Lettre n° 259

Par la grâce de D.ieu,
Mardi de la Paracha "et Yaakov vécut
en Egypte" 5707,

Au 'Hassid distingué, qui craint D.ieu,
le Rav Y. Goldstein(1),

Je vous salue et vous bénis,

Votre lettre du 11 Kislev, m'annonçant la bonne nouvelle, celle de la fixation d'un cours publique de Torah, m'est bien parvenue. Conformément à votre demande, nous vous avons adressé, par colis séparé, quelques unes de nos publications. Vous voudrez bien nous confirmer les avoir reçues. Vous vous efforcerez également qu'elles servent au plus grand nombre, ou bien en les plaçant dans un endroit public, synagogue, salle de lecture, ou bien en les prêtant successivement à de nombreuses personnes. Celui qui confère un mérite à la communauté reçoit lui-même l'équivalent de ce mérite.

Nous ne disposons pas d'exemplaires du Tanya, car ceux-ci sont épuisés et vous vous adresserez donc directement à Tel Aviv. Il me semble qu'il leur en reste quelques uns.

Dans sa lettre du 14 Sivan 5701(2), que j'ai reproduis dans le Hayom Yom, à la page 12, mon beau-père, le Rabbi Chlita écrit comment le Tséma'h Tsédek, enfant, interpréta le verset "et Yaakov vécut en Egypte pendant dix sept ans". Son professeur, se basant sur le Baal Hatourim, lui expliqua que notre père Yaakov vécut, dans ce pays, les dix sept meilleures années de sa vie. Rentré à la maison, au sortir de l'école, il interrogea son grand-père, l'Admour Hazaken: "Comment Yaakov, élu d'entre les Patriarches, put-il vivre les meilleures années de sa vie en Egypte, abomination de la terre?".

L'Admour Hazaken lui répondit: "Il est écrit «Il envoya Yehouda, devant lui, à Yossef, pour le précéder à Gochen». Le Midrach, cité par Rachi, dit: "Rabbi Né'hémya explique: Il y fonda une maison d'étude, afin que la Torah y soit présente et que ses fils puissent l'étudier". Lorsque l'on étudie la Torah, on s'approche de D.ieu. Dès lors, même en Egypte, on peut vivre pleinement".

Bien plus, c'est précisément Yehouda qui se rendit en Egypte. En effet, on peut s'interroger sur l'explication de l'Admour Hazaken, basée sur les propos du Baal Hatourim. Car, on s'approche de D.ieu en étudiant la Torah. Or, il est clair que Yaakov l'apprenait également en Erets Israël, au même titre que les autres Patriarches et le verset précise uniquement qu'il continua à le faire en Egypte. Dès lors, pourquoi les années qu'il vécut dans ce pays furent-elles les meilleures?

Certes, les parcelles de sainteté se trouvant en Egypte étaient nombreuses, mais celles-ci ne reçurent l'élévation que bien plus tard(3), après que "toute cette génération mourut". De plus, l'Admour Hazaken fait dépendre l'élévation de l'étude de la Torah et non de l'élévation de ces parcelles.

Il est dit aussi que "tu vivras dans la peine" car "telle est la voie de la Torah" et, dès lors, "tu seras heureux et tout sera bien pour toi". Mais, cela concerne uniquement le plaisir, puisqu'il est enseigné que "tu mangeras du pain et du sel". En Egypte, à l'opposé, il fut dit que "vous vous nourrirez avec les mets les plus gras du pays", alors que rien de tel ne fut promis à propos de Canaan.

En tout état de cause, l'Egypte était l'abomination de la terre. Il était impossible que l'atmosphère y soit propice à l'étude de la Torah et il est peu probable qu'elle le soit devenue avec leur arrivée.

C'est donc pour cela que Yaakov y délégua précisément Yehouda, lequel était soumis, comme un serviteur ordinaire, éprouvait même du plaisir à être soumis, de sorte que le plaisir du maître était également le sien. Et, il est clair que le plaisir du maître était beaucoup plus intense lorsque l'on étudiait la Torah également en Egypte. Car, la nécessité d'apporter l'élévation aux parcelles de sainteté rendait la descente en Egypte inéluctable.

L'étude de la Torah n'est pas une démarche rationnelle, pas même pour l'âme divine. Elle est uniquement l'expression de la Volonté divine, dans toute Son Essence. Or, Yehouda sut emplir de ce plaisir profond également le serviteur ordinaire. C'est donc en étudiant la Torah en Egypte que Yaakov vécut les meilleures années de sa vie.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Le Rav Yossef Goldstein, lorsqu'il échappa à la guerre, parvint à Paris et y instaura un cours de 'Hassidout. Le Rabbi explique donc ici l'importance d'étudier la Torah même en Egypte. Il adressa une lettre identique au Rav M. D., un Cho'het, qui commençait ainsi: "J'ai bien reçu la lettre que vous m'avez adressée de l'endroit où vous venez de vous établir et je vous en remercie. Vous vous efforcez sans doute de diffuser la 'Hassidout et les principes d'une éducation emplie de crainte de D.ieu, par tous les moyens possibles, discrètement ou de manière ostentatoire. En effet, il y a, là-bas, des érudits de la Torah et, dans le traité Chabbat 31a, nos Sages disent qu'il faut introduire une mesure de sel (dans le blé, pour le conserver). Et qui sait quelle personne a été chargée d'accomplir tout cela en chaque endroit? Parfois, on peut le faire sans aucun plaisir, surtout lorsque l'atmosphère ambiante ne s'y prête pas. Mais, le plaisir n'est pas essentiel et, si vous en avez le mérite, vous l'éprouverez par la suite."
(2) 1941.
(3) A l'issue de l'esclavage.