Semaine 28

Editorial
Il faut construire…

Temps de commémoration, temps où l’on se souvient que des événements dramatiques se produisirent… Entre 17 Tamouz et 9 Av, les jours s’écoulent comme autant d’étapes d’une chute annoncée : de la première brèche dans la muraille de Jérusalem à la destruction du Temple. Certes, voilà qui n’incite guère à la gaîté. Comment, après le début de notre trop long exil, peut-il y avoir encore une place pour le bonheur ? Et pourtant, la tristesse n’est jamais une solution. Elle n’est généralement qu’abandon. Parce qu’elle conduit au désespoir, même si elle est réelle, légitime et compréhensible, les Sages l’ont toujours rejetée avec la plus grande fermeté. Ordre n’est-il pas donné : «Servez D.ieu dans la joie» ? Les commentaires n’indiquent-ils pas que D.ieu «ne réside que sur l’homme joyeux» ? Mais où sont donc les sources du bonheur retrouvé ? En cette période où l’histoire même parle de destruction, comment faire vivre l’espoir ?
Le judaïsme nous livre parfois de ces intuitions fulgurantes : «Celui qui étudie la structure du Temple, Je le considérerai comme s’il l’avait construit». Ainsi le Talmud fait-il s’exprimer D.ieu. C’est dire qu’en cette période de toutes les destructions, il est possible de vivre la reconstruction. En cette période de début d’exil, chacun a le pouvoir immense de la plus vraie des libérations, celle qui passe par l’étude et par la pensée, formes premières de l’action. Bien sûr, il est loisible de s’interroger : l’étude peut-elle vraiment être cet instrument libérateur ? Est-elle autre chose qu’une démarche intellectuelle, évidemment précieuse mais limitée par sa propre nature ? C’est précisément le sens de l’affirmation talmudique citée. L’étude d’un texte ne vaut pas que par la recherche de connaissance qu’elle incarne. Elle est littéralement créatrice. Lorsque l’homme s’y consacre, qu’il y investit ses facultés intellectuelles, sa pensée fait aussi œuvre de création. Dès lors, il n’est plus un simple spectateur de cette architecture prodigieuse qui fut celle du Temple, il en est le bâtisseur.
Il est difficile de décrire le sentiment de plénitude qui pénètre alors celui qui, élevé par l’étude, en ressent tout l’apport, pour lui et pour le monde qui l’entoure. Sans doute est-ce quelque chose qu’il faut vivre… Aujourd’hui, les textes sont accessibles à tous, y compris, souvent, en traduction française. Traités talmudiques Midot ou Tamid, prophétie d’Ezechiel etc., à lire comme on vit : avec joie.
Etincelles de Machiah
L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment l’importance de l’attente de la venue de Machia’h et relève : «Celui qui ne croit pas en lui ou n’attend pas sa venue, renie non seulement les autres prophètes mais également la Torah et Moïse notre maître».

L’insistance sur Moïse est chargée de sens. En effet, sa prophétie présente une solidité particulière dans la mesure où elle fut confirmée par le fait qu’au mont Sinaï, où elle retentit, chacun fut le témoin direct de la révélation Divine. Comme Maïmonide le souligne : «Chacun vit et entendit». Ce fait confère à la prophétie de Moïse une «fiabilité qui dure éternellement» et donne à tous une confiance absolue dans l’avènement final de Machia’h.

(d’après Likoutei Si’hot, vol. XVIII, p. 281) H.N.
Vivre avec la Paracha
Mattot Massé : les étapes de la vie

Il fallut 42 étapes pour que les Juifs passent d’Egypte en Israël, sur une période qui dura 40 ans. Chaque étape du voyage était exclusivement déterminée par décret Divin, la nuée qui planait sur le campement juif commençant à se déplacer. Le camp tout entier empaquetait alors ses affaires et se mettait en route, suivant le pilier de nuée, le jour et la colonne de feu, la nuit. Quand la nuée s’arrêtait, ils s’arrêtaient et quand elle se mettait en marche, ils la suivaient. C’est ce qui se passa pendant les 42 étapes et départs qui les conduisirent vers Israël.

