craint D.ieu, élève de la Yechiva,
le Rav ...

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre question, dont voici le contenu:

A) "J'ai trouvé qu'une controverse existe à propos de la constitution des couples. Selon les exégètes, ceux-ci se forment par le libre arbitre de l'un et de l'autre, alors que, pour les Kabbalistes, un Décret divin est à leur origine. Je me demande quel est l'avis de la 'Hassidout, en la matière."

B) "Différents textes de la 'Hassidout semblent indiquer qu'il s'agit bien d'un Décret divin. Dès lors, pourquoi un effort est-il nécessaire, dans ce domaine? S'agit-il uniquement d'une action permettant que les lois de la nature soient respectées?"

Vous n'indiquez pas, dans votre lettre, les références de toutes ces affirmations. Vous ne précisez pas non plus les différentes conceptions qui existent, pour chacune de ces deux optiques. De plus, votre première question a une implication concrète et les Décisionnaires la tranchent.

Je vous exposerai donc les différentes conceptions, ce qui permettra de répondre à vos questions.

* * *

La constitution d'un couple dépend-elle totalement, partiellement ou pas du tout du libre arbitre? Plusieurs opinions et conceptions ont été émises, à ce propos.

Ces avis sont basés sur l'interprétation des traités Moéd Katan 18b, Sotta 2a, Sanhédrin 22a, Baba Batra 12b, du Midrach Béréchit Rabba, chapitre 68, du Zohar, tome 1, pages 91b, 207b, 229a, tome 2, page 170b, tome 3, page 283b et d'autres références encore.

On cite, en particulier, le Midrach Tehilim, mais je n'en dispose pas et je ne peux pas le consulter.

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Les différentes conceptions sont les suivantes:

A) Le Séfer 'Hassidim, au chapitre 383, enseigne: "Une voix céleste proclame: La fille de tel homme épousera tel homme et la convoitise d'un autre homme ne sera d'aucun effet. Elle lui permettra de l'épouser pendant quelques temps, sans s'unir à elle, puis il divorcera d'elle ou mourra et elle épousera celui qui lui est destiné."

Le Séfer 'Hassidim ne précise pas de quelle union il s'agit ici, mais, pour le rendre convergent avec les traités Moéd Katan et Sotta, on peut dire qu'il s'agit bien de la première union.

B) Un premier commentaire, à la même référence, selon Azoulay(1) et Rabbénou Nissim, dans le traité Moéd Katan, dit: "La prière d'un autre lui permettra d'épouser cette femme et même de s'unir à elle, mais, finalement, elle sera répudiée, ou perdra son mari et épousera celui qui lui était destiné".

C) Rachi, commentant le Rif, dans le traité Moéd Katan, précise: "La voix céleste énonce le décret, mais la prière peut l'annuler totalement". Il ne dit pas que cette annulation est seulement temporaire.

Les Tossafot, commentant le traité Sanhédrin 22a, comparent cette prière à celle qui transforme un foetus de garçon en fille(2), ce qui est irréversible. Le Tséma'h Tsédek est du même avis, dans son commentaire du traité Moéd Katan.

D) Selon le Tachbets, tome 2, chapitre 1, on a le libre choix de se marier ou non, mais, si l'on décide de le faire, on doit épouser celle qui a été désignée par la voix céleste. Un autre homme, qui le désire, peut devancer celui qui doit épouser cette femme, mais son union ne perdurera pas, comme le dit le paragraphe B.

E) Le Rambam, au début du dernier de ses huit chapitres, dit que la voix céleste n'émet pas un Décret divin, mais indique uniquement une tendance naturelle, rendant plus aisé et plus simple le choix de telle femme. Néanmoins, le libre choix est pleinement respecté. On consultera aussi les responsa du Rambam, au paragraphe 159.

Cette explication, selon laquelle la prédestination des couples est uniquement en fonction d'une attirance naturelle, s'applique à la fois à la première union et à la seconde. Dès lors, pourquoi nos Sages disent-ils que "la seconde union est en fonction des actions" de l'homme?

On peut répondre que, de manière naturelle, la voix céleste aurait dû intervenir également pour la seconde union. Néanmoins, la nature est modifiée en fonction de la récompense et de la punition, de sorte que la seconde union dépend du mérite de l'homme. On peut, du reste, découvrir cette explication dans les mots du Rambam, cités par le Tachbets.

Toutefois, même pour une seconde union, un homme doit, par un effet de son libre choix, prendre la décision de se marier, aucun Décret divin ne pouvant l'obliger à le faire. En effet, une seconde union est également une Mitsva, même pour celui qui a déjà des enfants, car "il n'est pas bon que l'homme soit seul", comme l'explique le traité Yebamot 61b.

F) Selon le Akéda, porte 8 et 322, toutes les unions sont en fonction des actions de l'homme et, lorsque nos Sages parlent de la voix céleste annonçant la première union, ils font uniquement allusion à la jonction entre la forme et l'esprit, entre le corps et l'âme.

