Semaine 35

Editorial
Le nouveau départ

Il existe différentes manières d’aborder la période qui commence. Chacun peut osciller ainsi entre l’optimisme serein et le pessimisme noir ou, en d’autres termes, entre le regain d’énergie et le regret de vacances perçues comme un temps de liberté évanoui. Il est vrai que l’époque participe des deux manières de voir. Qui n’a pas ressenti la parenthèse estivale comme un repos mérité? Qui ne l’a pas vécue avec l’intensité accordée au bonheur? Pourtant, la limiter à cette satisfaction-là, c’est, en quelque sorte, lui retirer son sens.
De fait, la période des vacances ne peut être, pour nous, que temporaire. Car sa nécessité n’est que celle de retrouver la force d’agir. Il a été souvent dit que les vacances sont celles de l’âme autant que celles du corps et que, dans cette optique, le ressourcement spirituel, par l’étude et la pratique des commandements de D.ieu, doit accompagner le repos physique. Une telle vision implique qu’aujourd’hui, alors que l’activité de la cité reprend, nous sommes prêts à en vivre les vicissitudes. Plus encore, nous détenons les forces d’y vivre le judaïsme avec toute la grandeur qu’un tel programme requiert.
Tout se passe comme si les vacances n’avaient de signification que perçues comme une préparation à l’action. La tradition juive donne à l’homme le beau nom de “celui qui avance”. Il est vrai qu’il ne se comprend et ne s’assume que perpétuellement en mouvement, doté de cet élan créateur qui fait de lui l’esprit et le sens de l’univers. Le quotidien avait pu, durant l’année écoulée, éroder tout cela. A l’enthousiasme avait peu à peu succédé la routine. La vie paraissait comme dévorée par l’habitude. Voici que les vacances sont passées par là. Ce sont des yeux nouveaux qui regardent un monde neuf et nos gestes présentent cette acuité que seuls donnent les commencements prometteurs. Et celui-ci l’est décidément : n’est-ce pas en ce mois d’Elloul que nous nous préparons à vivre les grands rendez-vous de Roch Hachana et de Yom Kippour ?
Il est, décidément, temps d’entreprendre de nouveau notre tâche. A présent, tout reprend sa place et nous tenons la nôtre. Acteurs de notre vie bien plus que spectateurs du monde, nos accomplissements de chaque jour le conduisent à son parachèvement attendu: la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Il est temps d’être joyeux!

Dans l’un des psaumes qui traitent du retour final des exilés en Israël, il est écrit (126: 2-3): “Alors ils diront parmi les nations: ‘D.ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci’. D.ieu a fait de grandes choses pour nous; nous étions joyeux”.
Un des Maîtres polonais a commenté ces mots de la façon suivante:
“Alors ils diront parmi les nations”: quand Machia’h viendra, les nations du monde diront,
“D. ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci”: D.ieu a fait des merveilles pour le peuple juif.
Nous répondrons à ces propos:
“D.ieu a certes fait de grandes choses pour nous”.
Quelle en est la raison? “Nous étions joyeux!”
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tavo : La joie juive

