Samedi, 6 septembre 2014

  • Ki Tetsé

Editorial

L’appel

Depuis presque une semaine, le son du Choffar retentit chaque jour dans les synagogues. Certes, il ne s’agit pas encore de la si solennelle sonnerie de Roch Hachana mais le son est bien là et, déjà, il laisse voir à qui le veut comment le ciel se déchire et s’ouvre devant sa puissance. En ce mois d’Elloul, c’est la nature profonde de ce son qu’il faut mieux percevoir. On a coutume de dire qu’il est comme un cri, celui que l’enfant adresse à son père, un cri du cœur que rien ne peut retenir ni limiter. C’est ainsi qu’il s’élèvera à Roch Hachana. Mais nous sommes encore dans cette période de préparation intense aux grands jours à venir que constitue le mois en cours. Et c’est un appel que nous entendons à présent résonner dans nos consciences.

Maïmonide l’enseigne : «On trouve une allusion au Choffar dans le verset ‘réveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil... et retournez à D.ieu’.» En une phrase, tout est dit. Le monde est tel qu’il peut nous introduire à une certaine forme de sommeil. Il peut nous conduire à cet état d’oubli où, toute conscience perdue, réduits à la condition d’endormis, notre présence au monde cesse de faire sens. Car ce sommeil-là est celui de la soumission à une manière de grossièreté matérielle, cette lourde carapace qui empêche de percevoir l’essentiel. Il s’agit d’un sommeil au plein sens du terme – et il peut être profond. Le Choffar retentit alors et, cette fois, c’est bien d’un appel qu’il s’agit.

L’appel vient de loin et il s’élève avec une force sans pareille. Il est tel que le sommeil s’écarte de lui-même. Enfin la vie en nous reprend sa pleine place. C’est un appel étrange que celui-là, à la fois lancinant et joyeux, faisant prendre corps au souvenir et laissant place à l’avenir. Il ne reste plus à chacun qu’à savoir l’entendre. Et, pour cela, il faut ouvrir autant son cœur que ses oreilles. Et l’affaire est de première importance car, de notre capacité à réagir à cet appel, dépend la suite du grand voyage spirituel entrepris maintenant. Il nous conduira à la meilleure des années, matériellement et spirituellement.

Etincelles de Machiah

La préparation

Quand on arrive dans un endroit nouveau, on s’habille en conformité avec le lieu. Sans vêtement convenable, il est difficile de s’y installer.

Aujourd’hui, nous nous trouvons près du début du Chabbat ultime – le temps de Machia’h. Il faut donc se préparer à sa venue.

(D’après Séfer Hamaamarim 5710 p. 245)

Vivre avec la Paracha

Ki Tétsé: La mère et le nid

«Si tu trouves le nid d’un oiseau, dans un arbre ou sur le sol, avec des oisillons ou des œufs et que la mère couve les oisillons ou les œufs, ne prends pas la mère avec ses petits. Fais partir la mère et ne prends que les petits…» (Devarim 22 : 6)

Na’hmanide (Ramban) écrit, que dans son sens simple, la raison de cette Mitsva est de nous enseigner la compassion. Prendre l’oisillon sous les yeux de sa mère causerait à cette dernière un chagrin aigu. L’amour et la compassion d’une mère pour sa descendance est, selon les mots de Maïmonide (Rambam), «non une fonction de l’intellect ou de la parole mais une fonction du processus de la pensée qui existe chez les animaux comme chez les hommes». En appliquant cette Mitsva, nous nous exerçons à ressentir de l’empathie pour toutes les créatures de D.ieu.

Selon le Zohar, ce commandement possède également un impact cosmique important, éveillant la miséricorde Divine pour le Peuple Juif. Quand une mère oiseau est chassée de son nid, elle crie avec amertume et désespoir parce qu’elle est séparée de son petit. L’ange qui règne sur cette espèce apparaît devant le Trône Divin et se plaint : «D.ieu Miséricordieux, pourquoi Ta Torah a-t-elle ordonné un acte si inhumain ?» Les anges qui règnent sur les autres espèces d’oiseaux enchaînent dans cette protestation, objectant contre le même sort réservé à leurs oiseaux.

