Lettre n° 220

[Hiver 5706(1)]

Question: Pouvez-vous expliquer ce que dit le début du septième chapitre de Chaar Hay'houd Vehaémouna: «Par permutation des lettres, le mot Vaéd, éternité, devient E'had, un".

Réponse: Cette affirmation figure dans le Zohar tome 2, page 134a et le Mikdach Mélé'h, cité par le Nitsoutseï Orot, dit, à cette même référence: En effet, le Alef est remplacé par un Vav, puisque les lettres Alef, Hé, Vav et Youd sont interchangeables. Et, le 'Heth est remplacé par un Aïn, puisque les lettres Alef, 'Heth, Hé et Aïn sont interchangeables(2)".

Il en résulte que les lettres Alef, Hé, Vav et Youd sont bien permutables. Toutes sont prononcées en se liant à la lettre qui les suit, sont aspirées au point d'être parfois muettes, expriment le souffle et permettent à chaque mot de s'exprimer par la parole.

Les manuels de grammaire expliquent tout cela et l'on consultera également le commentaire de Rabbi Avraham Ibn Ezra sur le verset Chemot 3, 15 et son énigme, qui est imprimée dans l'introduction de son commentaire de la Torah. On verra aussi le discours intitulé "Mes Chabbats" dans le Likouteï Torah, à la fin du premier paragraphe.

Il en est de même pour les lettres Alef, 'Heth, Hé, Aïn, qui sont également liées, étant toutes gutturales(3).

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Telle est l'explication générale qui peut être donnée à propos de cette permutation.

Il nous faut cependant comprendre pourquoi est-ce précisément ces lettres-là qui sont interchangeables. Nous le comprendrons en fonction d'une explication du Tanya, citant le Zohar, selon laquelle "le verset «Ecoute Israël, l'Eternel est notre D.ieu, l'Eternel est Un» correspond à l'Unification Supérieure et le verset «Béni soit le Nom de l'honneur de Sa royauté pour l'éternité», à l'Unification Inférieure". C'est précisément à ce propos qu'est établie la correspondance entre Vaéd et E'had(4).

L'explication de cette affirmation est, brièvement, la suivante. L'unification supérieure évoque l'insignifiance du rayon de soleil lorsqu'il est partie intégrante du soleil, la soumission à D.ieu du monde spirituel d'Atsilout, l'annulation de celui qui fait abstraction de sa propre personne, qui ne fait même pas d'effort pour y parvenir, tant il a perdu la conscience de son moi.

L'unification inférieure correspond aux mondes spirituels de Brya, Yetsira et Assya, à la soumission qui ne fait pas abstraction de la propre personnalité, qui conserve la conscience du moi, mais accepte intellectuellement de se courber, concevant qu'elle est partie intégrante de sa source, qui est à l'origine de son existence, comme un rayon de soleil dans le soleil. Une telle attitude est uniquement comprise, mais non ressentie.

On parvient à l'unification supérieure en ressentant sa propre source. Quand est-ce le cas? Lorsque celle-ci ne se voile pas, bien qu'elle s'engage dans le processus créatif, faisant apparaître le monde d'Atsilout.

Ce qui vient d'être exposé fait allusion à tout cela. Alef est l'initiale de Aloufo Chel Olam, le Maître du monde et 'Heth, celle de 'Ho'hma, l'Attribut de découverte intellectuelle qui introduit l'enchaînement des mondes. Par l'intermédiaire du 'Heth, l'Alef engage donc le processus créatif et crée le monde grâce au Dalet, initiale de Dibour, la Parole.

Néanmoins, cette Parole reste liée à sa source, qui est la Pensée. Plus encore, elle est partie intégrante de cette source. Elle est la "Parole de la Pensée". C'est pour cela que le Dalet de E'had est une grande lettre(5).

La soumission de l'unification inférieure apparaît lorsque l'on a conscience de se trouver dans sa source, mais qu'on ne le ressent pas. En pareil cas, la source se révèle et se couvre d'un voile qui l'occulte. C'est pour cela que la créature a la sensation de posséder une existence indépendante.

Ce qui vient d'être dit fait également allusion à cela. L'Alef, qui symbolise la révélation de la source, rejoint le Vav, un trait tiré du haut vers le bas. En effet, le Alef et le Vav sont interchangeables.

Puis, le cheminement se poursuit vers le 'Heth, initiale de 'Ho'hma, mais il concerne essentiellement l'aspect sentimental de cet Attribut, le plus superficiel, auquel correspond la lettre Aïn(6). En effet, le 'Heth et le Aïn sont interchangeables.

Puis, Brya, Yetsira et Assya sont créés par les lettres de la Parole. La révélation intervenant par l'aspect superficiel de 'Ho'hma, la Parole émanera donc de sa source, de son aspect profond, qu'illustre le grand Dalet. Ainsi, est formée une véritable Parole, un Dalet moyen. En effet, le grand Dalet et le moyen sont interchangeables.

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Vous consulterez, pour avoir plus de précisions à ce propos, le Imreï Bina, le Chorech Mitsvat Hatefila du Tséma'h Tsédek et le discours intitulé "celui qui prononce longuement le mot E'had" de 5678(7).

Notes

(1) Cette lettre, comme la précédente et les deux suivantes, a été éditée dans le quatrième numéro du Kovets Loubavitch, consacré à la période "du 19 Kislev au 9 Adar 5706". La concernant, nous savons seulement qu'elle a été écrite avant la parution du périodique, c'est-à-dire durant l'hiver 5706.
(2) Vaéd s'écrit Vav, Aïn et Dalet. E'had s'écrit Alef, 'Heth et Dalet. La troisième lettre des deux mots est la même. La première lettre des deux mots est permutable et il en est de même pour la seconde.
(3) Le Rabbi note, en bas de page: "Voir le Séfer Yetsira, début du chapitre 12, cité par le Tikouneï Zohar, Tikoun 70 et mentionné dans Igueret Hakodech et dans Likouteï Torah. De fait, leur ordre est changé, par rapport à celui de l'alphabet, puisque l'on dit Alef, 'Heth, Hé, Aïn et non Alef, Hé, 'Heth, Aïn. Le Zohar en donne la raison. Les lettres dentales, Zaïn, Samé'h, Chin, Reïch, Tsaddik, sont également énoncées selon deux ordres différents. Mais, les première éditions du Séfer Yetsira, par exemple celle de Manitoba, reproduite par celle de Varsovie, parue en 5644, disent bien Zaïn, Samé'h, Tsaddik, Reïch, Chin, conformément à l'ordre alphabétique."
(4) Respectivement dernier mot du second et du premier verset.
(5) Le Rabbi note, en bas de page: "C'est pour cette raison que l'Admour Hazaken rapporte, dans son Choul'han Arou'h: «Il est dit qu'il faut allonger la lecture du Dalet, mais il en est ainsi uniquement par la pensée». En effet, le Dalet d'E'had correspond, à la fois, à la Parole et à la Pensée."
(6) Dont la valeur numérique est soixante dix, soit les sept Attributs du sentiment portant chacun en eux la perfection des dix Attributs.
(7) 1918, du Rabbi Rachab.