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Semaine 37

  • Ki Tavo
Editorial
Quand le monde change

Depuis deux semaines, la vie n’a pas cessé de dérouler son cours habituel. Les grands cycles naturels ou sociaux sont tous à leur place et leur stabilité n’est pas faite pour nous surprendre. Pourtant, le monde a subtilement changé. Il est possible que nous n’en ayons pas pris conscience mais celui qui a la finesse de l’esprit et la sensibilité du cœur a pu percevoir que ce qu’il regarde autour de lui est porteur d’un nouveau message : Elloul est entré dans le monde.
Elloul ou le dernier mois de l’année juive. Dire cela est si réducteur. Elloul est bien davantage qu’une période de vingt-neuf ou trente jours posée sur le calendrier. C’est le temps de la préparation à Roch Hachana, celui de l’introspection et du bilan. C’est le temps où chaque acte pèse d’un poids qui le dépasse car c’est l’instant précieux où D.ieu est plus proche de Sa création, où Ses treize attributs de miséricorde rayonnent sur l’univers. En une parabole fameuse, on a coutume de dire qu’en ce mois “le Roi est dans les champs”, à la portée de chacun et prêt à recevoir, de la manière la plus favorable, ceux qui viennent à Lui.
C’est ainsi que le monde autour de nous a changé profondément. Tout se passe comme si l’air, la lumière avaient une texture différente. Tout cela, chacun peut le ressentir mais sans doute un effort est-il nécessaire. C’est alors qu’un jour particulier y contribue. Il intervient en début de semaine prochaine et est daté 18 Elloul. En hébreu, il porte le beau nom de “Haï Elloul” ou “Elloul vivant”. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’œuvre décrite est ambitieuse. La chaleur, l’enthousiasme, la vie en sont la clé. C’est là le rôle du 18 Elloul. Factuellement, c’est en ce jour que sont nés le Baal Chem Tov, qui fonda le Hassidisme, et Rabbi Chnéor Zalman de Liady, qui fonda le Hassidisme Habad. Deux immenses lumières apparurent en ce jour dans le monde. Elles modifièrent la vision que les hommes pouvaient en avoir. Elles donnèrent à chacun le vrai sens d’un mot à la fois si simple et si difficile à comprendre pleinement : la vie.
Le 18 Elloul transmet à tous sa force. Il permet à chacun de vivre le mois de la manière la plus intense. Il faut se garder de l’oublier : la nouvelle année est à présent plus qu’en perspective. Elle est l’horizon de nos consciences. Le mois d’Elloul nous permet de parvenir à ce grand rendez-vous et de faire en sorte que l’année qui va commencer soit réellement bonne et douce.
Etincelles de Machiah
La première danse

Rav Its’hak Aizik de Homil, qui était lui-même un Hassid de grande élévation, dit un jour : “Lorsque Machia’h viendra, les morts ressusciteront. Parmi eux se relèveront les Patriarches, les fondateurs des douze tribus d’Israël, Moïse, Aaron, tous les prophètes ainsi que les Sages du Talmud, les Tanaïm et les Amoraïm, avec tous les Maîtres et les Justes de toutes les générations. Avec qui chercheront-ils tous à se réjouir ? Avec les simples Juifs.
Moïse se joindra à eux pour la toute première danse car c’est au-dessus d’eux que la Torah se tient et non au-dessus des érudits si impressionnants avec leurs ingénieuses innovations. En une danse de vraie joie, le roi David, le psalmiste, prendra la main de ces Juifs-là qui, sans artifice, récitent les Psaumes”.
C’est avec ce regard qu’il faut considérer l’autre, sachant que cette sincérité nous conduira très bientôt jusqu’à la venue de Machia’h.
(D’après les lettres du précédent Rabbi de Loubavitch)
Vivre avec la Paracha
Le lien entre Ki Tavo et ‘Haï Eloul