D.ieu les réprimande alors : «Les anges en charge des oiseaux se plaignent de la souffrance des oiseaux. Mais un seul d’entre vous a-t-il exprimé une préoccupation pour l’angoisse de Mes fils et de la Che’hinah (Présence Divine) ?» La Che’hinah est exilée. Elle est éloignée de Son nid et de Sa maison, le Temple. Mes fils, les oisillons, résident seuls parmi leurs ennemis, les nations du monde. Mais aucun d’entre vous ne pleure pour éveiller Ma compassion pour eux ! Eh bien, pour Moi-même, Je les délivrerai !»

Le Zohar relate une histoire miraculeuse, d’une époque où la compassion Divine fut révélée par le biais de ce commandement.

Rabbi Eléazar, fils de Rabbi Chimon Bar Yo’haï, avançait avec ses disciples quand apparut une colombe. La colombe informa Rabbi Eléazar que son beau-père, Rabbi Yossi, était tombé gravement malade. Rabbi Eléazar ordonna à la colombe d’aller assurer Rabbi Yossi que dans trois jours, il guérirait miraculeusement et qu’alors, lui viendrait avec ses disciples célébrer chez lui sa guérison. Peu de temps après, la colombe revint les informer que, puisque Rabbi Eléazar avait annulé le décret divin menaçant son beau-père, l’ange de la mort avait pris un autre Rabbi Yossi, Rabbi Yossi de Pekiyin.

Devant ces événements tragiques, Rabbi Eléazar décida de se rendre à Pékiyin pour réconforter la famille de Rabbi Yossi. Là, les Rabbis apprirent que Rabbi Yossi, lui-même veuf, laissait un jeune fils et une jeune fille. Ceux-ci étaient donc doublement orphelins. Dans la pièce où reposait Rabbi Yossi, son fils pleurait de façon incontrôlable. Regardant vers les Cieux, il s’exclama : «Maître de l’Univers ! Tu as écrit dans Ta Sainte Torah ces mots : Si tu trouves le nid d’un oiseau, dans un arbre ou sur le sol, avec des oisillons ou des œufs et que la mère couve les oisillons ou les œufs, ne prends pas la mère avec ses petits. Fais partir la mère et ne prends que les petits… Maître de l’Univers ! Selon Ta Sainte Torah, nous devons laisser vivre la mère et certainement pas prendre la mère et laisser les enfants abandonnés ! Toi, D.ieu, Tu dois accomplir les paroles de Ta Sainte Torah. Ma sœur et moi sommes deux petits oiseaux. Ma mère est morte et notre père a pris sa place pour s’occuper de nous. Selon Ta Torah, D.ieu Bien aimé, Tu peux prendre ma sœur ou moi mais Tu ne peux enlever mon père bien aimé !»

Devant ces paroles poignantes, les disciples de Rabbi Eléazar se mirent à pleurer. Mais, soudain, la pièce devint silencieuse et un pilier de feu apparut, couvrant le lit du disparu.  Rabbi Eléazar affirma : «Un grand miracle est sur le point d’avoir lieu.» Une voix céleste se fit entendre, émanant du pilier de feu : «Heureux sois-tu, Rabbi Yossi, de mériter un fils si sage dont la plainte justifiée est montée jusqu’au Trône de Gloire Divin. Rabbi Yossi, tu vivras encore vingt-deux ans, pour avoir le privilège d’enseigner à cet enfant sage.» Alors, aussi soudainement qu’il était apparu, le pilier de feu disparut et les yeux de Rabbi Yossi tressaillirent puis s’ouvrirent.

Rabbi Eléazar s’exclama : «Combien sommes-nous privilégiés d’avoir vu de nos propres yeux le miracle du réveil des morts !» Puis Rabbi Eléazar bénit Rabbi Yossi : «Comme tu es fortuné d’avoir vécu le miracle de la résurrection des morts par le mérite de la sagesse de ton jeune fils !» Rabbi Eléazar resta trois jours dans cette maison pour célébrer ce miracle. Il demanda à Rabbi Yossi de décrire ce qu’il avait vu dans les Cieux.

Rabbi Yossi répondit : «Je ne peux révéler aux hommes ce que j’ai vu. Je ne peux dire qu’une seule chose : lorsque mon fils pleurait et protestait devant D.ieu, du plus profond de son être, avec une sincérité absolue, et qu’il se référait à la Mitsva de chasser la mère de l’oisillon, trois cent mille chaises divines s’ébranlèrent lorsque les trois cent mille Tsaddikim (Justes) se levèrent dans les Cieux, suppliant D.ieu de me renvoyer chez les vivants !»