La Torah déclare : «Voici les étapes des Enfants d’Israël qui quittèrent la terre d’Egypte…» (Nombres 33 :1). On peut se poser la question de savoir pourquoi le verset déclare : «Voici les étapes» à la forme plurielle. Ils ne sortirent pas d’Egypte à chacune des 42 étapes. Il est sûr qu’après la première halte du voyage, une fois qu’ils furent arrivés à Ramsès, ils n’allaient plus quitter l’Egypte mais Ramsès, et ainsi de suite. Après ce premier arrêt, les 41 suivants ne se faisaient-ils pas dans la direction d’Israël plutôt que par rapport à la sortie d’Egypte ? La réponse simple que l’on peut avancer est que tant qu’une personne n’arrive pas à son but ultime, Israël, (au sens spirituel tout comme au sens matériel), elle est toujours dans le processus de quitter l’Egypte.
Néanmoins, le verset implique une signification plus profonde, il se réfère aux voyages de la vie de chaque individu. Plus encore, la vie de tout un chacun peut s’analyser dans les termes de ces 42 étapes des Juifs d’Egypte vers Israël. En d’autres termes, il est possible de rapprocher le voyage de chaque individu à travers la vie des 42 étapes du voyage décrit dans la Torah.

Le mot «Egypte», en hébreu Mitsrayim, est également dérivé du mot qui signifie «limites» ou «contraintes». En hébreu Métsar est un «détroit». Cela vient du mot Tsar, «étroit».
Chacun dans sa vie est confronté à des situations que la Torah qualifie de limitées et d’étroites. Ce sont des circonstances où la personne sent que quelque chose l’empêche de se comporter de manière adéquate. Pour sortir de cet état de restriction, il lui faut exercer de l’énergie. Et quand elle réussit à se sortir de cet état de limitation, c’est comme si, en quittant cette situation, elle s’était rendue dans un lieu grand ouvert. Quand vous vous libérez d’un problème, vous poussez un soupir de soulagement : «je suis sorti de ce lieu étroit!»

C’est pourquoi le verset signifie que la vie du Juif, qui commence à sa naissance, consiste en une succession de lieux étriqués dont la sortie est suivie de soulagement et d’expansion. Cela veut dire qu’à chaque période de notre vie, à chaque étape de notre vie, nous rencontrons certains obstacles et certains tests à surmonter. Ce sont les passages d’étroitesse. Bien sûr, ces situations n’ont pas pour but de nous asphyxier ou de nous pousser à l’abandon. Au contraire, en surmontant ces difficultés, nous nous renforçons et agrandissons notre conscience de D.ieu.
Cela peut être comparé à une armée. Quand vous commencez un entraînement de base, on vous fait courir cinq kilomètres, porter des fardeaux, passer par des situations difficiles. Pourquoi ? Parce que ce n’est qu’une fois que vous avez surmonté ces difficultés que vous pouvez envisager de devenir un bon soldat. Si vous ne l’aviez pas fait, il ne vous serait jamais venu à l’idée que vous étiez capable de le faire. Quand vous surmontez des difficultés, vous construisez votre force. Tout comme cela est vrai de situations physiques, cela l’est également dans le domaine spirituel.

Dans ce contexte, l’ «Egypte» ne désigne pas seulement un pays mais ce terme se réfère aux étapes de restriction et de développement par lesquelles nous passons tous dans notre voyage vers la perfection spirituelle, évoquée par la terre d’Israël.

C’est la vie. Ce qui peut être difficile à l’âge de cinq ans est une plaisanterie à vingt ans. La personne qui vient de se marier se débat dans sa première année de mariage pour s’habituer à sa nouvelle vie. C’est difficile. Mais quand des gens sont mariés depuis 25 ans et marient leurs propres enfants, ils ont une toute autre échelle des problèmes et des difficultés. Et puis viennent les soucis liés à l’âge plus avancé et au fait d’être des grands-parents. Chaque étape de la vie a ses propres caractéristiques. D.ieu nous place constamment dans de nouvelles situations et nous devons les affronter et grandir par elles. Et puis nous passons à une autre étape et à une autre encore et ainsi de suite. C’est une succession de restrictions.
Quand cela finit-il ? A la fin de la vie. En d’autres termes, le commencement est l’Egypte, la naissance, et l’arrivée en Israël à la fin de la quarante-deuxième étape a lieu quand la personne achève son voyage dans ce monde et parvient à la terre du Monde Futur. Jusqu’alors, la vie de l’homme est une série d’étapes, chacune étant un détroit par rapport à celle qui suit.

