Lettre n° 9381

Par la grâce de D.ieu,


13 Tichri 5728,
Brooklyn, New York,


A monsieur Ariel Sharon(1),


Je vous salue et vous bénis,


J’ai été très peiné d’apprendre, par le journal(2), l’immense perte que vous avez subie, celle de votre jeune fils(3). Qui d’entre nous peut sonder les voies du Créateur ? Vous avez été préservé pendant la guerre(4) et au moment du danger. Bien plus, vous avez été l’un de ceux qui a apporté la victoire à notre peuple, les enfants d’Israël, face à nos ennemis, “ les nombreux dans les mains de ceux qui sont peu nombreux ”(5). Pourtant, chez vous, dans votre maison, en un moment de repos, un tel malheur a pu se produire. Mais, en fait, il n’y a rien de surprenant à constater qu’une créature ne saisit pas les voies du Créateur(6), car aucune commune mesure n’existe entre eux. Il n’est pas étonnant qu’un petit enfant ne comprenne pas les usages et les comportements d’un grand sage, parvenu à un âge avancé, bien que la distance qui les sépare soit uniquement relative. Bien entendu, ce qui vient d’être dit ne diminue en rien votre douleur et votre peine. Je prends donc part à votre malheur, bien que me trouvant à distance.


Certes, il peut sembler que la distance ne soit pas uniquement géographique, puisque nous ne nous connaissons pas personnellement et, de fait, je ne savais rien de vous, jusqu’à la guerre des six jours, qui est bien connue maintenant. Lors de celle-ci, votre nom a été glorieusement diffusé comme celui d’un officier, d’un protecteur de notre Terre Sainte et de ses habitants, ayant des traits de caractère généreux. D.ieu a illuminé Sa Face pour vous et Il vous a accordé le succès en vos actions et une victoire inimaginable. Néanmoins, me basant sur un principe fondamental de notre peuple, les enfants d’Israël, en toutes les générations, selon lequel “ tous les Juifs sont amis ”(7), je dirai que la publicité qui a été faite autour de votre nom a révélé ce qui existait d’ores et déjà au préalable, en l’occurrence l’amitié entre des Juifs, l’un résidant en Terre Sainte et l’autre se trouvant à l’extérieur de celle-ci. C’est ce qui me conduit à adresser ces quelques lignes à vous-même et à votre épouse.


Un autre point qui m’a incité à vous écrire la présente est la grande motivation que vous avez suscité dans le cœur de nombre de nos frères, les enfants d’Israël, en mettant les Tefillin devant le Mur occidental. Ceci a également fait l’objet d’une diffusion et a suscité l’écho positif le plus large, dans les différentes strates de notre peuple, en les endroits proches comme éloignés. Un point de consolation, ou même plus qu’un point, dans le grand malheur qui vous touche, est exprimé par la formulation traditionnelle, sanctifiée par des dizaines de générations de Torah et de Tradition de notre peuple : “ Que D.ieu vous console, parmi tous les autres endeuillés de Sion et de Jérusalem ”(8).


A première vue, le lien entre ces deux éléments(9) ne semble pas évident, mais, en fait, comme on l’a dit, c’est bien là tout le contenu profond de cette consolation. Tout comme le deuil de Sion et de Jérusalem est commun à tous les Juifs et à toutes les Juives, où qu’ils se trouvent, même s’il est plus clairement ressenti par quelqu’un qui réside à Jérusalem, observe le Mur occidental et notre Temple dans sa destruction que par celui qui se trouve à distance, mais n’en éprouve pas moins de la douleur et de la peine, il en est de même pour le deuil d’une personne et d’une famille. Sa consolation provient du fait que tout le peuple y prend part, car, comme le disent nos Sages(10), “ tous les enfants d’Israël constituent un seul et même corps ”.


Autre point, essentiel également, cette consolation est double(11), car, tout comme il est une certitude absolue que D.ieu reconstruira les ruines de Sion et de Jérusalem, qu’Il rassemblera les exilés d’Israël, de toutes les extrémités de la terre, par l’intermédiaire de notre juste Machia’h(12), qu’Il les conduira, dans l’allégresse, afin d’assister à la joie de Sion et de Jérusalem, il en sera de même, sans l’ombre d’un doute, pour un deuil personnel. L’Eternel tiendra parole et “ ils se réveilleront et se réjouiront, ceux qui reposent sous terre ”(13), dans une grande joie, une joie véritable, quand tous se rencontreront, lors de la résurrection des morts.


J’introduirai également un troisième point. Sion et Jérusalem furent conquis par les Romains et, avant cela, par les Babyloniens. Toutefois, ceux-ci s’en prirent uniquement au Temple fait de bois, de pierre, d’argent et d’or. En revanche, le Temple intérieur se trouvant dans le cœur de chaque Juif et de chaque Juive ne peut être capturé par aucune nation, car il est éternel. Et, il en est de même pour un deuil personnel. La mort frappe uniquement le corps et ce qui le concerne. L’âme, en revanche, est immuable et elle ne fait alors que s’élever vers le monde de la Vérité. En conséquence, chaque action positive, conforme à la Volonté de Celui Qui donne la vie, de D.ieu, accomplie pour son mérite et pour son bien, procure à cette âme du plaisir.


Puisse D.ieu faire qu’à l’avenir, vous-même et les vôtres ne connaissiez plus la douleur et la peine. Vous trouverez la consolation en vos actions pour défendre la Terre Sainte, le “ pays vers lequel toujours sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année ”(14), de même qu’en votre existence personnelle, par le respect de la Mitsva des Tefillin. Et, “ une Mitsva en attire une autre ”(15), puis encore une autre. Avec mes respects et ma bénédiction,


M. Schneerson,


Notes


(1) Voir, à son sujet, la lettre n°9549.
(2) Voir le Likouteï Si’hot, tome 10, à la page 209, le Kérem ‘Habad, volume n°15, de Tévet 5728 et le Torat Mena’hem, Mena’hem Tsion, tome 2, à partir de la page 536.
(3) Décédé accidentellement, à son domicile, à l’âge de sept ans.
(4) Des six jours, survenue en 5727-1967.
(5) Selon le texte du paragraphe Al Ha Nissim, qui est intercalé dans la prière pendant ‘Hanouka.
(6) Voir, à ce sujet, les lettres n°9124 et 9414.
(7) Voir le verset Choftim 20, 11, le traité ‘Haguiga 26a et le Tanya, Iguéret Ha Kodech, à la fin du chapitre 22.
(8) Voir, à ce propos, la lettre n°9211.
(9) Un deuil personnel, d’une part, celui de Sion et de Jérusalem, d’autre part.
(10) Voir le Likouteï Torah, au début de la Parchat Nitsavim, le Yerouchalmi, traité Nedarim, chapitre 9, au paragraphe 4, le Taameï Ha Mitsvot, du Ari Zal, à la Parchat Kedochim, le Séfer Ha Mitsvot, du Tséma’h Tsédek, à la Mitsva de l’amour du prochain, au chapitre 1.
(11) Voir le Midrash E’ha Rabba, à la fin du chapitre 1.
(12) Voir le Rambam, lois des rois, à la fin du chapitre 11.
(13) Ichaya 26, 19.
(14) Ekev 11, 12.
(15) Traité Avot, chapitre 4, à la Michna 2.