G) Les écrits du Ari Zal, partiellement cités par le Yaabets, dans son commentaire du traité Sotta 2a, explique que, pour la première fois, lorsque l'âme descend dans ce monde, la voix céleste annonce que "la fille de tel homme épousera tel homme". Mais, celle-ci peut auparavant s'unir à un autre homme, comme ce fut le cas pour Ourya et Batcheva, selon le Zohar, tome 1, page 73b. Puis, lorsque vient le moment de ce mariage, l'homme trouvera cette femme, sans aucun effort, sans aucune fatigue de sa part.

Un autre peut, toutefois, par sa prière, le devancer, si aucune femme ne lui est destinée, selon le Zohar, tome 1, page 91b et 229a, cité par le Midrach Talpyot, à l'article "mariage". Il l'épousera donc en fonction de ses actions et, parfois même, changera d'âme pour cela, pour le meilleur ou pour le pire. Il perdra alors son épouse et en prendra une autre, n'étant pas celui qui a été désigné pour cette femme.

Parfois, un homme devra se réincarner une seconde fois pour pouvoir épouser celle qui lui est destinée. Ou bien, il vivra une seconde vie, pour une autre raison et, s'il en a le mérite, cette femme se réincarnera également afin qu'il puisse l'épouser. Pour autant, ayant commis des fautes qui justifient cette seconde vie, il fera l'objet d'accusations qui empêcheront cette union et la rendront aussi difficile que le passage de la Mer Rouge, selon le Sefer Haguilgoulim et le Sefer Halikoutim Tehilim.

Si la femme qui lui est destinée ne se réincarne pas, cet homme épousera une femme qui vit elle-même pour la seconde fois, sans qu'un homme ne soit désigné pour elle. Leur union est alors difficile, car leurs natures ne s'accordent pas nécessairement, selon le Séfer Halikoutim.

Néanmoins, une certaine proximité doit exister entre eux, de par la source de leur âme, selon la même référence. D'après un autre avis, le Bneï Aharon commentant le Chaar Haguilgoulim, citant les anciens Sages, au nom du Ari Zal, si la femme qui lui est destinée ne revit pas une seconde fois, cet homme épousera celle qu'il pourra, ainsi qu'il est dit: "homme et sa femme, saisissez ce que vous pouvez dans les vignes".

* * *

Il découle de tout ce qui vient d'être dit que, quelle que soit la forme de l'union, on peut être devancé par quelqu'un d'autre.

Et la Hala'ha tranche que, pour cette raison(3), on peut se fiancer pendant 'Hol Hamoéd.

Tous les efforts(4) sont donc justifiés.

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Le Or Hatorah du Tséma'h Tsédek commente l'affirmation de nos Sages, dans le Midrach Rabba, selon laquelle D.ieu intervient, dans l'union d'un homme, de deux manières. La première qu'il définit est difficile à déchiffrer et l'on peut l'interpréter de la manière suivante. D.ieu désigne la femme qu'il doit épouser, mais cet homme conserve la possibilité de le faire ou de ne pas le faire. C'est l'explication du Tachbets, précédemment citée.

La seconde manière est la suivante. Le mariage est comparable à la naissance d'enfants, à la santé et à l'opulence matérielle, qui dépendent des influences astrales et non du mérite et des actions. Là encore, un effort peut être utile, comme dans les domaines précédemment cités. En effet, celui dont l'influence astrale n'est pas propice, ce qu'à D.ieu ne plaise, peut néanmoins modifier les choses par son effort. Et, même lorsque cette influence astrale est propice, une action de sa part reste nécessaire et un mérite peut venir en aide, comme l'explique le Biyoureï Zohar.

Le Dére'h Mitsvoté'ha donne, à ce propos, une autre explication, basée sur la 'Hassidout, de même que le discours 'hassidique intitulé "des eaux nombreuses" et le 'Hano'h Lenaar.

* * *

Un discours 'hassidique prononcé en 5671(5) définit la première et la seconde union, précisant ce qui les distingue. Globalement, il dit que la première est décidée par D.ieu, de Sa propre initiative et avant tout effort de l'homme. Elle évoque donc la première délivrance. La seconde dépend, en revanche, de ses actions, c'est-à-dire de son effort, auquel elle répond. Elle introduit ainsi la seconde délivrance.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité de rédaction(6)

Notes

(1) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Séfer 'Hassidim, manuscrit de Parme publié par les éditions Mekitseï Nirdamim, au chapitre 1128, donne un second commentaire d'Azoulay, conforme à celui qui figure au paragraphe A".
(2) Au tout début de la gestation.
(3) Pour ne pas être devancé par quelqu'un d'autre.
(4) Pour réaliser cette union.
(5) 1911, par le Rabbi Rachab.
(6) Du Kovets Loubavitch.