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Samedi, 2 janvier 2016

  • Chémot
Editorial

 L’unité : une idée nouvelle

Parfois, on a l’impression que certaines idées sont d’une évidence si ancienne que leur texture même en paraît comme usée. On n’ose plus les manier qu’avec précaution tant elles ont été énoncées. Pourtant, si elles sont anciennes et bien souvent redites, c’est aussi parce qu’elles sont incontournables, mieux parce qu’elles sont indispensables tant à l’esprit qu’au cœur. C’est pourquoi il faut ici parler encore une fois d’unité.
C’est là un terme qui, si sous brièveté, cache une profondeur – on pourrait dire un poids – littéralement extraordinaire. C’est que le peuple juif est bien divers. Lorsque l’on considère son histoire, ce caractère l’a marqué très tôt, dès le début de la diaspora. Il n’est que naturel que la culture juive soit multiforme et que des traditions belles et différentes l’animent. De plus, les évolutions du monde global n’ont pas manqué d’affecter ses membres et, aujourd’hui, les modes de vie les plus dissemblables s’y retrouvent. Certes, le judaïsme, au sens traditionnel, en est, qu’on en ait conscience ou non, toujours le fondement. Mais les choix individuels, les façons de vivre se superposent et s’entrecroisent jusqu’à finir par constituer un très large éventail d’une essentielle et indestructible judaïté. C’est dire que, lorsqu’on regarde l’autre Juif, c’est elle qui apparaît d’abord. On appelle cela « âme juive » et, au-delà des contingences, elle fait de tous les parties prenantes d’un destin commun, les acteurs d’un projet qui les dépasse et qui commença avec la création de l’univers. C’est bien d’une sorte d’unité transcendante qu’il s’agit, comme une vision plus haute de la vie.
Pourquoi souligner à présent une telle idée ? C’est que la rumeur monte, sur cette terre d’Israël qui nous est si proche, d’affrontements entre des camps opposés sur des thèmes liés au judaïsme et à la manière de le vivre ensemble. Bien sûr, chacun y aura recours à ses arguments sans appel : la fidélité à la loi juive sans compromis pour les uns, la liberté individuelle pour les autres. On ressent bien que ces grandes et également légitimes invocations ne suffisent pas à épuiser le débat. Alors, faudrait-il se résigner aux combats stériles et aux invectives mutuelles ? N’est-il pas temps de revenir... justement à l’unité. Une idée ancienne ou plutôt éternelle... Il faut savoir lui redonner sa pleine place et sa pleine puissance, à commencer par ici et maintenant, en nous-mêmes, dans nos communautés. Le peuple juif n’est jamais si grand que quand il sait être vraiment lui-même, comme une unique entité tendue vers la réalisation ultime : la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 La justesse du jugement

Isaïe (11 :4), décrivant l’œuvre de Machia’h, déclare : “Il jugera le pauvre avec justesse”. Le pauvre est ici désigné, en hébreu, par le terme “dal”. Il est celui qui ne parvient pas à se contrôler. Il sait discerner le bien et le mal mais il manque de la détermination nécessaire pour traduire cette compréhension dans la pratique quotidienne. Le mot qui le désigne, “dal”, souligne ce manque. La Torah (Lévitique 14 :21) le traduit ainsi : “Celui dont la main n’atteint pas”.
Cet homme spirituellement pauvre qui ne parvient pas à “se prendre en main” sera jugé par Machia’h, annonce le prophète. Mais ce jugement sera mené avec “justesse” car Machia’h relèvera ses circonstances atténuantes.
(d’après Likouteï Dibourim, vol. II, p. 645)

Vivre avec la Paracha

 Chemot

Résumé de la Paracha :

Devant le nombre croissant des Enfants d’Israël en Egypte, le Pharaon les soumet à l’esclavage. Puis il ordonne aux sages-femmes juives, Chifrah et Pouah, de tuer tous les nouveau-nés garçons. Devant leur désobéissance, il ordonne que tous les bébés hébreux soient jetés dans le Nil. Amram et Yo’héved, la fille de Lévi, ont un fils qu’ils déposent dans une corbeille sur le Nil. Sa sœur Miriam surveille de loin et voit que la fille du Pharaon découvre l’enfant et le prend. Elle va l’élever comme son fils et le nommer Moché.

