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Samedi, 27 février 2016

  • Ki Tissa
Editorial

 Petit  Pourim !

La structure de l’année juive – à treize mois – fait que nous vivons une sorte de répétition générale des grands événements spirituels à venir. Certes, le mois d’Adar a bien commencé mais il porte le nom de Adar I, pour bien signifier qu’il y en aura évidemment un second, comme pour nous dire que nous ne sommes pas encore réellement dans le vif du sujet. Du reste, ce premier Adar, tout joyeux qu’il soit, ne contient la fête de Pourim qu’au titre du rappel. Du moins, c’est ce qu’on pourrait croire... De fait, le jour du 14 Adar I – juste un mois avant la fête qui nous verra racontant l’histoire d’Esther et célébrant le miracle – porte un nom dans la tradition juive. On l’appelle Pourim Katan ou petit Pourim. Une telle dénomination a de quoi soulever quelques questions. Est-ce à dire qu’il s’agirait ici d’un jour en réduction, à la signification indéterminée, peut-être sans importance autre que celle du signe avant-coureur ? Ce serait alors presque une marque de mépris envers un jour qui passe et ce n’est pas là une attitude juive...

Ouvrons donc une autre réflexion. Et si ce jour, qui arrive cette semaine, était d’abord celui d’une préparation ? Et si le jour de Pourim lui-même était trop élevé pour qu’on puisse l’atteindre en un seul saut et que l’occasion de l’élan était ici bien rare et précieuse ? Voilà qui donnerait au «petit Pourim» un nouveau caractère de grandeur. Car, s’il constitue une préparation aux solennités prochaines, c’est qu’il est capable de leur apporter un élément qu’elles ne possèdent pas. C’est qu’il leur permet de prendre leur plein sens. D’une certaine manière, il leur est donc comme supérieur. Un «petit» qui donne à plus grand que lui et donc le dépasse ? C’est bien de cela qu’il s’agit. Et c’est comme à une sorte d’éloge de la «petitesse» qu’il faut se livrer à présent.

Avec ce jour particulier, tout se met en place. Les forces sont accumulées et le sens profond mieux intégré. La vie de Adar prend alors un nouveau tour. Prenons-en la pleine mesure : tout est né d’un «petit» jour. Lorsqu’on pense au destin historique comparé des «grands» empires et des «petits» peuples, il y a comme une structure récurrente qui apparaît. La vraie puissance n’est pas toujours celle que l’on croit. Et elle tient plus dans la force et la fermeté d’âme que dans les qualificatifs ambitieux. Petit Pourim donc... et grande vie !

Etincelles de Machiah

 L’abandon et les retrouvailles

Un verset enseigne (Isaïe 54 : 7) : «Un petit instant Je t’ai abandonné et avec une grande miséricorde, Je te rassemblerai.»  C’est ainsi que D.ieu décrit Son attitude pendant l’exil et lors de la venue du Messie.Nous observons que notre peuple a enduré des souffrances innombrables pendant le « petit instant » d’abandon. Comme elle sera donc merveilleuse la « grande miséricorde » qui y mettra fin !

Vivre avec la Paracha

 Ki Tissa

Résumé

Chaque membre du Peuple Juif reçoit l’injonction d’apporter la contribution précise d’un demi-chékel d’argent pour le Sanctuaire. Des instructions sont également données concernant la fabrication du bassin d’eau du Sanctuaire, de l’huile d’onction et des encens. Les artisans «au cœur sage», Betsalel et Aholiav sont chargés de la construction du Sanctuaire et une fois encore le peuple reçoit le commandement d’observer le Chabbat.

Moché ne redescend pas du mont Sinaï quand le Peuple l’attend et celui-ci fabrique un veau d’or et l’adore. D.ieu propose alors de détruire cette nation pécheresse mais Moché intercède en sa faveur. Il descend de la montagne, portant les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravés les Dix Commandements. Quand il voit le peuple danser autour de son idole, il brise les Tables, détruit le veau d’or et fait mettre à mort les principaux instigateurs. Il retourne alors vers D.ieu pour lui dire : «Si Tu ne leur pardonnes pas, efface-moi du livre que Tu as écrit».

D.ieu pardonne mais dit que le résultat de ce péché sera ressenti pendant de nombreuses générations. Au début, D.ieu propose de leur envoyer Son ange mais Moché insiste pour que D.ieu Lui-même accompagne Son peuple vers la Terre Promise.

