Samedi, 26 août 2023

  • Ki Tetsé
Editorial

 Quelle rentrée ?

« C’est la rentrée ! » Voici une de ces phrases qui, en quelques mots, décrivent toute une situation. Après l’interruption de ce moment social particulier que constituent les vacances, tout reprend brutalement sa place. En substance, nous commençons à digérer ces jours en suspension qui passent déjà au rang de souvenirs et nous entrons dans une nouvelle période d’activité d’autant plus intense que les forces nous sont revenues. Cette rentrée, si elle est matérielle, est également et, pour nous, sans doute principalement, spirituelle. A peine sortis de la pause saisonnière, nous nous trouvons au début du mois d’Elloul, le si bien nommé « mois du retour », à D.ieu bien entendu.

Il est donc nécessaire de faire ici un point d’arrêt pour reprendre conscience de ce que l’avancée du temps a fait : nous sommes passés de l’insouciance de l’été à l’avant-solennité des jours de Roch Hachana et Yom Kippour. Ce dernier mois de l’année juive est celui qui ouvre un véritable espace de réflexion et d’amélioration. Il est celui où tout peut être réparé, où la miséricorde Divine éclaire le monde avec une puissance à nulle autre comparable. Ce n’est pas en vain que nos Maîtres l’ont décrit comme un refuge dans le temps, créé pour nous accueillir et nous faire jouir de sa protection contre les accusations spirituelles suscitées par nos propres erreurs.

Ce retour à D.ieu, aussi important soit son enjeu, ne doit pas être entaché de tristesse. Bien au contraire, nous éprouvons à présent le sentiment de l’enfant qui retrouve enfin son père après l’avoir délaissé trop longtemps. Au-delà des reproches qu’il peut se faire à lui-même, c’est la joie qui prédomine en lui et qui lui donne, justement, la certitude qu’il ne reproduira plus jamais les manquements qui l’ont conduit à ce pour ainsi dire abandon.

Nous sommes au seuil de l’année nouvelle et nous pouvons déjà la souhaiter à chacun, et aussi à nous-mêmes, heureuse et chargée de toutes les bénédictions. Nous pouvons, en même temps, nous installer dans ce nouvel ordre des choses qu’inaugure le mois d’Elloul, plus proche de l’essentiel et plus lointain de l’accessoire. En un mot, il nous est donné aujourd’hui de choisir la vie et nous savons que nous ferons le bon choix.

Etincelles de Machiah

 L’éducation juive et la venue de Machia’h

Décrivant le temps de Machia’h, D.ieu dit (Isaïe 44: 3) : « Je déverserai Mon esprit sur ta descendance et Ma bénédiction sur tes générations ». Dès la première lecture du verset, il est clair que sont ici désignés les enfants.

Or, on connaît le principe selon lequel toutes les révélations de ces temps futurs dépendent de nos actions et de notre effort d’aujourd’hui (Tanya chap. 37). C’est dire à quel point l’éducation juive assurée aux enfants est un impératif pour chacun.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
 Chabbat Parchat Vayikra 5740)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tétsé

On trouve dans cette Paracha 74 des 613 commandements (Mitsvot) de la Torah. Ils incluent les lois de la belle captive, les droits d’héritage de l’aîné, du fils entêté et rebelle, de l’enterrement et de la dignité du défunt, de la manière de rendre un objet perdu, de renvoyer l’oiselle du nid avant de prendre son petit, du devoir d’ériger des barrières de sécurité autour du toit de sa maison et les différentes formes de Kilayim (les greffes végétales et animales interdites).

Sont également développées les procédures judiciaires et les pénalités encourues en cas d’adultère, abus ou séduction d’une jeune-fille et si un mari accuse sa femme, de façon erronée, d’infidélité. Les cas qui suivent ne peuvent se marier avec quelqu’un de lignée juive : un Mamzer (né d’une relation adultérine ou incestueuse), un homme descendant de Moav ou d’Amon, ou de première ou seconde génération d’Edom ou d’Egypte.

Notre Paracha comporte également les lois qui veillent à la pureté d’un camp militaire, l’interdiction de retenir un esclave fugitif, le devoir de payer un travailleur en temps dû et de permettre à celui qui travaille pour nous, homme ou animal, de « manger par le travail », la façon correcte de traiter un débiteur et l’interdiction de prendre des intérêts pour un prêt, les lois du divorce (dont sont également dérivées de nombreuses lois du mariage), la pénalité de trente-neuf coups de fouet pour avoir transgressé une interdiction de la Torah et la procédure du Yiboum (« lévirat ») pour le beau-frère sans enfant qui ne souhaite pas épouser sa belle-sœur veuve.