Le dix-huitième jour du mois d’Elloul ou ‘Haï Elloul marque à la fois l’anniversaire de la naissance du Baal Chem Tov, fondateur du mouvement ‘hassidique, et de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, fondateur du ‘Hassidisme ‘Habad. Ce jour tombe invariablement la semaine où est lue la Paracha Ki Tavo.
Toutes les fêtes juives et les occasions particulières du calendrier juif sont évoquées en allusion dans la partie de la Torah lue la semaine où elles tombent. C’est ainsi que l’on peut trouver dans notre Paracha des allusions à ‘Haï Elloul.
Ki Tavo commence par la relation des lois des Bikourim, les premiers fruits que les Juifs étaient obligés d’apporter immédiatement au moment où “vous arrivez à la terre que l’Eternel ton D.ieu vous donne en héritage, l’occupant et s’y établissant” (Devarim 26,1).
Nos Sages notent que l’expression “l’occupant et s’y installant” vient nous enseigner que l’obligation des Bikourim ne commença qu’après les quatorze années durant lesquelles Erets Israël fut conquise et partagée entre les tribus.
Le verset est ainsi modifié pour les raisons suivantes: le véritable sens de “venir à la terre” est celui d’y venir entièrement. Cela en accord avec l’expression de nos Sages: “une entrée partielle n’est pas considérée comme une entrée du tout”. Le mot “venir” signifie donc “occuper et s’y établir”, car ce n’est qu’alors que les Juifs furent considérés comme ayant réellement pénétré dans la terre.
C’est là que réside le lien entre Ki Tavo et ‘Haï Elloul, l’anniversaire des deux fondateurs du ‘Hassidisme.
La ‘Hassidout est unique dans sa qualité à élever l’esprit, l’intellect et le cœur de telle sorte que le service de D.ieu d’un Juif est à la manière de Ki Tavo, une immersion complète, chaque membre de l’être étant pénétré par le service spirituel.
L’importance de ce type de service pourra être comprise en expliquant la différence entre l’état intérieur de l’homme et son état extérieur; l’intérieur se réfère à l’homme comme il existe en relation avec lui-même et l’extérieur de l’homme comme il existe en relation avec les autres.
En termes de service spirituel, cela signifie ce qui suit: quand un individu agit d’une manière extérieure et extravertie, lui et ce qu’il fait restent deux entités distinctes.
Mais, quand il fait quelque chose qui émane de son moi le plus intime, son être s’immerge dans ce qu’il est en train de faire, car en rapport avec la tâche de l’homme, il n’existe rien d’autre que lui-même. C’est pourquoi quand il agit ainsi, même une action spécifique, apparemment extérieure, est liée et unie avec son moi le plus intime; lui et l’acte sont entièrement unis.
C’est là que réside la qualité unique de la ‘Hassidout: celle-ci comme partie de l’“âme de la Torah” révèle la force vitale du Juif dans sa quintessence, dans tous les aspects de la Torah et des Mitsvot et la qualité unique de cette force vitale est qu’elle unit totalement avec ce qu’elle fait vivre.
Car la force vitale n’ajoute rien à ce qu’elle vitalise: un corps vivant ne contient pas plus de membres qu’un corps mort. Cette force n’est donc pas séparée de ce à quoi elle donne de l’énergie mais c’est plutôt l’âme du corps vivant et c’est grâce à elle que toutes les parties du corps sont vivantes.
La raison en est que la “vie” d’un être est son âme et son essence la plus intime, et comme cela a été expliqué plus tôt, ce qui fait partie du moi le plus profond de la personne devient complètement un avec l’objet avec lequel elle est unie.
C’est exactement le même effet que produisent la ‘Hassidout sur la Torah et les Mitsvot. Il est possible pour un Juif d’étudier la Torah et de pratiquer les Mitsvot tout en restant entièrement séparé d’elles. La ‘Hassidout, toutefois, permet au Juif de révéler l’aspect le plus profond de sa force vitale, son âme juive. Et en relation avec ce niveau, la qualité de Tavo, chaque Juif forme véritablement un avec la Torah et les Mitsvot.
Le Coin de la Halacha
Le coin de la Hala’ha

Qu’est-ce que la haine gratuite et comment l’éliminer ?

