Samedi, 13 mars 2021

  • Vayakhel - Pekoudeï
Editorial

 L’anniversaire juif : un jour d’exception

Certaines idées ne s’imposent pas d’elles-mêmes, elles ont comme besoin d’un événement fondateur. Elles sont pourtant bien souvent importantes. Réfléchissons donc à un concept presque anodin, celui de l’anniversaire. Quelqu’un naît, par nature et nécessité, un certain jour de l’année. La pratique générale est de marquer ce jour, apparemment simple fait du hasard, d’année en année. Tout cela pourrait s’arrêter là, comme si le judaïsme n’avait rien à dire à propos d’un rite social parmi tant d’autres. Mais voici qu’à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de son épouse, la Rabbanite ‘Haya Mouchka, le Rabbi lançait le 25 Adar 1988 une campagne de célébration de l’anniversaire juif. Le 25 Adar tombe cette semaine, c’est l’occasion de s’en souvenir. Mais où cela peut-il bien mener ?

C’est alors qu’apparaît en pleine lumière la richesse de la notion. L’anniversaire est-il autre chose que le jour où D.ieu nous a donné la vie ? De ce fait, est-il autre chose qu’un jour où nous ressentons envers Lui la gratitude la plus sincère et où nous avons à cœur de Lui adresser nos remerciements pour ce don fabuleux ? Plus encore, si, en ce jour, notre âme est descendue dans ce monde pour y accomplir sa mission, cela signifie également qu’elle lui est comme liée. C’est dire que, pour elle, cette journée a une portée et une puissance inhabituelles. Nos Sages l’expriment clairement : en ce jour, disent-ils, « sa source spirituelle a la primauté ». En d’autres termes, chacun, lorsque revient ce qui est essentiellement « son » jour, est doté d’une capacité d’action et de changement qu’il ne rencontre pas à une autre date.

Ainsi, un jour d’anniversaire de naissance est à la fois un jour de joie, puisqu’il célèbre le bonheur inégalé d’être en vie, et un jour de réflexion sur les avancées à décider puisque rien ne pourra les arrêter. Finalement qu’est-ce que l’existence d’un être humain sinon la conjonction de ces deux démarches : se réjouir et agir pour le bien. L’anniversaire juif, évidemment calculé dans le calendrier hébraïque, est l’incarnation même de cette œuvre double. C’est aussi pour cela qu’il peut opérer une véritable transformation de soi. C’est bien un jour à soi, qui nous appartient en propre, un jour où on se réunit avec ses amis, où la Torah et la Tsedaka sont présents. C’est un jour d’exception à prendre comme tel parce que se souhaiter un « bon anniversaire » va beaucoup plus loin que ce que la banalité de l’expression peut laisser entendre. Le judaïsme sait toujours poser des jalons pour soutenir chacun dans son progrès personnel et le guider sur le chemin à suivre. L’anniversaire est de ceux-là.

Etincelles de Machiah

 De l’autre monde à celui-ci

Quand le Machia’h viendra, tous les Justes des générations passées reviendront. Tous, y compris Moïse et les patriarches, descendront du « lieu » où ils se trouvent, au plus haut des mondes spirituels. Ils reviendront dans ce monde, se revêtiront de corps matériels et ressusciteront.

Pourquoi cela en vaut-il la peine ? Car, en ce temps nouveau, la Révélation divine dans ce monde-ci sera bien plus haute que celle dont on jouit dans les mondes spirituels.

(D’après Likoutei Torah Bamidbar p.49a)

Vivre avec la Paracha

 Vayakhel Pekoudé

Vayakhel

Moché réunit le peuple d’Israël et réitère le commandement d’observer le Chabbat. Il transmet alors les instructions de D.ieu concernant la construction du Michkan (le Tabernacle). Le peuple fait don, en abondance, des matériaux requis, apportant de l’or, de l’argent et du cuivre, de la laine teinte en bleu, violet et pourpre, des poils de chèvre, du lin tissé, des peaux de bête, de la laine, du bois, de l’huile d’olive, des herbes et des pierres précieuses. Moché doit leur demander de cesser leurs dons.

Une équipe d’artisans au cœur sage construit le Michkan et son mobilier (comme cela a été décrit dans les Parachiot précédentes : Teroumah, Tetsavé et Ki Tissa) : trois couches pour les couvertures du toit, 48 panneaux muraux plaqués d’or et 100 socles d’argent pour les fondations, le Paro’hèt (voile) qui sépare les deux chambres du Sanctuaire et le Massa’h (écran) pour le devant, l’Arche et son couvercle avec les Chérubins, la Table et ses Pains de Proposition, la Menorah à sept branches avec son huile tout spécialement préparée, l’autel d’or et les encens qui y sont brûlés, l’huile d’onction, l’autel extérieur pour les offrandes que l’on doit brûler et tout son équipement, les cintres, les poteaux, et les socles de fondation pour la cour et enfin le bassin et son piédestal, fait de miroirs de cuivre.

Pekoudé

On procède au décompte de l’or, l’argent et le cuivre donnés par le peuple pour la fabrication du Michkan. Betsalel, Aholiav et leurs assistants fabriquent les huit habits sacerdotaux : le tablier, le pectoral, le manteau, la couronne, le chapeau, la ceinture et les pantalons, selon les instructions communiquées par Moché dans la Paracha Tétsavé.

Le Michkan est achevé et tous ses composants sont présentés à Moché qui l’érige et l’oint avec la sainte huile d’onction. Il initie à la prêtrise Aharon et ses quatre fils. Une nuée apparaît au-dessus de Michkan, signifiant que la Présence Divine est venue y résider.

L’unité : absolue ou essentielle ?

La Torah énonce, dans les Parachiot Tetsavé et Pekoudé, que le Grand-Prêtre portait sur ses épaules deux pierres de Choham sur lesquelles étaient gravés les noms des douze tribus d’Israël. Le but était d’en rappeler le souvenir à D.ieu.

Rachi le commente ainsi : « D.ieu regarde [vers le bas sur les épaules du Grand-Prêtre] et Se rappelle la droiture des Douze Tribus ».

Rachi face au Rambam

Comment les noms des douze tribus étaient-ils précisément écrits sur ces deux pierres ? Cela fait l’objet d’une controverse entre Rachi et le Rambam (Maïmonide).

Rachi statut que leurs noms étaient inscrits en fonction de leur ordre de naissance, attribuant donc les enfants à leur père : Réouven, Chimon, Lévi, Yehouda, Dan, Naftali sur une pierre et Gad, Acher, Issa’har, Zevouloun, Yossef et Binyamin sur l’autre.

Le Rambam affirme, quant à lui, que c’était en fonction de l’ordre des mères qui les avaient mis au monde : Léa et ses enfants, Bilha et les siens, ceux de Zilpa et enfin ceux de Ra’hel.

Quelle est la base de leur discussion et quels enseignements peut-on en tirer ?

Une autre différence s’érige entre les portions Tetsavé et Vayakhel : les mots ‘Hatoum, Chemot et Zikaron sont écrits sans la lettre Vav dans Tétsavé par opposition à Pekoudé où cette lettre figure.

Comme nous l’avons vu, le but des noms était un rappel à D.ieu. En Se souvenant des douze tribus, D.ieu bénit tout Israël. Cependant, la condition indispensable pour la bénédiction de D.ieu est l’unité et, comme nous le prononçons dans chacune des trois Amida (prière) quotidiennes : « D.ieu nous bénit comme un » car nous sommes tous unis comme un.

Le père ou la mère ?

Il existe deux manières de parvenir à l’unité : l’une à travers le père et l’autre par l’intermédiaire de la mère. La différence entre le père et la mère réside dans le fait que du père provient la goutte séminale qui renferme l’enfant dans son ensemble, avant d’être divisée, alors que la mère va le développer pendant neuf mois et donner naissance à un enfant constitué de 248 membres séparés et 365 veines et artères.

C’est pourquoi, quand nous mentionnons le père, l’accent est mis sur l’unité dans sa source, c’est-à-dire la goutte séminale. Quand nous nous concentrons sur l’enfant de la mère, nous voyons une unité au sein de la diversité. Quelle est la plus grande forme d’unité ? La source ne possède pas d’organes indépendants. L’unité est absolue. En revanche, quand elle devient indépendante, rien ne dit si elle va rester unie ou non.

Si nous recherchons l’unité au sein de la diversité, bien qu’elle ne soit pas absolue, elle agit et est fonctionnelle.

Ces deux formes d’unité correspondent à la divergence d’opinion entre Rachi et le Rambam.

Rachi pense que l’unité à la source est plus grande. Les noms sont donc disposés en fonction de leur ordre de naissance, mettant l’accent sur le fait que nous sommes tous les enfants d’un seul père.

Le Rambam croit que, en dépit du fait qu’une unité absolue règne dans la source, l’unité essentielle se manifeste dans la diversité. C’est la raison pour laquelle il énumère les tribus en fonction de leur mère, reconnaissant le fait que la division des tribus et la séparation entre les hommes existent bien entre les êtres humains.

Les paroles de D.ieu

Le Talmud déclare : « ces opinions et ces opinions sont toutes les paroles de notre D.ieu vivant. » Les deux approches, celle de Rachi et celle du Rambam, sont essentielles. Pour accéder à l’unité au sein de la diversité, il faut au préalable reconnaître l’unité absolue, telle qu’elle existe dans sa source.

Tel est le sens des mots du Tanya : « la manière directe et facile d’accomplir la Mitsva d’« aime ton prochain comme toi-même » est de prendre conscience que « nous sommes tous des jumeaux et qu’il y a un Père Unique pour nous tous ». C’est pourquoi tous les Enfants d’Israël sont littéralement appelés « frères », leur Source dans l’âme étant le D.ieu Unique. Ce n’est que les corps qui sont divisés.

Un amour inconditionnel

Cela peut également expliquer la raison de la lettre (le Vav) absente. La signification du Vav est qu’il est un crochet qui accroche deux éléments séparés. De la même façon, le dessin du Vav représente une pente abrupte faisant descendre ce qui est en haut.

Dans la Paracha Tetsavé, les mots « ‘Hatem, Chemot et Zikaron » n’ont pas de Vav car ils font allusion à l’unité telle qu’elle est dans sa source, la plus grande unité où il n’est pas nécessaire de lier les frères les uns aux autres puisqu’ils sont réellement uns et identiques. Cependant, cette unité idéale ne se manifeste pas toujours dans le monde matériel où l’on rencontre des gens et des cultures indépendants. L’unité absolue ne réside que dans sa source originelle.

Dans la Paracha Pekoudé, où il y a des Vav, il est fait allusion au fait d’une descente dans ce monde, fini et matériel. Nous devons créer des connexions avec nos voisins pour nous unir à travers l’amitié, la camaraderie et l’amour. L’unité essentielle se réalise dans la diversité.

Notre Saint Temple est en ruines à cause de la haine gratuite. Reconnectons-nous avec un amour inconditionnel et faisons descendre la bénédiction de D.ieu dans le troisième Temple puisque nous sommes fondamentalement unis.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?

- Le mois de Nissan commence cette année dimanche 14 mars 2021 (Roch ‘Hodech).

- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (samedi soir 27 mars 2021).

- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Maote ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce d’envoyer à ses fidèles dans le besoin des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.

- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplications).

- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).

- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.

- La première fois en Nissan qu’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction Baroukh Ata … Chélo ‘Hissère Beolamo 

 (d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)

Le Recit de la Semaine

 Le corona du chanteur

A Re’hassim, non loin de Haïfa en Israël, un jeune orphelin a célébré sa Bar Mitsva en janvier 2021. Sa mère est veuve et ne dispose que de peu de moyens. L’enfant était passionné par la musique, en particulier les Nigounim, les mélodies ‘hassidiques souvent poignantes et appréciait particulièrement les chanteurs doués pour faire ressentir ces émotions.

La maman contacta M.C., un homme d’affaires qui l’aidait financièrement : « Je vous en prie, mon fils a vraiment besoin d’être gâté, il n’a pas de père. Essayez de faire venir un chanteur connu pour sa Bar Mitsva, il sera si heureux et s’en souviendra à vie ! ».

M.C. accepta la suggestion et contacta un chanteur professionnel local qu’il connaissait et lui expliqua d’emblée qu’il ne disposait d’aucun budget pour le payer. Gêné, le chanteur refusa : « C’est mon gagne-pain, je ne peux pas me produire ainsi toute une soirée pour rien ! ».