Ki Tétsé se conclut avec l’obligation de « se souvenir de ce qu’Amalek t’a fait sur la route, à votre sortie d’Égypte ».

Nos ennemis : nous-mêmes

« Quand tu partiras en guerre sur tes ennemis et D.ieu le livrera entre tes mains… » Non, il ne s’agit pas d’une coquille. Cette phrase que vous venez de lire est la traduction littérale du Deutéronome, 21 :10, le verset qui ouvre la Paracha de cette semaine : Ki Tetsé.

L’expression de la Torah Ecrite est extrêmement précise. Quand apparaît une anomalie grammaticale comme le pluriel « ennemis » reprit par le pronom singulier « le », les Midrachim et les commentaires pénètrent immédiatement dans l’histoire qui se cache derrière l’histoire et en révèlent la leçon cachée.

Les Egyptiens, les Amalécites, les Babyloniens, les Romains, l’église, les Almohades, les Nazis, les Soviétiques… ne sont que certains des ennemis qui nous ont attaqués depuis plus de quatre mille ans. D’une manière générale, ils peuvent se diviser en deux groupes : les ennemis spirituels et les ennemis physiques.

On en trouve le prototype classique chez l’empereur gréco-syrien Antiochus, qui tenta par la force d’helléniser les Juifs (sa défaite se célèbre tous les ans à ‘Hanouccah) et Haman le Aggaguite qui assura qu’un décret royal décimerait tous les Juifs, hommes, femmes et enfants (et dont la chute nous donna la célébration de Pourim.) Plus proche de nous, nous nous rappelons la campagne qui dura soixante-dix années pour déraciner les croyances et les pratiques juives sous le règne soviétique et la guerre de terreur menée par les militants islamistes qui nous veulent morts.

Et pourtant, les deux ennemis d’Israël ne sont intrinsèquement qu’un ennemi unique. Le temps et, une fois encore, l’histoire juive, nous relatent la manière dont l’affaiblissement de notre identité spirituelle mène invariablement au déclin physique. L’ennemi de l’âme juive est un ennemi du corps juif tout comme un ennemi du corps juif est évidemment l’ennemi de l’âme juive.

C’est là la leçon implicite dans le verset qui ouvre notre Paracha : notre première ligne de défense dans la guerre pour la survie du Peuple juif est la prise de conscience que nos « ennemis » pluriels sont en réalité un « le » singulier, que le sort physique et le sort spirituel de notre peuple sont inexorablement liés, que nous devons considérer chaque attaque contre un Juif comme une attaque contre l’esprit éternel d’Israël et traiter chaque danger spirituel comme une menace pour notre survie physique.

Que faire pour gagner la guerre ? Comment mener la bataille pour que D.ieu « le livre entre nos mains » ? La réponse réside dans une autre curiosité grammaticale apparaissant dans ce premier verset.

« Quand tu pars en guerre sur tes ennemis… »

Concentrons-nous maintenant sur le mot « sur », « Al » en hébreu, qui signifie dans ce contexte « contre ». Selon le sens littéral du verset, partir en guerre « sur tes ennemis » signifie faire la guerre « contre tes ennemis ». Mais ce mot peut aussi être compris dans le sens de « au-dessus » : ne pars pas en guerre contre eux, pars en guerre au-dessus d’eux.

Nous avons constaté cela si souvent dans notre expérience que nous ne devrions pas avoir besoin d’une astuce grammaticale pour nous en informer. Quand nous allons à la guerre « au-dessus » de nos ennemis, confiants dans notre supériorité morale et spirituelle, sans nous excuser de la justesse de notre cause, nous finissons toujours par triompher, même si nous sommes inférieurs en nombre par les hommes et les armes. Mais quand nous commençons à douter du bien-fondé et de la justification de notre combat, quand nous commençons à considérer les meurtriers décadents comme nos égaux en moralité, nous sommes portés à perdre du terrain même quand, sur le plan matériel, nous tenons l’avantage militaire et stratégique.