La Torah nous recommande d’aimer chaque Juif comme nous-même (Lévitique 19. 18). Cela signifie faire attention à sa dignité et à son argent de la même manière que l’on se soucie des siennes propres.
La Torah nous interdit de détester un autre Juif comme il est écrit (Lévitique 19. 17) : “ Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur ”.
Et si l’autre fournit une raison de le détester ? Maïmonide écrit : “ Si un Juif commet une faute envers son prochain, celui-ci ne devra pas le haïr et se taire mais il a l’obligation de lui signaler la mauvaise action et de lui demander pourquoi il a agi ainsi. S’il demande pardon, c’est une Mitsva de lui accorder le pardon et de ne pas être cruel en refusant les excuses ”. Par ailleurs : “ S’il ne désire pas évoquer le mal qui a été fait et qu’il décide de pardonner dans son cœur sans le haïr et sans lui faire de reproche, c’est là une bonne attitude. La Torah n’a interdit que la haine ”.
Il peut arriver qu’un homme en déteste un autre pour une raison particulière. Mais parfois cette haine n’a aucune raison et il voit en l’autre un concurrent qu’il faut éliminer ou, en tout cas, éloigner, que ce soit dans les études, la vie professionnelle ou les relations sociales. C’est ce qu’on appelle la haine “ gratuite ” : elle est plus grave que toute autre forme de haine car elle a abouti à la destruction du Temple et elle rode encore parmi nous: ce sont tous les préjugés que l’on rencontre entre certains courants du judaïsme ou entre certaines familles ou personnes.
La meilleure façon de parer à ce danger est par l’amour gratuit : on aimera chaque Juif parce qu’il est véritablement une parcelle de D.ieu, parce qu’il est “ empli de Mitsvot comme une grenade est emplie de grains ” et parce que chaque bonne action qu’il accomplit et que nous accomplissons envers lui rapproche la Délivrance.

F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
LES BOUGIES DE MARGE

C’est une histoire que j’ai entendue de Ne’hama Haber qui habite à Crown Heights. Je ne la connais pas personnellement, mais je l’ai entendue parler lors d’un congrès de femmes Loubavitch en Floride. Elle m’a permis de partager cette expérience avec vous.
La mère de Ne’hama n’allait pas bien et avait besoin d’une personne pour l’aider constamment à la maison. Ne’hama fit appel à un organisme social qui lui envoya Marge, une femme afro-américaine, gentille, efficace et bien enveloppée… Marge s’occupa de la mère de Ne’hama avec un dévouement remarquable. Elle faisait très attention à ce qu’elle puisse respecter scrupuleusement les lois et traditions juives. Par exemple, avant de lui donner à manger, elle s’assurait que les produits étaient strictement cachers. Quand elle achetait une boîte de conserves de petits pois et carottes, et qu’elle ne voyait pas de tampon rabbinique, elle descendait en toute hâte à l’épicerie cachère la plus proche pour demander si elle pouvait donner ces légumes à la mère de Ne’hama.
A un moment donné, la mère de Ne’hama dut être hospitalisée. L’organisme social affecta donc Marge à une autre personne âgée puisque le personnel de l’hôpital s’occupait évidemment de tous ses besoins. Néanmoins, quand Ne’hama rendit visite à sa mère le lendemain, Marge se trouvait déjà dans la chambre : “ Croyez-vous que j’allais laisser ces infirmières prendre soin de votre mère ? Pas question ! ” Combien Marge était dévouée pour la mère de Ne’hama !