Moché, devenu un jeune-homme, découvre les souffrances de ses frères. Voyant un Egyptien s’acharner sur un Hébreu, il le tue. Le lendemain, alors qu’il veut séparer deux Juifs qui se querellent, ces derniers le menacent de rapporter son crime. Moché fuit donc à Midyan. Il est secouru par les filles de Yitro. Il se marie avec l’une d’entre elle, Tsiporah et devient le berger de son beau-père.

Lever la main

Dans la Paracha Chemot, nous voyons Moché sermonner deux de ses frères qui se querellaient. Il dit à l’un d’eux : «Homme mauvais ! Pourquoi frapperais-tu ton frère ?».

Le verset mentionnant: «pourquoi frapperais-tu ?» plutôt que «pourquoi as-tu frapper ?», nos Sages déduisent que «si l’on ne fait que lever la main contre son voisin, quand bien même on ne l’a pas frappé, on est quand même considéré comme ‘mauvais’».

Celui qui lève la main contre autrui fait plus que le menacer de lui infliger une douleur. Il agit de façon méchante et laide. Ainsi, le fait même de lever la main est considéré comme intrinsèquement mauvais et l’homme qui l’accomplit devient lui-aussi mauvais.

A un niveau plus profond, la raison pour laquelle un tel comportement est qualifié en termes si péjoratifs est la suivante : l’homme a été créé pour «servir son Créateur», en accomplissant la Torah et les Mitsvot avec chacun de ses membres et de ses organes : la main, par exemple, renvoie à l’acte de donner. En fait, nous pouvons aller jusqu’à affirmer que le but ultime de la main est de donner avec une générosité illimitée.

Mais lorsque l’on lève la main contre autrui, on utilise ce membre de notre corps de la façon la plus avilissante qui soit et l’on pèche alors contre D.ieu tout comme contre l’homme. Car au lieu d’utiliser notre main pour agir avec bonté, on l’utilise pour le faire avec cruauté.

Cela va encore plus loin. Puisque la plupart des commandements demandent une action, c’est la main qui accomplit la plupart des Mitsvot. Quand un homme utilise sa main de manière contraire, il entre alors en contradiction totale avec le sens de sa création : «servir son Maître».

En ce qui concerne D.ieu, le péché commence dès lors que la main est levée contre autrui car elle est alors utilisée pour accomplir quelque chose qui va à l’encontre absolue de sa raison d’être.

Puisque la Torah a précédé le monde et que dans cet aspect, le péché n’existe pas, nous devons affirmer que dans chaque sujet qu’aborde la Torah, il existe également une dimension intrinsèque qui est entièrement bonne. Ainsi le fait de lever la main contre quelqu’un peut également s’expliquer sous un jour positif.

Il existe en réalité plusieurs explications : Quand quelqu’un «lève la main» dans le but par exemple de sauver la vie, on peut alors dire que cet acte est bon.

Plus encore, à la lumière de l’explication qui précède selon laquelle l’aspect négatif dans l’acte de lever la main est le fait que l’on se détourne de la raison pour laquelle elle a été créée, nous pouvons affirmer que la même chose se produit dans un contexte positif. Cela signifie que si la personne se sert de sa main pour faire quelque chose de bien, quand bien même elle se force et n’est pas naturelle, cette manière de donner va beaucoup plus loin que son inclination naturelle.

Et en agissant ainsi, elle «élève» sa main, pour ainsi dire, à un niveau spirituel plus élevé et donne à son ami plus que le strict nécessaire.

C’est ainsi que nous trouvons deux manières de pourvoir au besoin de l’autre : «donner à la personne ce dont elle manque» et «rendre riche la personne nécessiteuse».

C’est ici que se lit une leçon concrète pour notre vie : outre l’enseignement clair que nous devons prendre le plus de distance possible de toute forme de violence contre les autres, il faut aussi apprendre à lever la main, de façon positive.

Nous devons veiller aux besoins de ceux qui nous entourent et accomplir, à leur égard, des actes de bonté et de gentillesse d’une manière qui va au-delà de nos inclinations naturelles. Plus encore, nous sommes capables de le faire à tel point que nous «élevons» notre main, et tout notre être, à un niveau qui dépasse toutes les limites.

