Lettre n° 199

[Avant le début de 5706(1)]

Vous me posez la question suivante(2):

"Au troisième chapitre d'Igueret Hatechouva, l'Admour Hazaken, citant les Décisionnaires, demande de donner, pour remplacer chaque jour de jeûne ayant une motivation de Techouva(3), dix huit guiduls(4) polonais. Pouvez-vous nous indiquer quel est le montant correspondant, de nos jours?".

Voici ma réponse:

1. Les propos de l'Admour Hazaken trouvent leur origine dans une parenthèse du Ramah figurant dans le Choul'han Arou'h, qui dit: "Celui qui transgresse le Chabbat doit jeûner pendant quarante jours et, à la place d'un sacrifice de 'Hatat, donner dix huit pashit(5) à la Tsédaka. S'il désire racheter son jeûne, il donnera, pour chaque jour, douze pashit à la Tsédaka".

Le Maguen Avraham, citant le Levouch, dit qu'un pashit est un guidul polonais et demi(6). Ainsi, douze pashit sont bien dix huit guiduls polonais, comme le dit l'Admour Hazaken, dans Igueret Hatechouva.

L'équivalent de cela, dans la monnaie de notre époque, est également établi par l'Admour Hazaken, dans son Choul'han Arou'h, affirmant que dix huit pashit sont un Sela de la Torah. Or, la valeur du Sela est bien connue, dans chaque pays, puisqu'elle permet le rachat du premier-né, qui est de cinq Séla. Néanmoins, s'agissant du rachat du premier-né, qui est une Mitsva de la Torah, on adopte l'avis le plus rigoriste, ce qui n'est pas le cas, en l'occurrence.

* * *

2. Mais, l'on peut encore se demander si ces mesures sont valables à toute époque et en tout lieu.

Selon la formulation du Choul'han Arou'h et d'Igueret Hatechouva, il semble bien que, pour l'Admour Hazaken, les montants permettant de racheter un sacrifice de 'Hatat ou un jour de jeûne sont toujours les mêmes. Il précise, cependant, qu'un riche peut donner une somme plus importante, selon ses moyens.

On peut se demander quelle est la source de cette affirmation, que contestent, du reste, le Maguen Avraham et, par la suite, le Ma'hatsit Hachekel et le 'Hayé Adam. Il semble que le 'Hatam Sofer soit également de leur avis.

* * *

Le Maguen Avraham s'interroge sur le montant de dix huit pashit, nécessaire pour racheter un sacrifice de 'Hatat et il indique que ce montant dépend, en réalité, de la valeur d'un mouton, lorsque l'on doit offrir ce sacrifice. Celui-ci avait un prix négligeable, à l'époque de la Guemara, alors que, par la suite, il coûtait beaucoup plus.

De nos jours, il faudrait donc donner le prix d'un mouton, dans le pays de celui qui a commis la faute.

C'est ainsi que l'on peut interpréter la formulation du Maguen Avraham et l'on n'évalue donc pas ce montant spécifiquement en Erets Israël. Le traité Mena'hot indique que, à l'époque de la Guemara, on faisait venir les moutons de 'Hévron. Pour autant, ils pouvaient également provenir d'ailleurs. Néanmoins, l'on savait que ceux de 'Hévron étaient les meilleurs.

Or, le montant nécessaire pour racheter un jeûne, soit douze pashit, est enseigné en même temps que celui-ci. On peut en conclure, selon le Maguen Avraham, qu'il varie, en fonction de l'époque et de l'endroit. Il faut donc évaluer un montant qui, à ce moment et en ce lieu, donne à l'homme la conscience de subir une perte comparable à la peine que provoque le jeûne.

On peut, cependant, s'interroger sur cette explication. Car, aucun montant maximum n'est fixé et le riche peut l'augmenter, selon ses moyens. En conséquence, on ne devrait pas fixer non plus un montant minimal car, il y a, à chaque époque, des hommes très pauvres, pour lesquels une légère perte financière reste plus lourde qu'un jeûne.

Dès lors, pourquoi aucun Décisionnaire n'avance-t-il que ce montant de douze pashit n'est qu'une valeur moyenne, ce qui signifie que le pauvre pourrait donner moins que cela(7)? On peut donc conclure, également d'après le Maguen Avraham que douze pashit sont un montant minimal, qui ne peut nullement être diminué(8).