Cela se passe également chaque jour, mais bien sûr à différents niveaux. La nation passe par ses étapes et l’individu par les siennes. Chaque jour, l’être humain traverse ces étapes depuis le moment où il se lève jusqu’à ce qu’il aille se coucher le soir.
Le fait d’être perpétuellement en voyage peut susciter deux réactions possibles : la première rend la personne très arrogante au point qu’elle puisse dire : «Regardez le trajet que j’ai parcouru. Je me rappelle à quel niveau j’étais, il y a des années et maintenant que je me suis battu et que j’ai travaillé dur, je me suis hissé en haut de l’échelle». A la personne arrogante, la Torah répond : «Ne sois pas si arrogante. Il est possible que tu aies traversé vingt-deux étapes. C’est extraordinaire mais il te faut encore en surmonter vingt. Tant que tu seras en vie, tu ne pourras jamais t’enorgueillir du voyage que tu as déjà fait».
Et puis la seconde réaction peut être celle du désarroi. «Mon D.ieu, c’est terrible. Je suis encore tellement bas. Comment arriver au niveau de cette autre personne ? Regardez-la. Elle a tellement mieux réussi que moi. A quoi sert même d’essayer ?» A celle-là, la Torah a également un mot d’encouragement : «Ne te désespère pas parce que D.ieu n’a jamais attendu que quelqu’un passe de l’Egypte à Israël en un seul mouvement. La Torah nous dit depuis le tout début qu’il va falloir faire 42 étapes. Personne ne doit se désespérer parce que tant que l’on s’implique dans le voyage, tant que l’on n’abandonne pas et que l’on ne renonce pas à courir, on est toujours dans la course. D.ieu est Celui qui peut lire le cœur de chacun. Il est Celui qui donne les points. Il ne faut se comparer à quiconque parce que nul ne sait d’où l’autre est parti et quels sont ses handicaps. La chose importante est de savoir qu’il faut continuer à avancer. Avancer d’une étape à l’autre et laisser D.ieu établir les scores».
A celui qui se désespère : «Regardez jusqu’où je dois aller !» la Torah répond : «Ne renonce pas, regarde tout le parcours que tu as déjà fait. Encore un peu, encore un petit effort et tu atteindras l’étape prochaine. Ne fais pas tout le voyage en une seule fois. Avance pas à pas, étape par étape. Prends comme but la prochaine halte».
Viendra un temps où nous parviendrons tous en Erets Israël. Chacun de nous vivra sa propre rédemption personnelle et le Peuple Juif dans son ensemble y parviendra également. Que cela ait lieu rapidement, de nos jours.
Le Coin de la Halacha
Comment accompagner une personne qui part en voyage ?

Il est bon qu’une personne qui part en voyage s'efforce de trouver quelqu’un pour l'accompagner au moins quelques mètres. (Notre patriarche Avraham a ainsi fait quelques pas avec les anges quand ceux-ci ont continué leur voyage - voir Genèse 18. 16).
Si la personne voyage en voiture, bus, train etc..., il serait bon de la suivre sur quelques mètres et d'attendre que son véhicule ne soit plus visible.
On ne se quittera pas en pleurant et on s'efforcera d'être d'humeur joyeuse. On échangera des paroles de Torah, et en particulier de Hala'ha. De cette manière, chaque fois que cette question refera surface, on se souviendra de la personne qui l'a enseignée.