Moché et le Nil

A propos du verset «et elle le plaça dans les ronces au bord de la rivière», le Targoum explique que Yo’héved plaça la corbeille contenant Moché sur le bord du Nil plutôt que sur la rivière elle-même. Plus loin, dans la Paracha, nous lisons cependant que la fille du Pharaon l’appela Moché parce que «Je l’ai tiré de (michitihou) l’eau».

Comment concilier l’observation du Targoum selon lequel la corbeille était sur la rive avec les paroles de la princesse qui affirme avoir trouvé Moché dans la rivière ?

Le Gaon de Ragatchov explique que puisque les Egyptiens considéraient le Nil comme un dieu, Yo’hévèd était incapable de sauver Moché en le plaçant dans la rivière attendu qu’il est interdit d’utiliser un objet d’idolâtrie même pour sauver une vie. Elle le déposa donc sur le bord du fleuve. Mais une fois que la fille du Pharaon «descendit pour se laver dans le Nil», ce que nos Sages interprètent comme signifiant «se laver des idoles de son père», elle annihila ainsi le statut d’idole du fleuve «et la corbeille put arriver dans le fleuve».

Le Midrach explique que le fait que Moché fut jeté dans le fleuve annula également le décret selon lequel «tout nouveau-né garçon sera jeté dans la rivière».

Puisque tous les détails de la Torah sont précis, il nous faut comprendre que l’annulation de l’idolâtrie tout comme l’annulation du décret sont liés à Moché, le Sauveur d’Israël.

Quel est le lien ?

Le décret du Pharaon ordonnant que les garçons soient jetés dans le Nil, la divinité de l’Egypte, avait pour intention de faire «couler» le Peuple juif dans l’idolâtrie de l’Egypte.

Les Egyptiens déifiaient le Nil car c’était la source naturelle de leur subsistance. En effet, l’Egypte est un pays aride et les cultures dépendent des crues du Nil pour irriguer les champs.

Quand on dépend de la pluie, tous lèvent les yeux vers le Ciel, et l’on ressent alors que son existence dépend de D.ieu. Mais lorsqu’une rivière irrigue le pays, on n’est pas conscient de dépendre du Tout-Puissant.

L’intention du Pharaon était donc que les Juifs s’attachent également aux forces de la nature.

Ce décret ne pouvait être efficace sur le Peuple juif qu’après leur arrivée en Egypte. Tant qu’ils étaient en Erets Israël, une terre où l’on voit et sent combien le Providence Divine est responsable du plus petit des détails, il est impossible de tomber dans le piège du Pharaon.

Et plus encore, tant qu’existent quelques Juifs qui se rappellent la vie en Erets Israël, la nation est incapable de faire de la nature un dieu.

Ce n’est qu’après que «Yossef et ses frères et toute cette génération furent morts», et qu’il ne resta plus personne qui avait vécu en Erets Israël, que la descente en Egypte fut complète et que le Pharaon put lancer son décret.

Moché fut celui qui en sauva les Juifs car il obtint, même de ceux qui n’avaient aucune connaissance de la Divinité manifestée en Israël, une foi en D.ieu qui imprégna chacun de leurs actes et chacune de leurs actions. Ils reconnurent D.ieu dans toutes les choses «naturelles» qu’ils accomplissaient.

L’anéantissement de la divinité du Nil et du décret sont donc unis car le décret de «jeter dans le Nil» est lié au fait que le Nil était un dieu égyptien.

La naissance-même de Moché donna au Peuple juif la force de se battre contre l’idolâtrie. Et bien évidemment, le décret fut annulé.

