Lettre n° 9482

Par la grâce de D.ieu,


11 Nissan 5728,
Brooklyn, New York,


Aux fils et filles d’Israël, en tout endroit où ils
se trouvent, que D.ieu leur accorde longue vie,


Je vous salue et vous bénis,


Chaque élément de la Torah(1), même s’il ne s’agit que d’un détail et, a fortiori lorsqu’il a une portée aussi générale que la sortie d’Egypte(2), reçoit un contenu spécifique et délivre un enseignement particulier. La Torah nous relate qu’avant le départ des enfants d’Israël de l’Egypte, D.ieu leur confia différentes Mitsvot, certaines devant d’ores et déjà être mises en pratique dans ce pays, d’autres ne s’appliquant que par la suite.


Parmi les Mitsvot qui furent édictées en Egypte, l’une se distingue par le fait qu’elle fut un “ signe ” particulier, symbolisant la sortie d’Egypte dans son ensemble, non pas uniquement pendant une période précise de l’année, mais bien chaque jour de semaine(3), tout au long de cette année. Il s’agit de la Mitsva des Tefillin(4).


Il en résulte que la relation pouvant être établie entre la Mitsva des Tefillin et la sortie d’Egypte est très large et profonde(5). Bien plus, même si on la compare à la fête de Pessa’h(6), avec tout ce qui la caractérise, on peut constater que ceci concerne uniquement la fête proprement dite. En revanche, la nécessité de se rappeler de la sortie d’Egypte(7) et de la revivre(8) est quotidienne(9). Or, elle se manifeste(10) : “ en signe sur ton bras et en souvenir entre tes yeux ”(11), par les Tefillin, en tous(11) les jours de semaine, tout au long de l’année.


* * *


Le contenu spécifique des Tefillin, comme tout ce qui a trait à la Torah et aux Mitsvot, reçoit de nombreuses explications et je souhaite en analyser une ici. La sortie d’Egypte fut la libération de l’esclavage, depuis le sens le plus simple de ce terme, faisant référence à un travail physiquement éreintant, jusqu’à(12) la libération morale(11) la plus élevée(13), la délivrance de l’Egypte, des entraves et des barrières qui limitent l’âme, au point de mettre en évidence la quintessence profonde(11) d’un Juif, à titre individuel comme en tant que peuple.


La quintessence d’un Juif, telle qu’elle est définie par D.ieu(14), est celle-ci : “ Vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu ”(11), ce qui fait allusion, non seulement à l’âme qui n’est pas encore descendue dans le monde, mais aussi à un Juif tel qu’il se trouve ici-bas, âme vêtue d’un corps avec toutes ses facultés.


* * *


La notion d’enfants de D.ieu(11) signifie, en particulier, que, tout comme le Tout Puissant dirige et gouverne le monde, avec tout ce qui le constitue, un Juif, en tout ce que concerne le Judaïsme(11), en sa Judéité, doit aussi dominer le monde(15), non pas seulement “ à l’occasion d’une fête ”, mais bien en son existence quotidienne. Il faut qu’il en soit ainsi concrètement(11), d’une manière évidente. Ainsi, non seulement un Juif ne s’affectera pas face à son environnement, ne subira pas son influence, mais bien au contraire, il s’en rendra maître et lui dictera sa volonté, en tout ce qui concerne le Judaïsme, dans tous les aspects du monde.


Une question forte et évidente se pose ici : comment exiger cela de chaque(11) Juif et comment y parvenir ? La réponse est elle-même très évidente. Un Juif est l’enfant de D.ieu, Qui lui accorde donc des forces particulières, célestes et surnaturelles(11).


De fait, l’image des enfants et des parents en apporte la preuve, puisque, de manière naturelle(16), les enfants reçoivent les capacités et les traits de caractère de leurs parents, qui les leur transmettent. Si l’on reprend la notion qu’il s’agit d’illustrer ici, le fait que les Juifs soient les enfants de D.ieu(11), cette relation se révèle être beaucoup plus profonde, comme l’explique l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h(17), soulignant que les enfants ont une existence indépendante de celle des parents, bien qu’ils leur soient profondément attachés. A l’opposé, les Juifs, enfants de D.ieu(11), n’ont jamais une existence indépendante et ils Le révèlent à travers la Torah et les Mitsvot. Ils sont totalement soumis à D.ieu, de sorte que leur finalité profonde est l’accomplissement de Sa Volonté, “ comme un serviteur et comme un fils ”(18).