F. L. (d'après Rav Eliézer Wenger)
De Recit de la Semaine
Objet trouvé

Mon beau-frère Berel Schwartz, un jeune homme de 17 ans, s’était rendu pour quelques semaines en Israël, en été 2006. Un jour il prit un taxi pour aller du Kotel (Mur Occidental) à la gare routière. Dans sa précipitation, il oublia son sac de Téfilines à l’arrière du taxi.
Durant plusieurs jours, il contacta – en vain – toutes les compagnies de taxi de la capitale. Obligé de retourner aux Etats-Unis pour y poursuivre ses études, il était persuadé qu’il ne reverrait plus ses Téfilines et fut obligé d’emprunter ceux de ses frères ou de ses amis.
Mais mon cousin, Na’houm Mizrachi qui habite à Kfar Chabad, regardait chaque jour le site Internet Loubavitch COL. Il y remarqua une petite annonce : quelqu’un recherchait un certain Berel Schwartz dont il avait retrouvé les Téfilines. Mon cousin appela donc le numéro de téléphone indiqué sur la petite annonce : il s’avérait qu’un chauffeur de taxi arabe s’était arrêté, juste la veille de Yom Kippour, devant une synagogue (qui n’était pas Loubavitch) et avait remis à un certain David qui se trouvait là «par hasard» une pochette de Téfilines.
Cet Arabe israélien était particulièrement religieux et sa conscience lui avait dicté de rapporter cette pochette oubliée à l’arrière de son véhicule avant le saint jour de Kippour. Il proposa même de payer David pour qu’il retrouve le propriétaire mais David refusa et lui suggéra plutôt de mettre l’argent dans la boîte de Tsedaka (charité) de la synagogue, ce qu’il fit, soulagé et heureux d’avoir accompli une bonne action.
David examina la pochette. Elle portait une inscription brodée : le nom du propriétaire, Berel Schwartz. De plus, y figurait l’image du 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi à Brooklyn et, à l’intérieur, il y avait deux paires de Téfilines, Rachi et Rabbénou Tam, ce qui indiquait clairement que Berel Schwartz était un Hassid de Loubavitch.
Encore plus anxieux que le chauffeur de taxi arabe, David était cependant obligé de se rendre à l’hôpital où il avait un rendez-vous. Là, il rencontra dans la salle d’attente quelqu’un qui avait toute l’apparence d’un Loubavitch. Il l’aborda et c’est ainsi qu’il fit la connaissance de Rav Yossef Zev Rainetz à qui il expliqua la situation. Rav Rainetz accepta de prendre les Téfilines et envoya une petite annonce au site Loubavitch COL. C’est ainsi que mon cousin Na’houm la remarqua et m’en informa. Après plusieurs coups de fil et après avoir vérifié que c’était bien les Téfilines de mon cousin Berel, je partis les récupérer. Quand j’arrivai, David me tendit les Téfilines avec joie et soulagement et me raconta :
«Il y a quatre mois, je rentrai chez moi le soir, mais ma femme n’était pas là. J’essayai de l’appeler sur son téléphone, mais celui-ci ne répondait pas. Les heures passaient et elle ne revenait toujours pas. Je m’inquiétais : jamais une telle chose ne s’était produite ; peut-être devais-je prévenir la police ? Finalement vers 1 heure du matin, elle arriva, en pleine forme. J’étais soulagé mais aussi furieux : «Où étais-tu ? Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ?» C’est alors qu’elle remarqua qu’il était si tard et elle s’excusa : «J’ai assisté à un cours chez les Loubavitch, c’était passionnant et je n’ai pas vu l’heure passer… !» Elle s’excusa de m’avoir causé tant de soucis, mais j’étais hors de moi. Je me mis à blâmer son cours, puis tous les Loubavitch et encore plus, tout ce qui touche à Loubavitch. Finalement, je me calmais, mais les mots avaient été prononcés.
Le lendemain, je me sentis mal. Je souffrais de plusieurs parties de mon corps. Je me sentis si faible que je dus être hospitalisé. On me fit subir toutes sortes d’examens sans trouver ce qui n’allait pas. Je rentrais à la maison mais étais incapable de travailler.
Je me dis alors que je n’aurais pas dû prononcer de telles paroles contre les Loubavitch. Comment avais-je pu m’emporter à ce point, simplement parce que j’étais inquiet ? J’avais sans doute sali mon âme qui exprimait maintenant sa peine à travers les souffrances de mon corps.
Je devais agir. D’abord je partis m’excuser auprès de la personne qui avait donné le cours ; j’encourageais ensuite ma femme à fréquenter encore davantage de cours ; je me rendis à la synagogue Loubavitch de Jérusalem, y récitais des Tehilim (Psaumes) et étudiais. Je priais et demandais pardon à D.ieu pour avoir prononcé des paroles que je regrettais et que je m’engageais à ne plus prononcer, quelles que soient les circonstances.
Quand je n’eus plus de larmes, je demandais à D.ieu de m’envoyer un signe comme quoi ma Techouva, mes excuses avaient été acceptées : «Je suis prêt à remplir n’importe quelle mission pour les Loubavitch !» affirmais-je.
Et quelques jours plus tard, très exactement la veille de Kippour, le chauffeur de taxi arabe me remit cette pochette de Téfilines avec l’image du 770 Eastern Parkway ! Pour moi, c’était le signe que j’avais demandé. Je cherchais dans l’annuaire du téléphone ce Berel Schwartz mais ne le trouvais pas. Et c’est à l’hôpital que je rencontrai un Loubavitch prêt à m’aider.
Oh, j’oubliais : dès que Rav Yossef Zev Rainetz eut placé l’annonce sur le site COL, mes douleurs disparurent, aussi soudainement qu’elles étaient apparues…»

Yossi Swerdlov
N’shei Chabad Newsletter
traduit par Feiga Lubecki