Moché prépare de nouvelles Tables et une fois de plus, monte sur la montagne où D.ieu écrit de nouvelles Tables de l’Alliance. Sur la montagne, Moché perçoit également une vision des «treize attributs de miséricorde». A son retour, le visage de Moché irradie d’une telle lumière qu’il doit le cacher derrière un voile qu’il n’enlève que pour parler à D.ieu et enseigner Ses lois au peuple.

Nous vivons avec la Paracha de la semaine et chacune d’entre elles ajoute de la nouveauté dans la vie de chacun d’entre nous. Ki Tissa survient après le récit du Don de la Torah où nous reçûmes les Dix Commandements qui englobent toutes les mitsvot. Elle suit également la Paracha Michpatim où nous sont enseignées bon nombre des lois sociales de la Torah. Les lois concernant la construction du Sanctuaire ont aussi précédé Ki Tissa. Bien que cette Paracha vienne après d’importants chapitres de la Torah, elle semble ajouter quelque chose à la vie et au service divin de chaque Juif. Elle atteint même un niveau plus élevé et plus spirituel que celui du Don de la Torah.

Cette idée apparaît dans les mots d’ouverture de la Paracha : «Quand tu élèveras (compteras) les têtes du Peuple juif». Quelque niveau qu’ait déjà atteint le Peuple juif avant ce moment, quand Moché reçut l’ordre de les compter, il lui fut enjoint de susciter une nouvelle élévation dans le peuple.

Le Talmud discute de ce concept. Moché s’adressa lui-même à D.ieu en ces termes : «Maître de l’Univers, comment sera exalté l’honneur d’Israël ?». Il répondit : «Par Ki Tissa». Rachi ajoute : «Si tu veux élever leurs têtes, prends d’eux une rançon de charité» (Baba Batra 10b). Aussi, Moché se demandait-il comment élever le Peuple juif et D.ieu de répondre : «par une rançon de charité».

En quoi ce récit sur les chékels rajoute-t-il à la sainteté qu’avait atteinte le Peuple juif au moment du Don de la Torah ? Les Juifs avaient alors été choisis par D.ieu et élevés au-dessus de toutes les autres nations. De plus, ils étaient devenus «une nation de Cohanim (prêtres) et un peuple saint». Dire simplement que la force de la Tsedaka les éleva est inadéquat puisque l’attribut de bienveillance et de charité existait avait même le Don de la Torah.

La gentillesse et la miséricorde font partie de la fibre sociale de la civilisation. Les animaux eux-mêmes manifestent de la bonté en s’occupant de leurs petits. Avec le Don de la Torah, l’attribut de charité était devenu une mitsva, avant même le commandement des chékels. Ainsi pourquoi est-ce seulement par le don d’un demi-chékel que «l’honneur du Peuple juif serait-il exalté» ?

Le Midrach rapporte que D.ieu montra à Moché une pièce de feu qui pesait un demi-chékel et dit : «ils me donneront une pièce comme celle-ci» (Tan’houma, Ki Tissa).

En montrant à Moché une pièce de feu, D.ieu transmettait au Peuple Juif la force de faire de ce demi-chékel bien plus qu’un don matériel d’argent et permettait à chaque individu de donner une pièce de feu.

Dans le service divin conduit par l’homme, cela signifie que tout un chacun a le potentiel d’ajouter l’enthousiasme brûlant de la chaleur de l’âme divine dans l’acte de la Tsedaka.

Et c’est là la véritable innovation de «la rançon de la charité» (le demi-chékel) par rapport à un acte de charité ordinaire, quand bien même il est commandé par la Torah, parce qu’ici, la pièce est de feu.

Tout comme le feu n’a pas de forme fixe et scintille constamment vers le haut, la plus grande forme de Tsedaka vient avec le feu de l’enthousiasme. Elle n’est pas motivée par des raisons naturelles : celui qui donne est doté d’un caractère généreux.

La seule raison en est que la pièce que l’on donne ressemble à la pièce de D.ieu.

En outre, donner la Tsedaka par une pièce de feu pénètre notre être jusqu’à sa partie essentielle et devient notre véritable nature et notre personnalité. Notre pièce de feu nous permet d’agir de façon spontanée comme si notre nature inhérente émergeait de ce feu.

