Lettre n° 229

Par la grâce de D.ieu,
13 Iyar 5706,

Au grand Rav, 'Hassid qui craint D.ieu,
le Rav A. E. Axelrod(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre. J'ai écris, dans la Haggada que l'on dit, le Chabbat(2), "avec amour, une convocation sacrée", car les Juifs acceptèrent avec amour la convocation sacrée du Chabbat. J'ai cité comme référence, à ce propos, le Levouch.

Vous me dites que l'expression "convocation sacrée" est modifiée, pendant le Chabbat, par rapport à la semaine(3). Il n'y a pas là une modification, mais bien un ajout. En effet, durant le Chabbat, la "convocation sacrée" est, à la fois, celle du Chabbat et celle de la fête, ce qui n'est pas le cas pendant la semaine. L'expression "avec amour", en revanche, doit être mise à part, car elle est spécifique au Chabbat. Et, il n'y a pas lieu de s'en étonner car, il en est de même, plus loin, lorsque l'on dit "avec amour et bonne volonté", ce qui concerne le Chabbat, mais non la fête. Puis, "avec joie et allégresse" se dit uniquement de la fête et non du Chabbat.

Vous faites remarquer que le Chabbat est "sacré" et non "convocation sacré"(4), comme le précise le Likouteï Torah, commentant la Haggada. Le verset qualifie pourtant clairement le Chabbat de "convocation sacrée", ainsi qu'il est dit (Vaykra 23, 3): "Le septième jour sera le Chabbat du Chabbat, une convocation sacrée". Et l'Admour Hazaken établit, dans son Choul'han Arou'h, que le Chabbat fait partie des "convocations sacrées".

Certes, le Netina Leguer, citant le Maharcha et le Gaon de Vilna, considère que "le septième jour" dont il est question dans ce verset est Yom Kippour et les six jours le précédant, comme les autres fêtes et Roch Hachana. Mais, ceci va à l'encontre du sens simple du verset et de l'explication de l'Admour Hazaken précédemment donnée. En outre, plusieurs explications de nos Sages montrent qu'il s'agit bien ici du Chabbat(...).

Pour que ce verset ne contredise pas le Likouteï Torah, il faut dire que, selon ce dernier, la fête n'est pas "sacrée", alors que le Chabbat, qui l'est effectivement, peut bien être appelé "convocation sacrée", car "il y a cent pièces dans deux cents"(5). Néanmoins, cette interprétation n'est pas celle du Zohar, mentionnée dans le Sidour, qui dit: "Le Chabbat est sacré, mais non convocation sacrée".

On peut dire aussi qu'il est plusieurs manières d'interpréter l'expression "convocation sacrée", une réunion pour offrir des sacrifices supplémentaires, une interdiction de travailler, la nécessité de porter un bel habit, de boire et de manger, une sainte festivité.

Le Zohar, excluant la "convocation sacrée", ne nie pourtant pas l'emploi de cette expression par le verset. Il indique uniquement que le Chabbat n'est pas une festivité sainte et l'on trouve la même affirmation, dans les références du Choul'han Arou'h de l'Admour Hazaken, à propos de 'Hol Hamoéd. On peut encore s'interroger, à ce sujet.

J'ai dit aussi que l'on évitait de manger l'os(6). J'ai cité, à ce propos, comme pour toutes les autres coutumes, la pratique de la famille du Rabbi, celle de mon beau-père, le Rabbi Chlita, qui m'en a lui-même donné la raison, en l'occurrence la nécessité d'éviter toute ressemblance avec le sacrifice de Pessa'h(7). Et, cette précaution est nécessaire, car l'os a précisément pour but de commémorer ce sacrifice.

On peut justifier le rejet de toute ressemblance avec le sacrifice de Pessa'h par le fait de ne pas manger l'os. En effet, le Pessa'h est particulier, parce que sa consommation est son aspect essentiel et non uniquement un détail de son accomplissement, comme c'est le cas pour les autres sacrifices.

Nos Sages enseignent, dans le traité Pessa'him 76b, que le but essentiel du sacrifice de Pessa'h est sa consommation. Et Rachi explique: "La Mitsva du Pessa'h a essentiellement été donnée pour que celui-ci soit mangé". Ainsi, lorsque l'on s'abstient de manger l'os, on fait bien disparaître la qualité essentielle du sacrifice de Pessa'h, ce que l'on n'obtiendrait pas en demandant de le consommer plus tard, comme vous le suggérez dans votre lettre.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson

Notes

(1) Le Rav Avraham Elyahou Axelrod. Voir lettre n°225.
(2) Dans le Kiddouch de la fête, lorsque celle-ci survient un Chabbat.
(3) Lorsque la fête survient un jour de semaine
(4) C'est-à-dire intrinsèquement saint, ne dépendant pas de la fixation du Roch 'Hodech, par le tribunal des hommes, qui conditionne la fixation des fêtes.
(5) L'expression la plus forte inclut en elle la plus faible.
(6) Qui se trouve sur le plateau du Séder.
(7) Afin que l'on ne puisse croire que celui-ci a été effectué en dehors du Temple.