La leçon est aussi simple que profonde : « quand tu partiras en guerre sur tes ennemis, D.ieu le livrera entre tes mains… »

Le verset continue : « et tu prendras des captifs » Le mot employé ici n’est pas « Chévi » mais « Chivio » qui signifie littéralement « sa capture ». L’implication en est que nous regagnerons la capture de l’ennemi c'est-à-dire ce que l’ennemi a capturé de parmi nous dans le passé.

L’une des tâches de Machia’h, dans les premières étapes de sa révélation et de ses activités publiques, sera, selon les paroles de Maimonide : « il mènera les batailles de D.ieu et rencontrera le succès ». Ainsi la Paracha fait-elle allusion aux batailles et à la victoire de Machia’h et cela s’applique également à la conclusion « et tu prendras sa capture ».

A l’issue de la bataille messianique, le peuple d’Israël retrouvera tous les objets précieux tombés entre les mains des nations du monde au cours de l’exil et gardés toutes ces années. Cela signifie essentiellement le Beth Hamikdach, le Temple de Jérusalem. Les nations ont poursuivi le Peuple juif tout au long des temps et leur objectif premier a toujours été notre centre spirituel, le Beth Hamikdach. Ils ont en fait atteint leur but par la destruction des deux Temples. Car tant que le troisième Temple n’est pas reconstruit (ce qui sera l’œuvre de Machia’h), le Beth Hamikdach reste entre leurs mains. Quand Machia’h gagnera ses batailles nous récupérerons « la capture » de l’ennemi par sa restauration.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que la Techouva (le retour à D.ieu), tellement nécessaire en ce mois d’Elloul ?

Le Rambam (Maïmonide) écrit : « Quiconque a fauté, que ce soit volontairement ou involontairement, pour revenir à D.ieu devra avouer ses fautes devant D.ieu, reconnaître qu’il a fauté, regretter, éprouver de la honte et s’engager à ne plus recommencer… Même celui qui s’est très mal conduit toute sa vie mais qui retourne à D.ieu, on ne lui rappelle plus rien de ses fautes passées ! Pour certaines fautes, la sainteté du jour de Kippour procure le pardon. Pour d’autres, les épreuves sont nécessaires pour achever le processus de Techouva… Le critère qui assure une Techouva parfaite : s’il se retrouve dans la même situation, avec la même énergie et dans les mêmes conditions mais qu’il parvient à ne pas fauter, alors c’est le signe que sa Techouva est complète… Même si la Techouva est valable tous les jours de l’année, elle est encore plus belle et mieux acceptée pendant les dix Jours de Pénitence entre Roch Hachana et Yom Kippour… Cependant, en ce qui concerne les fautes envers son prochain, il faut d’abord réparer le mal qui a été fait (rembourser l’objet volé, demander pardon pour les paroles offensantes etc.) avant de pouvoir demander pardon à D.ieu.

La personne à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruelle et doit accepter de pardonner de tout son cœur ; il est interdit de se venger et même de garder rancune.

Chacun doit se considérer comme étant à moitié coupable et à moitié innocent. Celui qui accomplit une Mitsva fait pencher la balance du bon côté et, dans le cas contraire… Il en est de même pour les nations et le monde entier : une seule Mitsva peut faire pencher le plateau de la balance du monde entier vers le bon côté. Le principe de la Techouva est inséparable de la croyance dans le libre arbitre ».

Le Recit de la Semaine

 « Je vous attendais ! »

Comment avez-vous utilisé vos vacances ? Voici comment deux jeunes étudiants de Yechiva Loubavitch ont profité de leur temps libre pour sillonner des paysages désertiques et y découvrir – non pas l’aventure et les sensations fortes – mais les trésors véritables : des âmes juives assoiffées de judaïsme.

Dans la ville de Gutschein en Allemagne, en 1943, un bébé naquit dans la famille Luria. Malgré ou peut-être à cause de la guerre qui faisait rage alentour, cette naissance fut accueillie avec joie : la vie était la plus forte.

Mais quelques heures plus tard, les forces nazies encerclèrent tout le quartier, rassemblèrent avec brutalité tous les Juifs qui s’y trouvaient encore et les déportèrent vers l’inconnu, en fait vers les camps d’extermination.