«Et ceux qui sont dans la poussière reviendront à la vie» (Yéchayahou 26 :19)

Le cri d’un orphelin sincère qui aspirait à être réuni à son père suffit. Sa voix fendit les Cieux et arriva auprès du Trône de Gloire pour accomplir le miracle inespéré. Il est donc sûr que les appels sincères de chacun d’entre nous, les enfants orphelins de D.ieu, peuvent atteindre les Cieux et nous apporter la réalisation de la promesse de la Délivrance que nous attendons depuis si longtemps. Ils pousseront les centaines de milliers de Tsaddikim à révolutionner les Cieux pour que cette promesse soit réalisée pour nous.

Alors nous n’entendrons plus les cris tristes de l’orphelin, nous ne ressentirons plus les douleurs atroces de l’exil. Le bien sera manifeste et révélé en tous lieux.

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que la Chemita ?

L’année 5775 qui commence le 25 septembre 2014 est appelée «Année de la Chemita».

Depuis la conquête de la Terre sainte et le partage des terrains entre les tribus à l’époque de Yehochoua (Josué), le peuple juif a compté les années en consacrant chaque fois la septième année qui est appelée Chemita (le compte de la cinquantième année – le Yovel (jubilé) - a été abandonné depuis la destruction du Temple).

Il est interdit, l’année de Chemita, de travailler la terre en Israël : labourer, semer, enlever les mauvaises herbes, récolter et vendre de façon normale les produits de la terre… On peut cultiver ce qui pousse sur l’eau et dans les serres qui ne sont pas en contact avec la terre, selon les technologies modernes développées entre autres pour respecter ces lois de Chemita. Ainsi, toute personne souhaitant se rendre en Israël durant l’année 5775 et même après devra se renseigner quant aux magasins, restaurants etc. où il est possible d’acheter fruits, légumes, fleurs et céréales tout en respectant ces lois.

Par ailleurs, l’année de Chemita annule toutes les dettes entre particuliers.

Pour éviter que des gens refusent de prêter de l’argent à l’approche de l’année de Chemita, Hillel l’Ancien institua le Prouzboul : avant et à la fin de l’année de Chemita (la veille de Roch Hachana), chacun est invité à déclarer (oralement ou par écrit) devant un Beth Din (tribunal rabbinique) qu’il lui transmet ses dettes. Ainsi, chacun est libre de réclamer par la suite à ses débiteurs le remboursement de ses dettes.

Pour s’acquitter de cette Mitsva, certains veillent même à emprunter de l’argent symboliquement avant le Prouzboul.

F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

La réponse au pogrome

Rav Berel Lazar, le Grand-Rabbin de Russie m’avait proposé de m’installer à Novossibirsk et d’inciter au renouveau de la vie juive dans cette très grande ville de Sibérie.

Pour moi qui suis Israélien, la Sibérie était hors de question ! Tout ce que je savais de cet endroit, c’était la distance de tout endroit habité, le froid et les ours polaires ! J’ignorais qu’il y avait dans cette ville de deux millions d’habitants non seulement des centres de recherche technologiques très influents mais aussi un centre d’affaires et surtout quelques vingt mille Juifs. La température moyenne y est de moins 35 degrés !

Non, c’était vraiment le dernier endroit sur terre où j’avais envisagé de m’installer avec mon épouse ! Surtout que nous ne parlions pas le russe, ni elle ni moi !

Mais Rav Lazar insista et nous acheta deux billets pour que nous passions deux semaines sur place avant de nous faire une opinion. Nous sommes arrivés avant Pourim 1999 en plein hiver sibérien, terrible. Nous avons pris une chambre d’hôtel (ah, les déportés de Staline et du communisme n’avaient pas eu cette chance et avaient dû se contenter de baraques exposées aux tempêtes glacées, soumis qu’ils étaient à la loi du Goulag… !) Je me suis rendu à la « synagogue » qui n’était qu’une maison délabrée, avec une hygiène déplorable : pour nous, il était évident qu’au vu de ces conditions, notre réponse au Rav Lazar serait un Niet définitif.