Le Coin de la Halacha

 Quelques conseils sur l’éducation selon le Rabbi

- Le professeur doit bien préparer son cours. Afin d’obtenir la discipline, il est essentiel de préparer des cours intéressants, en détails afin que chaque élève y trouve quelque chose qui le concerne. Poser des questions fait partie de l’arsenal qui permet de tester les connaissances de l’élève et développer ses aptitudes. Ainsi, chaque élève s’impliquera dans le cours et n’aura pas le temps de se dissiper et de perturber le reste de la classe. Pour résumer : préparer le cours bénéficie aussi bien au professeur qu’aux élèves.
- Si les élèves ne se conduisent pas correctement, le professeur doit examiner son attitude qui est peut-être en cause afin d’améliorer la discipline et de rendre le cours plus intéressant.
- Le professeur doit respecter les horaires ; s’il arrive en retard et n’accorde pas de valeur au temps, il envoie un très mauvais message à ses élèves. De plus, les élèves n’apprécient pas un professeur qui méprise leur temps : ils ne devraient pas avoir une minute sans travail. Même quand le professeur est occupé avec un travail technique, il doit veiller à occuper les élèves. D’ailleurs, même quand le professeur est occupé de son côté (par exemple quand il écrit sur le tableau), il doit continuer à surveiller d’un œil les élèves.
- Le professeur doit rester calme et s’habituer à parler d’une voix normale, pas trop fort. Celui qui est nerveux et crie entraîne ses élèves à devenir nerveux et à crier. Celui qui reste calme pourra, s’il le faut, de temps en temps, élever le ton quand c’est nécessaire pour instiller la crainte chez ses élèves.
- Le professeur doit adopter le principe talmudique : «la gauche qui repousse et la droite qui rapproche». Il ne doit pas trop faire rire ses élèves – ce qui peut affecter la discipline de la classe – mais se contenter, de temps en temps, d’une légère plaisanterie. Il doit aimer ses élèves et les aider mais garder son autorité et rester respectable à tout instant.