* * *

Un an après le décès de sa mère, Ne’hama reçut la visite de Marge ; celle-ci lui raconta ce qu’elle avait fait depuis.
On l’avait affectée au service d’une autre vieille dame juive sur Coney Island Avenue. Le premier vendredi après-midi, Marge avait demandé à la vieille dame : “ Sarah, où se trouvent vos bougies ? ” Sarah répondit : “ Quelles bougies ? Pourquoi faire ? ” Elle ne comprenait pas de quoi Marge parlait. Mais Marge n’arrivait pas à croire que Sarah ne savait pas qu’elle devait allumer des bougies le vendredi avant le coucher du soleil. Marge insista : “ Vous êtes juive et je sais que les femmes juives doivent allumer les bougies le vendredi soir ! ”
Finalement Sarah admit qu’elle savait cela mais que ce n’était pas sa tasse de thé : “ Oh ! Je comprends ! Mais sachez que cela fait cinquante ans que je n’ai pas allumé de bougies ! ”
Pour Marge, ce n’était pas une réponse satisfaisante. Elle aida Sarah à retrouver des bougeoirs. Pour cela, malgré ses cent cinquante kilos, Marge monta sur un escabeau et, en fragile équilibre, elle fouilla le haut d’un placard où elle découvrit les bougeoirs, tous couverts de poussière. Elle les nettoya et les frotta jusqu’à ce qu’ils étincellent comme au premier jour. Puis elle se rendit dans un magasin juif pour acheter des bougies et se procurer un calendrier avec les horaires d’allumage. Elle rapporta le tout chez Sarah, trouva aussi une nappe blanche et aida la vieille dame à allumer les bougies, avec la bénédiction, pour la première fois depuis cinquante ans…
Sarah est décédée depuis quelques mois. Mais grâce à Marge, elle a allumé les bougies de Chabbat durant les neuf derniers mois de sa vie.

* * *

Quelle leçon! Voici une personne dévouée, qui n’était pas de la famille, qui n’était pas vraiment une amie, qui n’était pas juive mais qui a réussi à ramener Sarah à ses racines spirituelles avant son décès. Elle avait choisi d’avoir une influence positive et elle y est parvenue.
Voici ce que je vous propose : j’ai préparé soixante-dix sachets dans lesquels se trouvent deux bougies – dessous de plat avec des fascicules relatifs à l’allumage : quand et comment allumer. Chacune d’entre vous en prendra un. S’il se trouve parmi vous une femme juive ou une jeune fille juive qui n’allume pas encore les bougies de Chabbat, qu’elle les utilise ce Chabbat en l’honneur de mon amie Ronnie trop tôt disparue. Pour celles d’entre vous qui allument déjà ou qui ne sont pas juives, je vous en prie, transmettez-les à une femme juive en lui expliquant l’importance de cette Mitsva : en effet, en allumant les bougies de Chabbat, elle amènera la paix dans son foyer et dans le monde. Rappelez-leur qu’il convient d’allumer dix-huit minutes avant le coucher du soleil. Une femme mariée allume deux bougies, une petite fille et une jeune fille allument une bougie. Et n’oubliez pas : “ Si vous allumez les bougies de Chabbat, je vous montrerai les bougies de Tsion ”, dans le Temple reconstruit.

Note de l’auteur. Tous les paquets de bougies furent distribués lors de cette réunion des anciennes élèves de Ronnie, juives et non-juives, car Ronnie avait enseigné dans une école publique. Les élèves juives s’engagèrent à allumer dorénavant. Certaines élèves non-juives, parmi elles des étudiantes de grandes écoles américaines, prirent un paquet qu’elles transmirent à des amies juives. Ainsi, même après son départ de ce monde, l’âme de Ronnie (Reizel Yehoudit Bat Esther) continua d’avoir une influence positive sur des gens qui ne l’avaient même pas connue.

Miriam Wolosh
traduite par Feiga Lubecki