En effet, la sortie d’Egypte a établi et révélé(19) que : “ les enfants d’Israël sont Mes serviteurs. Ils sont Mes serviteurs que J’ai fait sortir du pays de l’Egypte ”(11). Lorsqu’un Juif met en évidence ces forces célestes de la manière la plus entière, au point qu’elles pénètrent totalement son être, non seulement ses actions, mais aussi ses paroles et ses pensées, il reçoit la possibilité d’être le maître de tous les domaines du monde qui l’entourent, de les diriger.


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Tel est précisément le contenu de la Mitsva des Tefillin, comme l’établissent différents textes et, de la manière la plus claire et la plus concise, le Choul’han Arou’h(20). Quand un Juif les porte(21), il doit penser que D.ieu nous a demandé de les placer sur le bras, face au cœur et sur la tête, face au cerveau, “ afin de nous souvenir des miracles et des merveilles qu’Il fit pour nous(11). En effet, Il possède le pouvoir et l’autorité Lui permettant d’agir comme bon Lui semble envers les mondes supérieurs et inférieurs ”. Ainsi, “ on assujettira au Saint béni soit-Il son âme, qui se trouve dans son cerveau, de même que ses désirs et les attraits de son cœur, afin de Le servir, béni soit-Il ”. L’intellect, dans le cerveau et le sentiment, dans le cœur, conduisent toutes les actions, les paroles et les pensées de l’homme. De la sorte, “ le serviteur du Roi est lui-même un roi ”(22).


Par l’intermédiaire de ce serviteur et de ce fils du Roi, Sa puissance et Sa domination se révèlent concrètement, de sorte qu’Il peut faire ce que bon Lui semble, dans les mondes supérieurs et inférieurs, au-delà de toutes les limites. C’est de cette façon que la sortie d’Egypte est réalisée sous sa forme la plus parfaite.


* * *


D.ieu fasse qu’en accomplissant cette sortie d’Egypte pendant la fête de Pessa’h, puis chaque jour, tout au long de l’année, comme on vient de l’expliquer, nous méritions la délivrance véritable et complète du présent exil, exil du corps et exil de l’âme, dans la bonté et la miséricorde, avec tranquillité et plaisir(23), par notre juste Machia’h, très prochainement. Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,


