Lettre n° 240

Par la grâce de D.ieu,
13 Tamouz 5706,

Au 'Hassid érudit, qui craint D.ieu,
le grand Rav, Rav A.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je voudrais vous remercier tout particulièrement, à vous-même et à tous ceux qui vous suivent, pour votre aide appréciable, lors de la collecte au profit du Keren Hamatsot(2), qui fonctionne sous la responsabilité du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h, auprès de la communauté Séfarade de votre ville.

L'action du Keren Hamatsot est particulièrement importante. Ce fonds apporte une aide spirituelle à nos frères réfugiés. Ceux-ci ont souffert, sont meurtris, mais, D.ieu merci, les impies n'ont pas atteint leur moral. Ils souhaitent se lier à leur Père Qui se trouve dans les cieux, en mettant en pratique les Mitsvot de Mezouza, Tsitsit et Tefilin. D.ieu merci, nombreux sont ceux qui se préoccupent de leurs besoins matériels. Nous ne devons donc pas oublier leurs besoins spirituels, sans la satisfaction desquels la vie n'en est pas une.

Nous sommes convaincus que vous continuerez à apporter votre concours à ces réalisations importantes, de même qu'à toutes les autres actions du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h.

A l'aide apporté au Keren Hamatsot, s'ajoute la nécessité de convaincre ceux qui n'en perçoivent pas l'utilité. Outre les moyens de mettre en pratique ces Mitsvot, il faut donc leur prouver, avec des paroles douces, qu'il est important de les respecter.

Certains se demandent pourquoi l'on doit s'encombrer d'un tel fardeau. Ne suffit-il pas de rechercher sa propre perfection, son élévation, d'étape en étape, dans la sainteté? Pourquoi s'imposer une chute et s'engager dans la polémique? Pourquoi même engager le dialogue avec ceux qui, de leur vivant, sont considérés...(3)? Ceci implique, en outre, de négliger l'étude de la Torah, la pratique des Mitsvot.

A tous ceux qui raisonnent ainsi, il faut répondre d'après la Paracha de la semaine dernière, comme l'explique le Midrach Rabba 19, 4, qui dit:

"Chaque fois que le Saint béni soit-Il enseignait un point à Moché, Il lui indiquait comment celui qui contractait l'impureté pouvait en être purifié. Lorsqu'Il prononça la Parachat Emor, "dis aux Cohanim", Moché lui dit: Maître du monde, si l'on constate l'impureté, en pareil cas, comment obtenir la purification? Il ne lui répondit point. Alors, le visage de Moché s'empourpra. Lorsqu'Il prononça la Paracha de la vache rousse, Moché l'interrogea encore(4)."

Or, on peut ici s'interroger. Pourquoi D.ieu ne répondit-il pas aux questions dans l'ordre où Moché les posait, comme cela avait été le cas auparavant. Bien plus, Rabbi Lévi, l'un de ceux qui donnent l'enseignement, dans le Midrach Rabba, s'exprime aussi dans le traité Guittin 60a et dit que la Parachat Emor et celle de la vache rousse furent prononcées le même jour. Dès lors, pourquoi ne furent-elles pas rapprochées?

L'explication est brièvement la suivante. L'impureté contractée par contact avec un mort est différente de toutes les autres. Les Juifs sont définis comme "vivants", ainsi qu'il est dit: "Vous êtes attachés à l'Eternel votre D.ieu, vivants tous ensemble aujourd'hui". Avant la faute(5), cet attachement se marquait dans le monde entier et Adam, le premier homme, dit à toute la création: "Venez, nous nous inclinerons et nous nous prosternerons". A l'époque, la mort était inconcevable.

Tant que cet attachement subsistait, même si les fautes et les transgressions l'affaiblissaient, il restait relativement facile de modifier son comportement, de raffermir ce lien. La mort, en revanche, détache de sa source, en le D.ieu de vie, comme le dit le Tanya, à la fin du chapitre 24. Lorsque les Juifs parvinrent à cela, cette mort spirituelle provoqua la mort physique et justifia toutes les lois de l'impureté contractée par contact avec un mort.