Madame Luria, bien qu’affaiblie, serrait contre elle son petit « paquet » tout chaud, réfléchissant comment le sauver pendant cet horrible voyage en wagon à bestiaux, comment le sauver de la solution finale. Elle avait trouvé quelques médicaments qu’elle donna au nourrisson pour le faire dormir afin qu’il n’émette aucun son qui pourrait faire découvrir son existence. Le train s’arrêta enfin : à Auschwitz.

Bien droite, Madame Luria passa la première sélection : elle était grande et forte, donc apte aux travaux forcés. Personne n’avait remarqué le trésor qu’elle conservait dans son sac à dos : son bébé.

Quand elle put s’approcher des barbelés électrifiés, elle aperçut de l’autre côté un paysan polonais et, sans dire un mot, elle lança le sac à dos par-dessus les barbelés, dans sa direction. L’homme ramassa le sac, réalisa ce qu’il contenait, fut pris de pitié et confia l’enfant à un orphelinat.

Miriam Luria et son mari survécurent. Dès qu’ils furent libérés, ils remuèrent ciel et terre pour retrouver leur enfant qui avait été amené d’un orphelinat à l’autre et, finalement, ce fut à Paris qu’ils retrouvèrent leur petit « sac à dos » qui était devenu un beau garçonnet âgé de cinq ans.

Bien décidés à s’enfuir le plus loin possible de ce continent où ils avaient tant souffert, ils partirent s’installer en Australie. Mais ils choisirent aussi de s’éloigner autant que possible de leur judaïsme.

Le petit Alex ne fréquenta pas le Talmud Torah le dimanche matin ; il ne se rendit jamais à la synagogue, il ne célébra jamais un Séder de Pessa’h, il ne connut pas l’excitation d’une Bar Mitsva. Rien ! Ses parents voulaient « le protéger au maximum de tout ce qui pourrait lui causer des ennuis s’il était reconnu comme Juif ».

Malgré tous leurs efforts, Alex souffrit cependant : à l’école publique, les enfants se moquaient de lui, le traitant de « sale Juif ». En larmes, il rentra à la maison, demanda des explications à sa mère qui l’amena chez un « expert » pour lui expliquer ce qu’est un Juif. Mais ce rabbin libéral ne put rien expliquer, se bornant à exposer de « bonnes raisons », pourquoi il était normal que ses camarades le haïssent…

Quelques cinquante-cinq ans plus tard, les Loubavitch qui s’occupaient de l’Australie rurale - sous la direction de M. Saul Spiegler – parvinrent à entrer en contact avec « Petit Alex ».

David Leib Marasow et Lévi Levitin de Balarat Victoria s’étaient mis en route vers les endroits les plus reculés de la brousse australienne : là ils consultèrent l’annuaire, découvrirent le nom Luria (qui leur rappelait Rabbi Yits’hak Luria, le célèbre Ari zal qui dévoila une grande partie de la Kabbala au 16ème siècle à Safed) et décidèrent de tenter leur chance.

Ils arrivèrent après plusieurs heures passées sur des routes défoncées en plein soleil, frappèrent à la porte : un homme d’environ soixante-dix ans leur ouvrit, les dévisagea avec curiosité :

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il, étonné.

- Nous sommes venus de la part de la communauté juive ! répondirent-ils sur le ton de l’évidence.

- Entrez ! Le visage d’Alex s’était comme illuminé. Cela fait longtemps que les chrétiens me rendent régulièrement visite pour me convaincre de me convertir mais cela, je ne le ferai jamais. Et je me demandais quand donc les Juifs s’intéresseraient à moi et viendraient me voir ! Vous êtes enfin là !

Ce jour-là, Alex mit les Téfilines pour la première fois, célébrant ainsi sa Bar Mitsva ; c’est avec beaucoup d’émotion qu’il fixa une Mezouza à sa porte, ce parchemin qui lui rappellerait à chaque fois que D.ieu est Un et le protégerait comme Il l’avait protégé à sa naissance. C’est ainsi qu’il entama sa découverte d’un judaïsme vivant qui avait tant à lui offrir pour satisfaire sa soif de connaissances.

- Mon père avait toujours affirmé que nous étions des descendants directs d’un grand rabbin de Safed, se risqua-t-il.

Maintenant c’était au tour des jeunes Loubavitch d’exprimer leur stupéfaction : ils avaient eu le mérite de retrouver un descendant du saint Ari zal !

Le mérite des pères protège leurs descendants tout au long des générations !

Aucun Juif ne sera abandonné !

ColLive

Traduit par Feiga Lubecki