Cette semaine, nous lisons dans la Paracha qu’il était enjoint aux fermiers juifs habitant la terre d’Israël d’apporter au Temple les Bikourim, les premiers fruits de leur récolte, en remerciement à D.ieu pour la terre et ses produits. A la base, les Bikourim nous rappellent qu’il nous faut toujours être reconnaissants pour les bénédictions que nous apporte la vie.
Il est intéressant de noter que la loi ne prit effet que quatorze ans après que le Peuple Juif ne fut entré en Terre Promise. Il fallut sept ans pour conquérir la terre et sept ans encore pour la partager entre les douze tribus d’Israël. Ce n’est qu’une fois ce processus achevé que la loi des premiers fruits s’appliqua.
Mais pourquoi ? Il est sûr que certaines tribus s’étaient déjà installées. Il ne fait aucun doute que ceux des fermiers qui avaient reçu leur part de terre l’avaient déjà plantée et voyaient les premiers fruits de leur labeur. Pourquoi, dans ce cas-là, n’étaient-ils pas, eux, enjoints de montrer immédiatement leur gratitude, en apportant l’offrande des Bikourim ?
Le Rabbi nous explique qu’en nous commandant cette Mitsva, la Torah utilise la phrase : «Et tu te réjouiras de tout le bien que D.ieu t’a accordé». Pour pouvoir pleinement ressentir la joie pour ses propres bénédictions de la vie, un Juif doit savoir que ses frères et ses sœurs ont été également bénis. Tant qu’un Juif savait que certains de ses frères n’étaient pas encore installés sur la terre, il ne pouvait se réjouir pleinement. Puisque la Sim’ha, la joie véritable, était une composante nécessaire de la Mitsva des Bikourim, elle ne pouvait être accomplie que lorsque tout le monde serait satisfait.
Savoir que nos amis et nos cousins se battent encore pour conquérir la terre, ou ne jouissent pas encore des fruits de leur portion, efface en quelque sorte le désir de célébrer, même si nous, personnellement, avons toutes les raisons de nous réjouir. Notre satisfaction ne peut être complète que si nous savons que tout le monde a été exaucé.
Dans son journal, le précédent Rabbi, Rabbi Yossef Its’hak, décrit son arrestation et son emprisonnement par les communistes, dans la Russie de 1927. Rabbi Yossef Its’hak était alors l’héroïque chef spirituel du Judaïsme russe et les Soviétiques l‘avaient condamné à mort pour ses activités religieuses au profit de son peuple (c’est miraculeusement que la sentence fut commuée et que le Rabbi fut libéré après trois semaines d’emprisonnement et neuf jours d’exil). Rabbi Yossef Its’hak était un écrivain très expressif et il a décrit son incarcération et les tortures qu’il a subies aux mains de ses tortionnaires.
L’un des gardes de la prison était incroyablement cruel. Il dit lui-même au Rabbi que, quand il battait et torturait un prisonnier, il tirait tellement de plaisir à regarder l’homme souffrir qu’il pouvait boire son thé sans avoir besoin de sa dose habituelle de sucre. Le spectacle de la torture adoucissait son thé…
Tel était un antisémite vicieux. Mais un Juif vit les sensations inverses. Il ne peut apprécier son thé ou ses premiers fruits tant que son prochain n’est pas encore installé. Le plus doux des fruits prend un goût amer tant que nos frères sont encore dans le besoin.
Ainsi, si vous avez un emploi, pensez à ceux qui sont au chômage. Si vous êtes heureusement mariés, pensez à ceux qui cherchent encore leur âme sœur et essayez de les aider. Et puisque la période des vacances est présente et que vous pouvez faire des frais pour votre famille, n’oubliez pas ceux qui ne peuvent se le permettre. Et quand vous allez bientôt organiser vos repas de fête avec vos amis et votre famille, rappelez-vous d’inviter les solitaires, les veuves et les parents isolés.
Par ce mérite, avec l’aide de D.ieu, nous serons tous bénis d’une nouvelle année douce et joyeuse.
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les coutumes du mois d'Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch 'Hodech Elloul (cette année mardi 14 août 2007) on ajoute dans la prière du matin et de l'après-midi le Psaume 27, et ce, jusqu'à 'Hochana Rabba (cette année le mercredi 3 octobre 2007) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d'Elloul – à partir du mercredi 15 août 2007 - 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu'à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du second jour de Roch 'Hodech Elloul, (cette année le mercredi 15 août 2007), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Durant tout le mois d'Eloul, «le Roi est dans les champs», c'est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d'entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C'est pourquoi il est plus facile d'opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l'habitude de faire vérifier par un Sofer (Scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d'être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.
Samedi soir 8 septembre 2007, vers 1heure 30, on dit les Seli'hot, prières pour demander le pardon. Puis à partir du lundi 10 septembre, on dit chaque jour jusqu’à Roch Hachana les Seli'hot avant la prière du matin.