Mena’hem Schneerson,


Notes


(1) Voir la Haggadah de Pessa’h avec un recueil d’explications, de coutumes et de commentaires, édition de 5751, tome 2, à partir de la page 617.
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le Me’hilta et les commentateurs de la Torah, à propos du lien qui peut être fait entre ces deux aspects, ‘Je suis l’Eternel ton D.ieu, Qui t’ai libéré du pays de l’Egypte’. Voir le Zohar, tome 3, à la page 108a et le Tanya, au chapitre 47”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “Ceci inclut également la nuit. De fait, y compris selon les Sages, les Tefillin pourraient être portés pendant la nuit, selon le Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 30”. A la suite d’une question qui lui fut posée, en ce mois de Nissan 5728, le Rabbi ajouta à cette note la précision suivante : “En effet, on pourrait penser que, après l’interdiction prononcée par les Sages de mettre les Tefillin la nuit, celle-ci ne serait plus le moment de porter les Tefillin, à l’instar de ce qui est dit à propos de Pessa’h, dans le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, chapitre 433, au paragraphe 30. Mais, le Maguid Michné écarte une telle interprétation, au paragraphe 2 de ce chapitre 30 et il écrit : ‘Cela est permis toute la nuit’. On trouvera aussi une analyse, à ce sujet, dans le ‘Hikreï Hala’hot”. Le Rabbi souligne ici les mots : “après” et : “cette”. A ce sujet, on consultera également le Likouteï Si’hot, tome 9, à la page 52, dans les notes 21* et 22, de même que tome 26, à la page 187.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “Devaient-ils porter les Tefillin dans le désert et donc également le 15 Nissan, après avoir quitté l’Egypte ? On verra à ce sujet le traité Be’horot 5a, le Sada Rabba, au chapitre 26, le Yalkout Chimeoni, Parchat Chela’h, au paragraphe 750, les ‘Hidoucheï Ha Rachba sur le traité Mena’hot 34a”. A la suite d’une question qui lui fut posée, en ce mois de Nissan 5728, sur le traité Be’horot 5a, le Rabbi ajouta à cette note la précision suivante : “ Ceci se réfère à la Boraïta de Rabbi Ichmaël. On la trouve aussi dans le traité Kiddouchin 37b. Néanmoins, on peut interpréter ce texte, au moins au prix d’une difficulté, comme s’appliquant en exil, mais après le don de la Torah, dans l’optique de l’entrée en Erets Israël. Et, le Torah Cheléma, dans le tome 12, énumère les premiers Sages qui adoptent cette interprétation ”. Le Rabbi souligne ici le mot : “après”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “Bien que ‘nous ayons reçu beaucoup de Mitsvot pour cela’, pour commémorer la sortie d’Egypte, à la fois des Injonctions et des Interdits, comme l’explique le ‘Hinou’h, à la Mitsva n°21”.
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “En fait, Pessa’h, avec tout ce qui le caractérise, représente l’événement à proprement parler, alors que les Tefillin et les autres Mitsvot ne sont que des signes, commémorant la sortie d’Egypte. On peut considérer que les deux éléments sont liés, mais ce point ne sera pas développé ici”.
(7) Voir le Likouteï Si’hot, tome 12, à partir de la page 39 et la Haggadah de Pessa’h, précédemment citée, à partir de la page 424.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “On consultera la Michna du traité Pessa’him, chapitre 10, à la Michna 5 selon laquelle : ‘un homme est tenu de se considérer…’, ce dont on ne retrouve pas l’équivalent, à propos des autres commémorations qui sont citées dans le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, à la fin du chapitre 64”. Le Rabbi souligne ici les mots : “de se considérer”. A la suite d’une question qui lui fut posée, en ce mois de Nissan 5728, le Rabbi ajouta à cette note la précision suivante : “On pourrait objecter qu’il n’en est pas ainsi chaque jour. Mais, en tout état de cause, on doit se considérer de la sorte en chaque génération, comme le dit la Michna. De plus, l’Admour Hazaken, au chapitre 47 du Tanya, ajoute clairement l’expression : ‘chaque jour’, ce qui veut dire que, selon lui, c’est bien ainsi qu’il faut lire cette Michna. Tout d’abord, on ne trouve pas d’autre référence à cette affirmation. En outre, on sait qu’il introduit toujours son propos par une Michna. On peut également penser que, selon lui, cette Michna du traité Pessa’him complète celle qui conclut le premier chapitre du traité Bera’hot, demandant de faire le récit de la sortie d’Egypte chaque jour et de considérer que l’on a personnellement été libéré de ce pays. Ceci permet de justifier les nombreuses différences que l’on constate entre le récit de Pessa’h et celui de toute l’année. Et, il n’est pas dit que l’on doit se considérer ainsi uniquement à Pessa’h”. Le Rabbi souligne ici l’expression : “cette Michna”. Concernant le chapitre 47 du Tanya, on consultera le Likouteï Si’hot, tome 12, à la page 39, dans les notes 24 et 31.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le Rambam, lois du Chema Israël, chapitre 1, au paragraphe 3 et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, chapitre 67, au paragraphe 1, de même que le Tanya, au début du chapitre 47”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “Bo 13, 9”.
