Lettre n° 191

Par la grâce de D.ieu,
21 Mena'hem Av 5705,
lendemain de la Hilloula de mon père,

Au distingué 'Hassid, qui craint D.ieu,
le Rav H. Havlin(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à vos lettres et, en particulier, à la dernière, datée du 25 Tamouz:

A) Je vous adresse ma bénédiction, à l'occasion du mariage de votre fille. Celui-ci sera célébré en un moment bon et fructueux. Le couple bâtira un édifice éternel, basé sur la Torah et les Mitsvot et donnera naissance à une génération bénie.

B) J'ai reçu hier le compte rendu du Rav Ch. G.(2) sur la fête de libération et de jubilé(3), mais je n'ai pas encore reçu les photographies. Vous m'adresserez aussi les bénédictions envoyées par ceux qui étaient invités à la fête et, n'ayant pu venir, ont répondu par écrit. De même, je vous propose de contacter les correspondants locaux du Morguen Journal(4) pour qu'ils rédigent un article sur la fête et le fassent éditer par ce journal.

C) Dans ma lettre du 23 Tévet(5), je vous proposais de contacter celui qui était attaché au service de l'auteur du Torat 'Hessed. Vous vous êtes engagés à le faire, mais je n'ai, pour l'heure, aucune réponse à ce propos. Qu'en est-il?

D) A l'occasion de la Hilloula(6), je vous remercie de donner, de ma part, en prélevant sur l'argent du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h et de Ma'hané Israël qui est en votre possession, un montant de cent dollars au Collel 'Habad et de dix huit dollars à la Yechiva Torat Emet. J'en ai donné la contre-valeur ici. Vous donnerez également vingt cinq dollars à l'union internationale pour la lecture des Tehilim.

E) Vous trouverez, sur une feuille indépendante, les prix des livres publiés par les éditions Shulsinger. Les deux tomes réunis du Likouteï Torah coûtent, pour les Yechivot, cinq dollars. Les prix de nos autres publications sont imprimés sur les livres.

A tout cela, il faut ajouter les frais de transport, qui sont très importants. Je suis donc obligé de vous répéter ce que j'ai déjà dit et de vous mettre doublement en garde. Le manque de moyens empêche de nombreuses réalisations des éditions Kehot. Ce qui a été envoyé en différents endroits et les factures devant être acquittées représentent un investissement très important.

Je reformule donc la proposition qui se trouvait au paragraphe G de ma lettre du 23 Tévet. Envoyez-nous des Tefilin, selon les modalités exposées dans cette lettre. Vous nous en avez adressé deux paires, mais celles-ci coûtent beaucoup plus cher que les Tefilin d'Erets Israël que l'on trouve ici. Nous vous proposons donc d'en acheter, en une seule fois, un nombre conséquent. Ainsi, vous les obtiendrez à un bien meilleur prix. Je vous remercie de me faire savoir, par retour du courrier, ce que vous pensez faire, en la matière.

F) Pouvez-vous envoyer ici, à notre compte, une copie des commentaires du Rav Ch. G.(7) qui se trouve chez le Rav Teks(8), comme je vous le demandais dans ma lettre du 23 Iyar? Je vous en remercie par avance.

Je conclurai par des paroles de Torah, en poursuivant ce que j'ai expliqué dans ma précédente lettre(9), le commentaire 'hassidique, que j'ai reçu de mon père, de la Michna: "Lorsqu'une aiguille se trouve en haut de la grotte dans laquelle il y a le va et vient de l'onde, celle-ci est pure, dès lors que la vague est passée sur elle".

A mon humble avis, on peut envisager également, en se basant sur la 'Hassidout, l'enseignement, pour le service de D.ieu, du paragraphe précédent de la Michna(10), sur lequel on peut poser plusieurs questions:
1. La précision "on y descend et l'on s'y trempe" semble inutile.
2. Pourquoi parler à la fois des branches et des tiges?
3. Répéter deux fois le mot "bottes" parait superflu.

On peut brièvement donner, à ce propos, l'explication suivante. Les eaux du Mikwé ont pour objet de purifier. Elles font donc allusion à une réflexion fructueuse. Le Rambam souligne que l'immersion rituelle, délivrant de l'impureté, est un Décret de la Torah(11). Malgré cela, il lui trouve une allusion dans le verset: "Il introduit son âme dans les eaux de la Connaissance".

Tevila, l'immersion, est l'anagramme de Bitoul, la soumission, laquelle doit être le résultat, la synthèse d'une réflexion fructueuse. Il faut, pour cela, que le corps soit entièrement recouvert par l'eau et il en est de même si l'on se trempe dans une source. En effet, si une partie du corps reste hors de l'eau, la soumission ne saurait être sincère.

Mais, il s'agit ici d'un Mikwé dont les eaux "sont très étalées". Il possède la quantité d'eau nécessaire, mais celui qui s'y trempe ne peut immerger l'ensemble de son corps. S'il introduit ses pieds dans l'eau, il ne pourra y tremper sa tête et s'il y fait pénétrer sa tête, ses pieds resteront en dehors du bassin. Il pourrait tenter de se tremper en position couchée, mais s'il introduit le côté droit dans l'eau, le côté gauche surnagera et vice versa.