Rav Yitzchok Usphol - Perspectives

Le Recit de la Semaine

 Elle regardait par la fenêtre

Une petite fille. Agée de cinq ans. Elle regarde par la fenêtre et observe ce qui se passe dans la rue.
Soudain elle aperçoit quelqu’un d’étrange : sur le trottoir marche un homme d’âge mûr, avec une longue barbe poivre et sel ; sur sa tête, un chapeau bizarre, large, orné de fourrure qui lui donne un air majestueux.
Cette apparition surprenante éveille sa curiosité. Sarah se dépêche d’appeler son père, Mi’haï, pour qu’il vienne lui aussi constater les faits :
- Papa ! Qui est cet homme ? De quelle nationalité est-il ? Comme il est étonnant !
Il faut préciser que la petite Sarah vivait à l’époque à Bucarest, la capitale de la Roumanie. On était dans les années cinquante, quand le gouvernement de la Roumanie était un des plus durs de l’Europe de l’est communiste. Toute religion y était sévèrement contrôlée et le judaïsme encore davantage que les autres.
Le père de Sarah s’approche de la fenêtre, regarde l’homme qui marchait sur le trottoir et exprime lui aussi son étonnement. Sarah le regarde incrédule : elle comprend que son père est sous le coup d’une violente émotion car il suit du regard la silhouette et hésite quant à la réponse à donner à sa fillette : cela fait si longtemps qu’il n’a pas vu un Juif barbu, coiffé d’un Shtreimel !
- Demain je t’expliquerai ! finit-il par balbutier tout en sortant de la pièce en réfléchissant quelle réponse sera à même de satisfaire la curiosité de sa fille.
Dans son cœur, il a déjà décidé qu’il était temps de révéler à sa fille qu’il était juif et elle aussi. La tyrannie communiste en place à Bucarest terrorise les Juifs à peine rescapés du nazisme : les synagogues et écoles juives ont été fermées et le système éducatif a banni toute référence à D.ieu et Sa Torah.
Cependant, dans les villages, à la campagne, la dictature est moins forte et il est encore possible de maintenir un judaïsme rudimentaire – pas comme à Bucarest où règne une police secrète à l’affut de tous les citoyens qui osent bouger, à l’image du terrible KGB soviétique. Mi’haï qui est un ingénieur haut placé sait combien il doit se montrer vigilant et ne doit manifester aucune faiblesse dans sa fidélité au gouvernement : s’il s’avisait de relever la tête, d’exprimer une opinion différente de celle du gouvernement, il risque non seulement de perdre son travail mais aussi d’être jeté en prison et causer à sa famille de vivre dans la pauvreté et l’infamie.
Cependant, Mi’haï décide d’agir. Il emmène sa petite Sarah se promener dans les rues de Bucarest. Ses pas le mènent vers le cimetière juif de la ville. Comme errant parmi les tombes, il s’arrête devant celles de Barou’h et Sarah Laurer :
- C’est ici que sont enterrés tes grands-parents, déclare-t-il à voix basse à sa fillette.
Il prend une profonde inspiration et continue en chuchotant :
- Ils étaient juifs... et l’homme étrange, à la longue barbe et au chapeau de fourrure que tu as aperçu hier l’est aussi. C’est un Juif pratiquant. Le chapeau qu’il portait s’appelle un «Shtreimel», c’est la façon de s’habiller traditionnelle chez les ‘Hassidim. Oui Sarah, toi aussi, tu es juive et tu dois toujours t’en souvenir !
Sarah hoche la tête. Elle ne comprend pas vraiment ce que cela signifie ou implique et elle est bouleversée. Jamais son père ne lui avait parlé de façon aussi sérieuse, comme si elle était déjà une adulte à qui on peut révéler un tel secret qu’elle ne doit surtout pas divulguer autour d’elle. De sa poche, Mi’haï sort une chaînette avec en médaillon en or ; de fait, c’est une Maguen David, l’étoile de David à six branches, le symbole du judaïsme. Devant les tombes, Mi’haï apprend à sa fille à répéter avec lui les mots du Chema Israël...
Les années passèrent, Sarah grandit et s’installa en Israël. Jamais elle n’oublia ces instants dramatiques où son père, Mi’haël Binyamine Hershkovitz, lui révéla qu’elle était juive. Elle se souvenait aussi du Juif au Shtreimel qui marchait fièrement dans les rues de Bucarest, faisant fi de toutes les menaces du gouvernement communiste.
Elle raconta cela à ses enfants. Son fils Mi’haël Binyamine (qui porte le nom de son père décédé depuis longtemps) s’était souvent demandé qui avait pu être ce Juif au Shtreimel mais sa mère n’avait pas pu le renseigner. Peut-être, disait-elle, s’était-il agi d’un touriste ou d’un habitant de la campagne roumaine...
Il y a un an, le fils raconta son histoire à son ami, Avraham Morde’haï Weinstock qui la publia dans le journal Hamevasser.
Il y a un mois, alors qu’il achevait sa prière du soir dans la synagogue de Beth Shemesh, un jeune homme s’approcha de lui :
- C’est bien vous qui avez publié l’histoire de la petite fille qui regardait par la fenêtre et aperçut un homme coiffé d’un Shtreimel ?
- Oui, répondit Avraham Morde’haï Weinstock, surpris.
- Il me semble qu’il s’agit de mon grand-père ! affirma le jeune homme.
Et il raconta que son grand-père, Rabbi Morde’haï Frankel avait été le Rabbi de Botouchtane et habitait à l’époque à Bucarest. Jusqu’à sa montée en Israël en 1960, il avait tenu tête au gouvernement roumain et avait continué à évoluer avec son Shtreimel sur la tête : cette attitude lui avait causé beaucoup d’ennuis, on l’avait agressé, on l’avait poursuivi, on l’avait traité de tous les noms mais il n’avait jamais imaginé un seul instant enlever ce chapeau qui était sa fierté et il affirmait devant ses proches : «Qui sait ? Peut-être un Juif me voit par la fenêtre et cela éveillera en lui un sentiment d’appartenance au peuple juif...»
Il avait eu raison.
Rav Mi’haël Binyamine Avichi, le fils de Sarah, est maintenant un émissaire du Rabbi de Loubavitch à Djaprodza en Ukraine. Chabbat, il marche une bonne heure depuis sa maison vers la synagogue et tient à le faire en étant enveloppé d’un Talit, le châle de prière traditionnel. Il est persuadé que «peut-être un Juif me regarde par la fenêtre et cela éveille en lui un sentiment d’appartenance au peuple juif...».
Les passants le regardent bizarrement mais il n’en a cure : il veut que son fils le voit comme d’autres enfants juifs voient leur père marcher fièrement dans d’autres endroits du monde.
Qui sait combien d’enfants juifs le regardent eux aussi par la fenêtre ?

Levi Shaikevitz – Sichat Hachavoua N° 1511
Traduit par Feiga Lubecki