(11) Le Rabbi souligne les mots : “en signe sur ton bras et en souvenir entre tes yeux”, “tous”, “morale”, “quintessence profonde”, “Vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu”, “enfants de D.ieu”, “Judaïsme”, “concrètement”, “chaque”, “surnaturelles”, “enfants de D.ieu”, “enfants de D.ieu”, “les enfants d’Israël sont Mes serviteurs. Ils sont Mes serviteurs que J’ai fait sortir du pays de l’Egypte”, “nous” et “on assujettira au Saint béni soit-Il son âme, qui se trouve dans son cerveau, de même que ses désirs et les attraits de son cœur, afin de Le servir”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “Bien plus, c’est précisément cela qui devint possible, à partir de Pessa’h, puisque nos ancêtres cessèrent d’être assujettis à l’esclavage depuis Roch Hachana, selon le traité Roch Hachana 11a”.
(13) Voir, à ce sujet, la Haggadah de Pessa’h, précédemment citée, à la page 757 et dans les références qui y sont indiquées.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “Réeh 14, 1”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “Car, ‘le saint béni soit-Il n’agit pas avec traîtrise envers Ses créatures’, comme le dit le traité Avoda Zara 3a. Et, si l’on n’est passible d’aucune peine en cas de force majeure, sous la contrainte du monde et non du fait de son mauvais choix, comme le précise le Rambam, à la fin du second chapitre de ses lois du divorce, c’est parce que la Torah elle-même en a dispensé, en pareil cas, dans le traité Nedarim 27a. Il y a donc bien là un principe d’application des Mitsvot”. Le Rabbi souligne ici les mots : “du monde” et “la Torah”.
(16) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le traité Edouyot, chapitre 2, à la Michna 9”.
(17) Le Rabbi note, en bas de page : “Dans le Likouteï Torah, Parchat Devarim, discours ‘hassidique intitulé : ‘Cantique des degrés, des profondeurs’, à la page 62d”.
(18) Le Rabbi note, en bas de page : “Voir le Zohar, tome 3, à la page 11b et le Tanya, au chapitre 41”.
(19) Le Rabbi note, en bas de page : “Behar 25, 55. Commentaire de Rabbi Avraham Ibn Ezra sur le verset Behar 25, 42. Il n’en est pas de même, en revanche, pour la qualité des fils, comme le montre le verset Chemot 4, 22”.
(20) Le Rabbi note, en bas de page : “de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, chapitre 25, au paragraphe 11 et l’on analysera les changements de formulation qu’il introduit, par rapport au Choul’han Arou’h du Beth Yossef”.
(21) Le Rabbi note, en bas de page : “Les femmes en sont dispensées, selon le traité Kiddouchin 34a et, y compris selon l’avis du Me’hilta, à la fin de la Parchat Bo et du Yerouchalmi, traité Bera’hot, chapitre 3, au paragraphe 3, qui considèrent qu’elles sont dispensées de porter les Tefillin parce qu’elles ne sont pas tenues d’étudier la Torah, il y a bien là une Injonction ayant un temps précis, auquel cas, ‘lorsque l’homme met en pratique la Mitsva, il n’est pas nécessaire que la femme le fasse également, car elle s’acquitte avec lui quand il le fait’, selon le Likouteï Torah du Ari Zal, à la Parchat Béréchit, à cette référence du Taameï Ha Mitsvot et le Chaar Maamareï Rabbi Chimeon Ben Yo’haï, du Ari Zal, dans le commentaire des Tikounim qui se trouve à son début. On consultera aussi le traité Bera’hot 17a, qui définit le mérite des femmes, concernant l’étude de la Torah de leur mari et de leurs fils. De la même façon, elles imposent à leurs fils de porter les Tefillin, etc. et l’on verra, à ce sujet, le commentaire de Rachi sur le traité Sotta 21a. De même, le traité Be’horot, à la même référence, indique que : ‘la promesse que D.ieu fit aux femmes est supérieure à celle qu’Il fit aux hommes’”. Le Rabbi souligne ici le mot : “etc.”. A la suite d’une question qui lui fut posée sur le Yerouchalmi, traité Bera’hot, chapitre 3, au paragraphe 3, en ce mois de Nissan 5728, le Rabbi ajouta à cette note la précision suivante : “L’avis du Talmud Babli, dans le traité Bera’hot 20b est une ‘évidence’ et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken tranche, dans le chapitre 38, au paragraphe 3, que les femmes sont effectivement dispensées de porter les Tefillin parce qu’il s’agit d’une Injonction ayant un temps précis, ce qui soulève une difficulté sur le passage du traité Kiddouchin, lequel semble donner la même explication que le Yerouchalmi. A l’opposé, le Yerouchalmi, le Me’hilta et le traité Kiddouchin, selon son sens simple, déduisent de la dispense des Tefillin que les femmes sont dispensées également de toutes les autres Injonctions ayant un temps précis. Tel n’est cependant pas l’avis du Roch, dans ses lois des Tefillin, au chapitre 29. Le Me’hilta et le Yerouchalmi n’expriment donc pas la Hala’ha ”. Le Rabbi souligne ici l’expression : “ parce qu’il s’agit”.
(22) Le Rabbi note, en bas de page : “Selon le traité Chevouot 47b”.
(23) Le Rabbi note, en bas de page : “Ichaya 30, 15. Voir le traité Sanhédrin 97b, le Or Ha Torah du Tséma’h Tsédek, à la fin de la Parchat Bo, à partir de la page 305 et la conclusion de la séquence de discours ‘hassidiques intitulée : ‘le grand Ka’ha (ainsi)’”.