La valeur de la pièce était d’un demi-chékel. Quand nous réalisons que notre acte charitable n’atteint que «la moitié du but», le feu continue alors à brûler et scintille constamment vers le haut, cherchant à atteindre la perfection.

Nous pouvons dès lors entrevoir la raison pour laquelle la Tsedaka est la mitsva qui «élève l’honneur du Peuple Juif». En effet, l’on touche à la Tsedaka la plus pure, la charité absolue, quand aucun facteur ne vient motiver cet acte, qu’il n’y a aucune raison ou obligation de donner, et que cet acte n’est pas nécessaire mais qu’il émane de l’enthousiasme de notre âme.

Quand l’on donne la Tsedaka pour une raison spécifique, elle se mesure alors comme une réponse au besoin et à l’appel, et seulement parce que l’on est sollicité. Mais quand l’on est animé par ce feu intérieur, sans attendre que l’on nous le demande, à la maison, à la synagogue et dans le monde, on l’accomplit dans la pureté suprême. On recherche le pauvre pour l’aider, on l’encourage à recevoir et on lui donne une pièce de feu.

Chaque homme, chaque femme, chaque enfant est capable d’accomplir ce service divin.

Au cours des mois d’Adar, tout cela est d’autant plus d’actualité puisque la mitsva de Tsedaka leur est associée. Il nous faut rechercher ceux qui en ont besoin.

Nous pouvons dès maintenant nous préparer à Pourim, encourager les Juifs à accomplir les mitsvot de Pourim et veiller à ce que tous aient tout ce dont ils ont besoin pour célébrer joyeusement la fête.

Que D.ieu observe nos bonnes intentions et nous récompense immédiatement, avec la Rédemption ultime et immédiate. Alors, le service de la pièce d’or s’accomplira en conformité exacte avec la volonté de D.ieu.

Et le monde entier sera rempli de la connaissance de D.ieu, avec notre cœur heureux et joyeux.

Le Coin de la Halacha

 Comment se prépare-t-on au Chabbat ?

Les prophètes ont demandé que chacun se prépare au Chabbat

- En l’honorant

- En l’appréciant.

On honore Chabbat avec un vêtement propre et on l’apprécie avec des mets spéciaux.

On honore Chabbat en nettoyant la maison et en lavant les vêtements. On prend un bain chaud, on dresse la table, on prépare les lits et on pose les bougies sur la table.

Le Talmud (par la bouche de Chamaï) recommande de préparer Chabbat dès le dimanche en mettant de côté tout aliment qui serait digne de la table du jour de repos.

Celui qui multiplie les dépenses en l’honneur du Chabbat est digne d’éloges. L’argent que l’on gagnera dans l’année est prévu par D.ieu depuis Roch Hachana - sauf l’argent pour les achats de Chabbat et des fêtes.

Il est recommandé de se lever plus tôt le vendredi afin de préparer Chabbat. Chacun doit participer aux préparatifs, d’une manière ou d’une autre, même s’il dispose de plusieurs domestiques et même s’il est invité. Il est de coutume de déclarer avant tout préparatif : «C’est en l’honneur de Chabbat». Il est recommandé de goûter les plats avant Chabbat afin de s’assurer qu’ils sont bien assaisonnés.

On vérifie les poches de ses vêtements et on les vide de tout objet non nécessaire pendant le Chabbat. De même, on vérifie tous les objets, électriques en particulier, de la maison pour éviter un mauvais fonctionnement pendant la journée sainte.

Il convient aussi, sur un plan spirituel, de nettoyer son esprit de pensées qui n’ont pas de rapport avec la sainteté de Chabbat.

(d’après Assadère Lisseoudata - Rav Shmuel Bistritzky)

Le Recit de la Semaine

 Le dessinateur industriel

Je suis né à Sefrou, au Maroc et j’y ai étudié à la Yechiva jusqu’à l’âge de seize ans. Puis je suis allé à Fez où il y avait davantage de choix pour apprendre un métier. J’ai appris le dessin industriel dans une école spécialisée.

Quand la seconde guerre mondiale éclata, il devint très difficile de trouver du travail, surtout dans ma branche et surtout en étant juif. Les gens acceptaient n’importe quelle place et s’en contentaient. J’ai donc posé ma candidature comme ouvrier dans une usine qui produisait des meubles et d’autres objets pour le gouvernement. Cette usine de bois appartenait à un Français, les ouvriers étaient arabes et juifs. Comme on était en période de guerre, l’usine fonctionnait sept jours sur sept.