F. L.
De Recit de la Semaine
La chèvre et le rabbin

Il y a quelques années, Moché s’est marié. Le fait est que Moché avait fait «Techouva» depuis quelques temps, il était revenu à une pratique plus rigoureuse du judaïsme et ce mariage était donc particulièrement joyeux.
Les chants et les danses battaient leur plein, mais tous les convives s’assirent et se turent quand le grand-père du marié se leva et prit le micro.
Il n’avait pas l’apparence d’un Juif pratiquant et, de plus, il toisait l’assistance d’un air sévère : on s’attendait de sa part à des remarques cinglantes sur le style de vie choisi par son petit-fils. Mais on l’écouta respectueusement. Il se racla la gorge et commença : «D’abord je voudrais tous vous remercier d’être venus assister à notre joie. Ensuite je souhaite du fond du cœur un grand Mazal Tov à mon cher petit-fils et son épouse. Troisièmement, je désire vous raconter une histoire».
Il avala une gorgée de vodka, souhaita «Le’haïm» ! (à la vie !) et continua : «Il y a très longtemps, de nombreux Juifs habitaient dans un certain village de Pologne. Bien sûr, ils étaient tous pratiquants et les garçons, dès l’âge de trois ans, fréquentaient le ‘Héder, l’école juive où ils apprenaient la Torah toute la journée. Un de ces garçons était particulièrement – disons : excité. Il faisait tout pour déranger la classe. Il arrivait en retard, se levait au milieu des cours, éclatait de rire à tout moment. Mais, de plus, il avait une imagination débordante et ses «plaisanteries» devenaient de plus en plus difficiles à supporter.
Un jour, il dépassa toutes les bornes. Il cacha une chèvre dans l’arche sainte. Vous vous rendez compte ? Une chèvre ! Il l’avait sans doute attrapée le samedi matin, l’avait traînée dans la synagogue et l’avait enfermée dans l’armoire où se trouvent les rouleaux de la Torah ! Vous imaginez aisément la suite : alors que toute l’assemblée s’était levée en regardant respectueusement l’arche sainte avant la lecture de la Torah, le rabbin ouvrit le rideau puis la porte et… la chèvre sauta gaiement dans la synagogue au milieu des fidèles horrifiés !
Une vraie chèvre !
Les femmes se mirent à crier et à se précipiter vers la sortie, le rabbin faillit subir un malaise cardiaque, les gens criaient, le bedeau s’arrachait les cheveux, d’autres encore riaient à en perdre l’haleine. Bref, le désordre absolu.
Inutile de préciser que tous avaient compris qui était l’auteur de ce scandale monumental et, le soir-même, l’enfant fut convoqué par le directeur de l’école qui lui signifia d’un ton qui ne souffrait pas de réplique qu’il était définitivement renvoyé.
Mais là, il se passa quelque chose d’étrange : pour la première fois peut-être de sa vie, le garçon se tut et devint très sérieux : «Je comprends. Je suis renvoyé, n’est-ce pas ? Vous avez raison ! Je le mérite ! Mais tout condamné mérite une dernière requête !»
«Mériter ? s’écria le rabbin. Oui, la seule chose que tu mérites, c’est une bonne claque !»
«Vous avez sans doute raison, répondit l’enfant. Mais vous devez réaliser qu’en me renvoyant, vous m’achevez ! Il est évident qu’aucune autre école juive ne voudra m’accepter, n’est-ce pas ? Donc je devrais m’inscrire dans une autre école, avec des camarades non-Juifs qui risquent de tuer mon âme juive. Or un homme qui va être exécuté mérite d’exprimer un dernier souhait…
«Bon. Alors, que veux-tu ?»
«Voilà mon dernier souhait. Je comprends que je ne mérite pas votre compassion. Mais… mes enfants ? Avez-vous pensé à eux ? Sont-ils condamnés eux aussi ?»
Bref, ses arguments adoucirent la colère du directeur et il ne fut pas renvoyé. D’une manière où d’une autre, il se calma plus ou moins, termina très moyennement le cycle d’études puis se maria.
Il n’était pas très pratiquant. Dès qu’il le put, il se rasa la barbe et se débarrassa de sa grande Kippa noire, ne gardant qu’une petite Kippa rouge plus souvent dans sa poche que sur sa tête mais respectant tout de même certains commandements de la Torah.
Avec sa femme et son fils, il s’installa en Terre Sainte. Son fils était encore moins pratiquant que lui et, à l’age de 18 ans, il abandonna toute pratique religieuse et annonça à ses parents qu’il partait s’installer aux Etats-Unis.
Le père avait le cœur brisé mais avant que son fils ne parte, il lui dit : «Je t’en prie ! Je ne peux pas te forcer à être aussi pratiquant que moi qui ne le suis pas autant que mon propre père. Mais promets-moi de n’épouser qu’une jeune fille juive !»
Par miracle, le fils accepta et se débrouilla pour épouser une jeune fille juive. Lui aussi eut un fils.
Mais celui-ci, contrairement à son père et son grand-père, décida… de devenir rabbin ! Rabbin orthodoxe ! C’est ainsi que «la dernière requête» de son grand-père devant le rabbin qui avait voulu le renvoyer était exaucée : sa descendance était sauvée !»
L’homme avala une gorgée d’eau, scruta l’assistance et déclara : «La raison pour laquelle je raconte cette histoire ce soir est que l’enfant malicieux qui avait introduit la chèvre dans l’arche sainte n’était autre que moi-même ! Et le petit-fils qui veut devenir rabbin n’est autre que le marié de ce soir. Mon petit-fils !
Alors souvenez-vous : quand vous éduquez un enfant, vous ne faites pas que l’éduquer lui. Vous sauvez aussi ses enfants et ses petits-enfants pour les générations à venir !»

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki