Le verset Beaalote'ha 11, 17 dit : «Je susciterai de l'esprit que tu portes sur toi et Je le placerai sur eux». C'est par ces mots que D.ieu demanda à Moché, notre maître, de désigner les soixante-dix anciens(1). Nos Sages, indiquent(2), à ce propos : «A quoi Moché ressemblait-il, à ce moment-là ? A une chandelle déposée sur un chandelier, à partir de laquelle on allume de nombreuses bougies, sans que sa flamme en soit diminuée. De même, il ne manquait rien de la sagesse de Moché(3)».

Lorsque l'on a recours à une parabole, cela veut dire que l'idée qui est exposée présente une difficulté de compréhension et que la parabole permet donc de la saisir plus aisément(4). En l'occurrence, pour ce qui concerne Moché et les anciens, quelle est l'utilité de cette parabole de la chandelle(5), alors qu'il est bien clair pour chacun que la sagesse est une valeur morale et que la transmission de celle de Moché aux anciens ne la réduit en aucune façon(6) ?

En fait, la transmission de la sagesse du maître peut effectivement la réduire. Tant que le disciple a un niveau restant relativement proche de celui du maître, l'enseignement ne diminue pas la sagesse du maître. Celui-ci conserve son élévation et ne fait que transmettre une partie de sa sagesse à son disciple. A l'inverse, lorsque le niveau du disciple est très éloigné de celui du maître(7), qui peut même être infiniment plus haut que lui, l'enseignement peut effectivement susciter la chute du maître(8).

Lorsqu'un maître doit délivrer son enseignement à un disciple beaucoup plus bas que lui, il lui faut, pour cela, quitter le monde spirituel élevé dans lequel il évolue, pour s'introduire dans un environnement totalement étranger, qui n'est pas le sien mais celui du disciple. Dès lors, il n'a pas d'autre solution que de rechercher des paraboles et des images issues du monde du disciple(9), afin qu'il comprenne selon sa propre manière de raisonner(10). Une telle descente provoque effectivement la chute du maître.

Moché, notre maître, était infiniment plus haut que les anciens. On aurait donc effectivement pu penser qu'en leur transmettant sa sagesse, il aurait connu la chute. De ce fait, nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, soulignent que l'esprit de Moché ne fut nullement entamé, quand il le transmit aux anciens.

Pourquoi en fut-il ainsi, malgré l'immense distance qui les séparait ? Comment expliquer qu'en l'occurrence, la transmission de Moché aux anciens ne lui causa pas la moindre chute ? On peut l'explique de deux façons :

Il y a, tout d'abord, celle qui est suggérée par les propos de nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction : «une chandelle déposée sur un chandelier, à partir de laquelle on allume de nombreuses bougies». Moché, notre maître, était alors comme une chandelle ayant quitté son niveau élevé, pour être : «déposée sur un chandelier».

A ce moment-là, après la faute de ceux qui s'étaient plaints de la manne(11), «Moché s'en trouva affaibli»(12) et il connut donc effectivement la chute, au point de devenir comme : «une chandelle déposée sur un chandelier, à partir de laquelle on allume de nombreuses bougies» et réduisant ainsi la distance qui le séparait des anciens. C'est pour cette raison qu'en transmettant son esprit, Moché, notre maître, ne connut pas la chute(13).

Puis, par la suite, le Midrash propose également une autre explication : «Moché, par lui-même, ne perdit rien, ainsi qu'il est dit : 'Il n'y eut pas un autre prophète en Israël, comme Moché(14)». Celui-ci ne connut pas la chute du fait de sa grande élévation, de sa grandeur hors du commun (15).

Ainsi, précisément parce que : «Il n'y eut pas un autre prophète en Israël, comme Moché», lui-même transcendait complètement toutes les limites et il pouvait, de ce fait, transmettre sa sagesse également à quelqu'un qui était infiniment plus bas que lui, sans qu'il n'en résulte pour lui la moindre chute.

Moché, notre maître pouvait conserver son immense élévation et, malgré cela, éclairer autour de lui, exercer son influence jusqu'aux extrêmes les plus éloignés. Tel était le pouvoir divin dont Moché disposait.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 8, page 75)

 Notes :
(1) Et, de faire en sorte qu'ils portent en eux une partie de l'esprit de Moché, afin de devenir des dirigeants du peuple d'Israël.
(2) Dans le Sifri, qui est cité par le commentaire de Rachi sur la Torah et dans le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 15, au paragraphe 19.
(3) Par le fait qu'il en avait transmis une partie aux anciens.
(4) En raisonnant sur une image plutôt que sur le concept proprement dit.
(5) Quel est l'élément qu'elle permet de comprendre ?
(6) Or, comme on l'a dit, le recours à une parabole est inutile quand l'idée peut être comprise directement.
(7) Par exemple, lorsqu'un grand érudit doit délivrer son enseignement à de jeunes enfants.
(8) Qui n'aura plus besoin d'approfondir sa compréhension et pourra se suffire d'une connaissance sommaire, amplement suffisante pour le disciple débutant.
(9) Dans lequel il cherche à s'introduire.
(10) Celle de l'élève.
(11) Evoquant, avec nostalgie, ce qu'ils mangeaient en Egypte.
(12) Selon le commentaire de Rachi sur le verset Bamidbar 11, 15.
(13) Car, la distance qui le séparait des anciens n'était pas si importante, du fait des fautes commises par les enfants d'Israël.
(14) Devarim 34, 10. Aucun des prophètes ultérieurs ne parvint à égaler sa grandeur.
(15) Qui le mettait à l'abri d'une telle chute, ce qui n'aurait pas été le cas d'un autre homme, même s'il avait été prophète.