* * *

L'Admour Hazaken définit, dans son Choul'han Arou'h, les mesures de dix huit et de douze pashit, mais il ne reproduit pas l'explication du Maguen Avraham selon laquelle la valeur des dix huit pashits est modifiée en fonction du prix du mouton. Bien au contraire, il calcule l'équivalent de ces dix huit pashits dans notre monnaie et il considère donc, qu'à l'époque actuelle, ce montant n'a pas changé.

En fait, l'Admour Hazaken répond à la question du Maguen Avraham, sur laquelle il se base pour affirmer que le montant à donner à la Tsédaka dépend du prix du mouton, par ces mots: "Ces dix huit pashit sont le Sela de la Torah". Du reste, un sacrifice de 'Hatat peut être acheté pour une très petite valeur. Néanmoins, son véritable prix est bien un Séla, comme l'établit la Loi Orale(9). Dès lors, rien ne prouve plus que la valeur des dix huit pashit soit variable, comme le dit le Maguen Avraham.

Bien plus, l'opinion du Maguen Avraham, selon laquelle le prix du sacrifice dépend de la valeur du mouton, soulève plusieurs problèmes:

A) Pourquoi les autres Décisionnaires ne donnent-ils pas cette explication?

B) Si l'on considère, comme le fait l'Admour Hazaken, que le montant permettant de racheter un sacrifice de 'Hatat est fixe, on peut comprendre que chaque Décisionnaire en évalue le montant selon la monnaie de son pays, bien que la mesure en soit identique pour tous. Il suffit, à chaque fois, de donner la contre-valeur de dix huit pashit et peut importe donc dans quel pays on se trouve.

Selon le Maguen Avraham, en revanche, aucun montant fixe ne peut être donné. Il varie d'une ville à l'autre et surtout d'un pays à l'autre. Tout dépend de la valeur du mouton. Comment, dès lors, énoncer une valeur unique?

C) Celui qui établit, à l'origine, ce calcul de dix huit pashit fut vraisemblablement le Maharam de Rottenbourg, qui vécut en Allemagne, au début du sixième millénaire(10).

Il est cité par le Maharaï, qui vécut deux cents ans plus tard, en Autriche.

Le Ramah, qui le mentionne également, vécut plus de cent ans après le Maharaï, en Pologne.

Comment comprendre que, dans tous ses pays, à tant d'années de différence, le prix d'un mouton soit resté de dix huit pashit, comme à l'époque du Maharam, n'ait ni diminué, ni augmenté?