Mais pour M.C., « non » n’était pas une réponse. Il insista : « Ce garçon n’a plus de père, sa mère n’a pas d’argent, il ne peut pas s’attendre à une très grande célébration. De plus, avec les mesures sanitaires actuelles, c’est évident que l’occasion ne sera pas aussi joyeuse qu’en temps normal. Seul vous pouvez introduire un peu et même beaucoup de Sim’ha dans cet événement qui est supposé impressionner le garçon pour toute sa vie. Souvenez-vous : le Rambam (Maïmonide) tranche qu’il n’existe pas de plus grand plaisir pour D.ieu que le fait de réjouir les veuves et les orphelins ! ».

Touché par ces paroles, le chanteur accepta finalement de se produire sans être payé lors de cette Bar Mitsva célébrée presqu’en catimini. Il s’assit à côté du jeune garçon et, chaque fois qu’il se levait pour chanter, chacun se mettait déjà à taper des mains et à danser : ce fut une soirée mémorable car il y mit tout son cœur et, l’espace d’une soirée, l’enfant et sa mère oublièrent leurs soucis.

Deux jours plus tard, le chanteur reçut un coup de fil inquiétant : le jeune garçon avait été contaminé par le virus du corona et donc le chanteur qui avait été assis à côté de lui devait se placer en quarantaine pendant deux semaines !

Il était catastrophé : « J’avais donné volontiers une soirée sans être payé et maintenant, j’étais empêché de travailler encore deux semaines ! Quelle injustice ! »

Bon gré mal gré, il fut bien obligé de se conformer aux consignes très strictes de la quarantaine. Au bout de quelques jours passés à tourner en rond dans une chambre, il demanda à être testé en espérant être libéré mais le cauchemar s’intensifiait : il était maintenant lui-même bel et bien atteint du Covid ! « C’est donc cela ma récompense pour la Mitsva que j’avais accomplie de si bon cœur ! » pensait-il amèrement. J’ai voulu apporter la joie à un orphelin et voilà le résultat : encore au moins deux semaines sans travailler, sans gagner de quoi vivre tout simplement ! ».

Finalement, il se remit relativement rapidement de la maladie et chercha fiévreusement du travail pour compenser toutes ces pertes.

Il fut alors contacté par une organisation juive de New York qui organisait des Bar Mitsvot pour des orphelins aux États-Unis. On célébrerait bientôt une Bar Mitsva collective de grand standing pour plusieurs orphelins, avec de nombreux spectacles et amuseurs et il serait l’un des intervenants. On lui proposait le voyage avec le séjour dans un hôtel de luxe et il serait très bien payé, bien plus que ce qu’il aurait pu gagner durant ses semaines de quarantaine ! De plus, ce serait pour lui l’occasion de se faire connaitre dans le monde juif américain ! Inutile de décrire sa stupéfaction mais il se ressaisit :

- Comment avez-vous entendu parler de moi ? demanda-t-il avec curiosité.

- Quelqu’un de notre organisation a assisté à la Bar Mitsva de l’orphelin et a été très impressionné par votre prestation qui a vraiment donné toute sa saveur à l’événement. C’est pourquoi il a insisté pour vous faire venir et mettre l’ambiance dans cette soirée de gala !

- Ah je comprends mieux…

- Cependant, nous ne pouvons pas prendre le risque que vous infectiez les participants, surtout que vous venez d’Israël. Nous mettons donc une condition à votre venue, sans laquelle nous ne pouvons pas vous engager : vous devez déjà avoir contacté le virus et en être complètement guéri !

(On ne perd jamais quand on accomplit une Mitsva…

Et puis : Les décisions de D.ieu sont justes - même s’il faut parfois du temps - et même beaucoup de temps - pour les comprendre mais tout ce qui vient d’En-Haut est (finalement) pour le bien !

« C’est Moi, D.ieu, Celui qui te guérit » : il peut arriver qu’Il nous envoie une maladie pour un but bénéfique (et pas seulement pour purifier notre âme…)

Rav Elimélè’h Biderman

Yerachmiel Tilles

Traduit par Feiga Lubecki