C'est pour cette raison que, dans tous les cas précédents, D.ieu put aussitôt indiquer à Moché comment recouvrer la pureté, car le lien avec la source de la pureté n'était pas totalement coupé et sa révélation restait donc possible. A l'opposé, la mort et l'impureté, dans leurs dimensions matérielle et spirituelle, provoquent une interruption de cette révélation, qu'il faut alors obtenir à un stade plus élevé.

En pareil cas, une distance incommensurable sépare l'impureté de sa purification et l'on retrouve donc un même éloignement dans l'énoncé de leurs lois, telles que la Torah les rapporte. En effet, édicter une loi, dans la Torah, revient à la conduire à l'existence. Et, nos Sages disent que "la Torah décrit la pratique courante"(6).

Ceci nous permettra de comprendre les propos de la Michna selon laquelle "l'impureté la plus grave est celle de la mort, qui se répand même dans la tente(7)" et l'on ne peut soulever une objection à partir du cas du lépreux, que nos Sages ont déjà expliqué, par ailleurs.

On distingue, en effet, trois formes de vitalité du corps, celle qui est spécifique(8), celle qui est globale(9) et celle qui transcende les deux aspects précédents. Trois besoins de l'homme y correspondent, la nourriture, les vêtements et la maison. Celui qui atteint le stade le plus élevé de la vitalité introduit donc l'impureté également dans la tente(10).

Malgré une telle interruption, D.ieu enseigna également à Moché le moyen de se purifier de l'impureté contractée par contact avec un mort. D.ieu précisa, en outre, qu'Il lui en révélerait la raison, mais que, pour tous les autres, ceci resterait un Décret transcendant la logique. Il lui dit que la vache rousse qu'il devait réaliser serait éternelle(11).

Les Mitsvot que nous ne pouvons actuellement accomplir dans leur dimension matérielle subsistent, néanmoins, dans leur dimension morale, comme cela est expliqué à propos de la prière et des sacrifices(12).

Il en est de même pour la purification de l'impureté contractée par contact avec un mort, qui nous semble être un Décret(13). Dès lors, pourquoi nous consacrer aux besoins d'un homme qui en est atteint, qui est donc séparé de sa source, ce qu'à D.ieu ne plaise? Comment celui-ci pourrait-il se purifier? Bien plus, il rend, momentanément, impur, ceux qui se consacrent à ses besoins(14)!

Malgré tout cela, la vache rousse sacrifiée par le Moché de chaque génération, c'est-à-dire par nos maîtres, existe toujours. Tous les Juifs, en particulier les plus proches, doivent le consulter, à ce propos. Alors, il purifiera ceux qui sont impurs et leur conférera la vie éternelle.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

M. Schneerson,
Directeur du comité exécutif(15)

Notes

(1) Le Rav Avraham Hecht, de New York. Voir la lettre n°190.
(2) Terme formé par les initiales de Mezouzot, Tsitsit, Tefilin. Ce fonds, créé par le Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h, avait pour but de fournir ces objets sacrés aux réfugiés d'Europe. Voir, à ce propos, les lettres n°283, 210 et 338.
(3) Le Tanya rappelle que "les impies, de leur vivant, sont considérés comme morts". Le Rabbi ne souhaite pas écrire ce dernier mot.
(4) Et c'est alors que D.ieu lui répondit également à la question précédente.
(5) De l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
(6) Hové, terme qui peut également se traduire par "ce qui existe".
(7) C'est-à-dire dans tous les bâtiments en contact direct avec l'endroit où il se trouve.
(8) A chaque membre.
(9) Pour l'ensemble du corps.
(10) Qui peut être comparée à une maison.
(11) Puisque les cendres de toutes les vaches rousses sacrifiées par la suite furent mêlées à celle de la vache sacrifiée par Moché.
(12) A l'heure actuelle, la prière remplace les sacrifices que nous ne pouvons effectuer.
(13) Transcendant la raison.
(14) Le Cohen qui effectuait le sacrifice de la vache rousse devenait lui-même impur.
(15) Du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h.