Notes

(1) Cette lettre parut dans le huitième numéro du Kovets Loubavitch, consacré à la période de "Lag Baomer au 12 Tamouz 5705", dans lequel figure également la lettre n°196. Il semble donc qu'elle ait été imprimée à la fin d'Elloul 5705 ou au début de 5706 et donc rédigée avant la fin de 5705.
(2) Cette lettre est adressée au Rav M. Z. Shechter, de New Haven, Connecticut.
(3) Le Rabbi note, en bas de page: "L'Admour Hazaken parle effectivement de «jour de jeûne ayant une motivation de Techouva». Seul un tel jeûne peut être racheté par un don à la Tsédaka, lorsque l'on n'a pas la force de le respecter. En revanche, celui qui fait le voeu de jeûner doit s'acquitter de son engagement, comme l'établit le Choul'han Arou'h".
(4) Unité monétaire de l'époque.
(5) Le Rabbi note, en bas de page: "Le pashit semble être le nom d'une monnaie. De fait, on peut se demander s'il faut dire pashit ou pashout. Néanmoins, il me parait plus plausible de définir le pashit non pas comme une monnaie spécifique, mais plutôt comme un terme générique désignant une petite pièce. Le Talmud emploie ce terme plusieurs fois et nos Sages l'utilisent toujours dans le même sens. Le Moussaf Haarou'h le définit comme une petite pièce, plus petite unité de compte. Le traité Ketouvot parle, certes, de zouz pashit, bien que le zouz ne soit pas la plus petite unité monétaire. Néanmoins, pashit est ici un adjectif se rapportant au nom zouz. Ainsi, le zouz pashit serait le zouz le plus petit. De même, le traité 'Houlin parle de "petits pashit". Pourquoi dire qu'ils sont petits? Parce qu'à l'époque, la valeur d'une pièce était évaluée en fonction de son poids et tous les pashits, de même poids, pouvaient cependant avoir des formes et des épaisseurs différentes. Le traité 'Houlin fait donc allusion aux pièces les plus petites".
(6) Le Rabbi note, en bas de page: "Les Décisionnaires parlent, à différentes reprises, de guiduls, sans que cette monnaie ait une valeur fixe. Plusieurs textes cherchent à établir leur valeur".
(7) Le Rabbi note, en bas de page: "Le 'Hessed Leavraham dit que l'on peut racheter un jeûne, y compris s'il s'étend au jour et à la nuit, en donnant un Issar à la Tsédaka. Il diverge ainsi de tous les Décisionaires précédemment cités et l'on peut réellement s'interroger, à ce propos. D'ailleurs, le 'Hessed Leavraham introduit également une autre idée nouvelle. Il affirme qu'un homme peut survivre, sans manger ni boire, durant sept jours, quatre heures et quarante huit minutes. Or, je n'ai vu, pour l'heure, personne d'autre qui conteste l'avis du Rambam, selon lequel il peut survivre moins de sept jours."
(8) Le Rabbi, note en bas de page: "La raison pour laquelle un jeûne motivé par la Techouva peut être racheté par un montant de douze pashit est la suivante. De façon générale, les jeûnes de Techouva sont au nombre de quarante, comme le souligne le 'Hessed Leavraham. C'est pour cela que différents récits talmudiques montrent que les Sages jeûnèrent précisément pendant quarante jours. Bien plus, il est dit que trois jours consécutifs de jeûne sont l'équivalent de quarante jours non consécutifs et l'on peut donc mentionner également l'exemple du jeûne d'Esther. La Techouva, en général et le jeûne, en particulier, se substituent à la mort. Nos Sages disent, en effet: "On demanda à la prophétie: quelle est la punition de celui qui commet une faute? Elle répondit: Il doit mourir. On posa la même question au Saint béni soit-Il, qui répondit: Il fera Techouva et sa faute sera expiée". Lorsque les Sages voulurent fixer le montant minimal pour racheter son âme, pour un adulte ou pour un enfant, pour un serviteur ou pour une servante, ils se basèrent sur la Torah, qui fixe une amende d'un montant identique pour tous, soit trente Shekels pour un serviteur ou une servante ayant été tués. Si l'on considère que trente Shekels sont l'équivalent de quarante jours de jeûne, il en découle que la valeur d'un jour est trois quarts de Shekel, c'est-à-dire douze pashit, selon le compte du Maguen Avraham. Du reste, le Tséma'h Tsédek justifie clairement le lien entre le rachat de la faute et l'amende infligée à propos d'un serviteur, mais ce n'est pas l'occasion de développer cette idée. De plus, le jeûne, au sens le plus littéral, se définit par la souffrance qu'impose le fait de ne pas manger et de ne pas boire. Cette souffrance peut, certes, être échangée contre de la Tsédaka, mais l'on doit alors donner, au minimum, le montant des repas de ce jour, même si l'on éprouve une peine équivalente à celle du jeûne pour une somme moindre. Néanmoins, les Sages, ayant autorisé l'homme à ne pas jeûner, lui demandent de donner à la Tsédaka au moins la contre-valeur des repas qu'il aurait consommés. C'est la raison pour laquelle on prend référence sur un jour où l'on mange plus que de coutume, c'est-à-dire le Chabbat, au cours duquel on consomme trois repas. Un repas important, s'il n'a pas de valeur maximale, a bien une valeur minimale, un dinar. Trois repas sont donc trois dinars, soit douze pashit. Néanmoins, tout ceci est vrai uniquement pour le Maguen Avraham. Pour l'Admour Hazaken, en revanche, la mesure de douze pashit n'est toujours pas justifiée."
(9) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Nefech 'Haya du Rav Reouven Margolis, mentionnant le Maharam de Rottenbourg et le Tachbets Katan, indique que celui qui transgressait le Chabbat, à l'époque du Temple, devait y apporter un sacrifice, lequel pouvait être d'une petite valeur, mais celui-ci coûtait généralement un Sela, qui correspond à cinq dinar. C'est donc ce montant que l'on donnera à la Tsédaka."
(10) Vers 1250.