Lettre n° 244

Au très distingué docteur A. Hilman(1),

Je vous salue et vous bénis,

Dans les archives de la rédaction de Hakrya Vehakedoucha dont j'ai pu avoir connaissance, ce périodique ayant cessé de paraître depuis quelques mois, j'ai trouvé votre lettre, dans laquelle vous vous interrogez sur une affirmation du Tanya.

Je voudrais donc vous apporter la réponse suivante:

A) A la fin du chapitre 32 du Tanya, les mots "et David ne l'a pas dit, selon le début du seizième chapitre du traité Chabbat" apparaissent également dans la première édition, qui se trouve dans la bibliothèque de mon beau-père, le Rabbi Chlita.

B) Le contenu de ce chapitre est le suivant. Celui qui accorde un rôle prépondérant à son âme et une place accessoire à son corps peut aimer tous les Juifs qui, de par la source de leur âme, en le D.ieu de vie, sont, à proprement parler, des frères.

Puis, le Tanya s'interroge, à ce propos. Comment est-il possible de haïr profondément un autre Juif alors que celui-ci possède une âme divine, qui est une parcelle de D.ieu véritable? Il explique donc qu'il est question de haine uniquement envers les hérétiques et les impies, lesquels suscitent la jalousie. Il n'y a pas lieu de les aimer, puisqu'ils se refusent toute part en le D.ieu d'Israël, s'étant malheureusement détachés de leur source. Il est donc impossible de les considérer comme des frères.

En effet, il s'agit bien ici de ceux qui ne peuvent être tenus pour des amis dans le domaine de la Torah et des Mitsvot. On ne peut donc pas les haïr du fait du mal qu'ils portent en eux, car qu'a-t-on de commun avec eux? Deux conditions doivent alors être remplies:
1. On ne les aime pas, parce qu'ils se refusent toute part en le D.ieu d'Israël.
2. On les hait, en fonction du verset: "Je haïrai ceux qui Te haïront".

Ce qui vient d'être dit permettra de répondre à un certain nombre de questions:
1. Pourquoi l'Admour Hazaken parle-t-il également des impies alors que le traité Chabbat cite uniquement les hérétiques? Parce que ces derniers sont également haïs. C'est pour cela qu'ils doivent être déchus. Le traité Avoda Zara 26b cite aussi les dénonciateurs. Mais, ceux-là ne sont pas condamnés par haine, mais parce qu'ils poursuivent des Juifs. La haine que l'on éprouve envers eux n'est donc pas la plus forte.
2. C'est pour cette même raison que l'Admour Hazaken ne mentionne pas ceux qui sont punis de retranchement de l'âme ou condamnés à mort, bien qu'ils soient également coupés de leur source et ne puissent plus être considérés comme des frères.
3. C'est aussi pour cela que l'Admour Hazaken emploie l'expression "ils se refusent toute part en le D.ieu d'Israël".

En tout état de cause, l'Admour Hazaken ne parle pas uniquement, à la fin de ce chapitre 32, des renégats, ni même de la totalité de ceux qui entrent dans cette catégorie, mais uniquement des impies et des hérétiques, selon la définition qu'en donne le Rambam, au troisième chapitre des lois de la Techouva.

C) Ce chapitre expose, en outre, une qualité que l'on acquiert en méditant au contenu du chapitre précédent, c'est-à-dire à la Mitsva d'aimer son prochain. Pour compléter son exposé, le Tanya précise dans quels cas cette Mitsva ne s'applique pas, mais ce n'est là qu'une parenthèse de ce chapitre, dont on retrouve l'équivalent au premier chapitre, à la fin du second et à la fin du cinquième.

* * *

De fait, on trouve, dans ce chapitre, une affirmation inhabituelle: "et quand on ne parvient pas à convaincre son prochain, la Mitsva de l'aimer reste, en tout état de cause, acquise". Pourquoi ne pas dire "bien que l'on ne soit pas parvenu à le convaincre"? La question est d'autant plus forte que le style de toutes les parties du Tanya est simple et direct, sans fioritures, ni citations inutiles.

La différence entre les deux formulations est la suivante. Dans la seconde, "bien que" introduit une proposition annexe, accessoire par rapport à la suivante, qui est la principale, alors que dans la première formulation, les deux propositions constituant cette phrase ont la même valeur.

L'Admour Hazaken entend donc souligner ici que l'amour doit être identique dans les deux situations, lorsque le prochain se rapproche de la Torah et lorsqu'il ne le fait pas. C'est ainsi qu'on peut justifier la formulation adoptée. Une même explication peut être donné dans des passages de la Loi Ecrite et de la Loi Orale(...).

Je vous souhaite tout le bien et vous charge de saluer les membres de votre famille, bien que je ne les connaisse pas,

Rav Mena'hem Schneerson,

Le contenu du chapitre 32 du Tanya est expliqué dans le Sefer Hamitsvot du Tséma'h Tsédek(2), à la Mitsva d'aimer son prochain.

Le Tomer Devora, au chapitre 2, dit: "On s'habituera à éprouver en son coeur de l'amour pour les autres hommes, y compris pour les impies, comme on le ferait envers des frères et même au delà de ce sentiment".

Le Chevet Moussar, au début du chapitre 7, citant nos Sages, dit: "D.ieu dit qu'il n'est pas de paix pour les impies. Il faut en conclure que le Saint béni soit-Il aime les impies(3)".

Dans les causeries de l'été 5700(4), il est dit que "l'on doit aimer l'impie le plus éloigné au même titre que le Juste le plus parfait".

Notes

(1) Le docteur Acher Hilman. Voir la lettre n°267.
(2) Qui est le Dére'h Mitsvoté'ha.
(3) Et ne leur accorde donc pas la paix, afin qu'ils se repentent.
(4) 1940, du précédent Rabbi.