Mais puisque nous étions déjà présents sur place, même pour quelques jours, nous devions organiser une fête de Pourim. Nous avons invité les gens de la communauté, je leur ai lu la Méguila et nous avons fait connaissance au cours d’une petite réunion dans la synagogue. Le lendemain matin, alors que je m’apprêtais à retourner en Israël, je suis d’abord retourné à la synagogue pour ranger les affaires et quand je suis entré, j’ai eu un choc : un véritable pogrome avait eu lieu durant la nuit ! Des croix gammées peintes sur les murs, le Séfer Torah déchiré et jeté à terre et l’Arche sainte détruite !

Ma première réaction a été toute naturelle : j’ai pleuré. Puis je suis allé prévenir la communauté et la police. Des journalistes sont arrivés sur place, de tous les médias russes. On m’a collé devant la figure des dizaines de micros et on m’a posé toutes sortes de questions en me demandant quelle serait notre réaction. J’ai fait venir immédiatement un traducteur puisque je ne connaissais pas du tout le russe. Puis on m’a demandé de me présenter : « Vous êtes le rabbin de Novossibirsk ? ». Que pouvais-je répondre ? Que je n’étais qu’un touriste présent «par hasard», avec le look d’un rabbin ? J’ai répondu que oui, j’étais bien le rabbin de la ville !

Cette interview a paru dans toutes les chaînes d’information mondiales. (Un de mes oncles au Canada a téléphoné ce jour-là à mon père en demandant : «Que fait ton fils à Novossibirsk ?»).

Le même jour, je suis rentré en Israël. Après ce pogrome, il était encore plus évident que notre place n’était pas là-bas !

Quelques jours plus tard, j’avais bien réfléchi et j’ai annoncé à mon épouse : «Le monde entier nous a déclarés comme étant les émissaires du Rabbi à Novossibirsk. C’est donc qu’il s’agit bien de l’endroit où nous devons nous installer !». Nous avons donc décidé d’y retourner !

Si les instigateurs de ce pogrome avaient réalisé les conséquences de leur action criminelle, ils auraient réfléchi à deux fois !

La première chose que nous avons faite à notre arrivée a été de réparer l’ancienne «synagogue» et, sur la proposition de Reb Lev Leviev, nous avons ouvert une école qui compte actuellement une centaine d’élèves et un jardin d’enfants avec une quarantaine d’inscrits. La synagogue abrite maintenant une salle de fêtes, un Mikvé (bain rituel), un restaurant, des salles de classe pour les cours de Torah, une salle de sports et d’ordinateurs, une salle à manger et une immense cuisine. Tout ceci a été financé par des caisses juives de l’étranger mais aussi des donateurs locaux.

Un de ces donateurs était très éloigné de toute pratique juive. Un jour, il a décidé de se présenter aux élections et m’a demandé d’écrire pour lui une demande de bénédiction au Rabbi. J’ai envoyé cette lettre au Ohel du Rabbi à New York et, D.ieu merci, cet homme a été élu. Reconnaissant, cet homme a désiré que nous nous rendions ensemble au Ohel pour remercier le Rabbi. Ensuite, il a demandé à être circoncis. Maintenant, il fait partie intégrante de notre communauté, se trempe au Mikvé tous les matins avant d’étudier ‘Hassidout et de prier.

Lors de l’inauguration du centre communautaire, il a déclaré qu’au Ohel, il avait demandé la richesse. A sa sortie du Ohel, il avait reçu un coup de téléphone : on lui proposait une affaire très sérieuse. «Au début, dit-il, je ne pensais pas que cette affaire était intéressante mais finalement, elle a donné des résultats si fructueux que j’ai décidé d’octroyer un cinquième des bénéfices à cette construction !»

D’ailleurs, à l’occasion de cette inauguration, j’avais décidé de rencontrer le gouverneur et maire de la ville en compagnie de Rav Lazar. Mais le maire n’a pas voulu venir, de peur d’être considéré comme un ami d’Israël et de perdre les élections. Deux mois plus tard, le fonctionnaire qui avait accepté de nous rencontrer et de nous honorer de sa présence a été élu maire ; l’ancien maire a été reconnu coupable de corruption et doit rendre des comptes devant les tribunaux pour des chefs d’accusation très graves.

Le bon D.ieu se charge de notre réponse aux pogromes !

Rav Shneur Zalmen Zaklos – Kfar Chabad N° 1570

Traduit par Feiga Lubecki