Dès que j’en franchis les portes, je décidai mentalement : quoi qu’il arrive, je ne travaillerais pas le Chabbat.

Je me présentai au contremaître et, après un court entretien, je fus engagé. Durant toute la semaine, je travaillais avec énergie et me distinguais au point que je reçus des compliments. Mais je m’inquiétais constamment pour le Chabbat. J’y réfléchissais nuit et jour sans parvenir à trouver une solution.

Samedi matin, je me dirigeais à contre cœur vers l’usine, bien décidé à n’effectuer aucun travail interdit – même si cela devait signifier le renvoi sans indemnités. Je remerciai D.ieu pour chaque instant où le contremaître ne me regardait pas. Quand il s’approcha de moi, je fis semblant de travailler à résoudre une équation mais j’étais sûr qu’il avait remarqué que je ne travaillais pas vraiment. Il continua sa ronde et je me sentis soulagé. Mon premier Chabbat s’était déroulé sans incident.

Je continuais la seconde semaine à travailler avec diligence. Mes mains s’activaient mais mon esprit était ailleurs : comment se passerait le prochain Chabbat ?

Le même scénario se reproduisit le second Chabbat. Je me tenais à ma place habituelle mais ne touchais aucune machine. Malheureusement, cette fois, le contremaître se présenta plus tôt ce jour-là. J’ignore si c’était une coïncidence ou s’il voulait vérifier ce dont il se doutait.

Je sentis mon cœur battre à tout rompre quand il s’approcha de moi.

- Pourquoi ne travailles-tu pas ? demanda-t-il, soupçonneux.

Je ne répondis pas. J’étais, de toute manière, très timide. Et là, j’étais pétrifié.

- Si tu ne travailles pas, tu devras prendre la porte ! Tu devras te trouver du travail chez les Juifs !

Il s’éloigna et revint quelques minutes plus tard mais, cette fois, il n’était pas seul. Il était accompagné par le directeur de l’usine ! Je tremblais de tous mes membres.

Le visage du directeur me semblait familier mais je n’étais pas du tout sûr de moi et je ne parvenais pas à me souvenir où j’avais bien pu le rencontrer. Lui aussi me dévisagea de la tête aux pieds puis murmura quelque chose à l’oreille du contremaître. Le seul mot que je distinguai fut «dessinateur industriel».

Tous les ouvriers savaient que le dessinateur industriel de l’usine avait démissionné quelques semaines auparavant et avait été remplacé par un contremaître qui devait, de ce fait, assurer deux postes. Je n’avais jamais même envisagé de proposer mes compétences car, comme je l’ai dit, j’étais bien trop timide et modeste.

J’entendis alors le directeur s’adresser à moi directement :

- Si je ne me trompe pas, c’est moi qui ai signé votre diplôme quand vous avez terminé vos études !

- Exact ! m’écriai-je, réalisant alors d’où je connaissais cet homme.

- Venez dans mon bureau demain matin ! ordonna-t-il devant le contremaître hébété.

Le lendemain, je commençais une longue carrière de dessinateur industriel. J’étais enchanté de cette promotion inattendue mais étais encore inquiet à propos du Chabbat. J’avais comme un pressentiment que tout «était trop beau» pour être permanent.

Vendredi arriva. Cette fois, je pris mon courage à deux mains, j’entrai dans le bureau du directeur et annonçai :

- Je ne travaille pas le Chabbat !

Il pâlit et, pendant un long moment, sembla comme abasourdi. Finalement il ne dit mot, se contenta d’hocher la tête en signe d’agrément.

J’ai travaillé dans cette usine pendant de longues années. Et je ne suis plus jamais entré dans l’usine le Chabbat.

Un jour, durant un de ses rares moments de laisser-aller, le directeur me confia :

- Vous devez savoir que jamais, personne n’a gagné dans une confrontation avec moi. Vous êtes le seul à avoir réussi à me faire plier ! Moi-même je n’arrive pas à le croire ! Un jeune Juif, timide de surcroit, m’a vaincu !

Refaël Ben-Zichri – L’Chaim N° 654

Traduit par Feiga Lubecki