De façon générale, un homme a deux manières de servir D.ieu, par l'étude ou par l'action. L'un peut être capable d'une juste analyse intellectuelle, mais succomber dans l'action concrète, ne pouvant contenir ses désirs. A l'inverse, l'autre restera froid devant les plaisirs du monde, mais sera, intellectuellement, incapable de se soumettre. L'un pourra faire le bien, être bon avec beaucoup d'aisance, mais ne pas parvenir et s'écarter du mal. L'inverse peut également être vrai.

Ainsi, lors du don de la Torah, les descendants d'Ichmaël la refusèrent parce qu'il y est écrit: "Tu ne commettras pas d'adultère". Les descendants d'Esav n'en voulurent pas, parce qu'elle dit: "Tu ne tueras pas".

En l'occurrence, la réflexion peut effectivement être fructueuse, puisque la quantité d'eau requise se trouve bien dans le bassin. Malgré cela, tout le corps n'est pas recouvert et la soumission n'est donc pas obtenue. L'homme en constate le manque.

En pareil cas, on peut placer des pierres dans le bassin(12). Celles-ci sont des minéraux inertes, qui symbolisent, d'une manière évidente, la soumission faisant défaut. Il est clair qu'on pourra alors se tremper et se purifier, dès lors qu'on aura introduit les pierres dans l'eau, c'est-à-dire la soumission dans la réflexion.

Mais, bien plus, on pourra y placer également des bottes de branches, des végétaux, faisant allusion aux sentiments. On pourra, au préalable, éveiller en soi l'amour et la crainte de D.ieu. Néanmoins, il faut alors réunir "une botte" de sentiments, car un seul n'est pas suffisant pour vaincre le mauvais penchant. Il est, bien au contraire, nécessaire de "rassembler tous les troupeaux"(13).

Par ailleurs, il est dit que, par nature, l'intellect dirige les sentiments. Or, la réflexion a, en l'occurrence, été sans effet. Il faut alors "placer des pierres" sur l'amour et la crainte de D.ieu, introduire ces sentiments dans la soumission, faute de quoi l'intellect les orientera selon sa propre idée.

"Placer ces pierres" est une phase essentielle et l'on peut ainsi comprendre la formulation de la Michna.

Selon cette lecture, le texte ne se contente pas de nous donner un bon conseil pour faire remonter le niveau de l'eau. Cela est maintenant évident.

Il est donc deux sortes de sentiments, considérées du point de vue de leur source, tout d'abord:
1. en méditant au fait que la Lumière de D.ieu entoure les mondes, que les êtres peuvent se lier directement au Créateur,
2. en méditant au fait que la Lumière de D.ieu pénètre les mondes, que le lien entre D.ieu et les créatures ne peut avoir un caractère d'évidence.

On peut aussi les distinguer en fonction de leur nature. Ainsi, il y a:
1. les sentiments de Tohou(14),
2. les sentiments de Tikoun(15).

On peut ainsi comprendre la différence entre les tiges, qui sont flexibles, dont le centre est creux et qui poussent au bord de l'eau, d'une part et les branches, d'autre part.

Les unes possèdent ce que les autres n'ont pas, comme l'expliquent différents textes. C'est pour cela que la Michna parle à la fois de "bottes de branches" et de "bottes de tiges".

Comment peut-on s'assurer qu'un tel effort a été couronné de succès? Il faut, en effet, le vérifier puisque, jusqu'à maintenant, il y avait un échec. Il faut donc "descendre", se briser, perdre la grossièreté de sa personnalité. Alors, la Michna, qui est comparée à une reine, donne l'assurance que "l'on se trempe", Tevila, anagramme de Bitoul, la soumission enfin obtenue.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(16)

Notes

(1) Le Rav 'Hano'h Hendel Havlin, de Jérusalem.
(2) Le Rav Chimeon Glitsenstein.
(3) Le 12 Tamouz 5705 était, pour le précédent Rabbi, un triple anniversaire, cinquante ans consacrés aux besoins communautaires, vingt cinq ans de direction des 'Hassidim 'Habad et dix huitième anniversaire de sa libération des prisons soviétiques.
(4) Quotidien en Yiddish, publié aux Etats Unis.
(5) La lettre n°179, dans laquelle le Rabbi demandait des explications inédites du Tséma'h Tsédek. Cet homme pouvait en posséder.
(6) Du père du Rabbi.
(7) Il s'agit des commentaires du Tanya du Rav Chmouel Grounam Osterman, premier guide spirituel de la Yechiva, à Loubavitch.
(8) Il s'agit du Rav Dov Teks. Voir, à son propos, la lettre n°261.
(9) La lettre n°179.
(10) Qui dit: "Lorsque les eaux d'un Mikwé sont très étalées, on peut placer, dans un coin de celui-ci, des bottes de branches ou des bottes de tiges, afin d'en approfondir les eaux. Puis l'on y descend et l'on s'y trempe".
(11) Transcendant la logique.
(12) Pour faire remonter le niveau de l'eau.
(13) De mobiliser toutes les forces du sentiment pour se soumettre à D.ieu.
(14) Intenses et démesurés.
(15) Limités et coordonnées.
(16) De Ma'hané Israël.