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Semaine 24

  • Nasso
Editorial
Un monde neuf

Nous n’en avons peut-être pas pris immédiatement conscience. Lorsque nous sommes sortis de la fête de Chavouot, après avoir une nouvelle fois reçu la Torah avec toute la solennité requise, nous nous sommes retrouvés, comme trop souvent, hâpés par la tumulte du monde, les soucis du quotidien et cette routine nous a rapidement entraînés, nous faisant reprendre nos habitudes avec une constance jamais démentie. Pris par cet engrenage, peut-être avons-nous oublié de regarder autour de nous. Peut-être n’avons-nous pas eu le temps de remarquer que c’est un monde neuf qui s’est levé devant nos yeux. Ses couleurs sont plus vives, ses lignes de structure n’ont pas encore été usées par le passage du temps ou le regard des hommes. Il se tient simplement là, dans sa perfection nouvelle, prêt à nous accueillir.
C’est que nous entrons à présent dans l’après-Chavouot. Celui-ci nous a permis de recevoir la Torah de nouveau a-t-on dit. C’est là bien plus qu’une figure de style. Nous avons, en ce jour, renouvelé notre lien avec D.ieu. Nous avons accepté ce don merveilleux: une Loi-Sagesse Divine, fondement de la civilisation des hommes, guide vers un autre plan de la conscience. A travers notre acception, le monde tout entier s’est trouvé doté d’un sens nouveau. Il a comme fait silence devant l’irruption de l’Absolu en son sein. Aussi n’est-il pas resté le même. Certes, l’illusion des sens peut encore se maintenir. Elle peut nous faire croire que seul le superficiel compte et que, si nos yeux ne constatent pas de changements manifestes, c’est que rien de nouveau n’est apparu sous le soleil. Nous savons, quant à nous, que le changement a été radical et que, si tout paraît avoir gardé sa place, c’est bien que justement tout est différent. “Rien de nouveau sous le soleil” a-t-on dit ? Mais les Sages savent de longtemps que c’est bien “au-delà du soleil” que le problème se pose.
A monde neuf, il faut des yeux neufs, des hommes neufs pour une vie nouvelle. C’est à chacun de choisir ce nouveau chemin. Il est celui de tous les possibles et nous conduit jusqu’au moment où la lumière est plus belle, plus grande et plus libre : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
La révélation au Sinaï et la venue de Machia’h

Lorsque le Machia’h viendra, le monde parviendra à un degré de purification et de raffinement absolus. C’est pourquoi la révélation qui en résultera sera éternelle. Ainsi est-il annoncé (Zakharie 13: 2): “je chasserai l’esprit d’impureté de la terre”.
La révélation au Sinaï, au contraire, bien qu’elle ait donné un avant-goût de la révélation future, n’amena le peuple qu’au degré où “leur impureté s’interrompit” (traité du Talmud Chabbat 146a). Toutefois, cette impureté eut le pouvoir de revenir, notamment après la faute du veau d’or (Zohar II, 52b). En effet, l’élévation du monde n’était alors due qu’au don d’en-Haut, aussi elle pouvait s’effacer.
C’est précisément cette insuffisance que la venue de Machia’h comblera.

(d'après Likouteï Si’hot, vol XI, p. 10) H.N.
Vivre avec la Paracha
Nasso : se cacher de D.ieu

La Parachat Nasso discute de la loi de la Sotta : lorsqu’un époux avertit sa femme de ne pas s’isoler avec un certain homme et qu’elle ne tient pas compte de ses propos, alors, même si elle n’a pas commis de faute avec cet homme, le fait même qu’elle se soit isolée avec lui, lui confère le statut de Sotta : une “ femme qui s’est éloignée du chemin de la pudeur ”.
La relation entre un mari et sa femme est, dans ce monde, analogue à la relation qui unit le Tout-Puissant et le Peuple Juif, qui sont considérés comme “mari et femme”.
Ainsi toutes les lois de la Sotta s’appliquent-elles à la relation entre D.ieu et le Peuple Juif.
L’ “avertissement” de D.ieu au Peuple Juif se lit dans le commandement: “tu n’auras pas d’autres D.ieu devant Moi”. Ces mots sont similaires au commandement “ ne te cache pas avec un autre homme ”.
Mais comment D.ieu peut-Il avertir une personne de ne pas se cacher alors qu’Il est omniprésent: “il n’existe aucun endroit vide de Lui” ? Où qu’un homme se cache, il est toujours perceptible à D.ieu. Comme le dit le verset: “Si l’homme se cache dans un endroit secret, ne le verrai-Je pas ?”
Comment donc le Peuple Juif pourrait-il se cacher de D.ieu ?
Nous trouvons qu’à propos d’un individu prétentieux D.ieu dit: “Lui et Moi ne pouvons résider ensemble”. L’orgueil contredit la Divinité, et D.ieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, ne se retrouve pas en un individu orgueilleux et donc ne le voit pas. C’est ainsi qu’un homme orgueilleux est capable de se “cacher” de D.ieu.
La Guemara enseigne que, même après que l’époux ait averti sa femme de ne pas se cacher avec un certain individu, il peut encore se rétracter et c’est alors comme si l’avertissement n’avait jamais été émis. La Guemara conclut que cela ne s’applique que si l’avertissement est suspendu avant que la femme ne se soit cachée. Une fois qu’elle s’est isolée avec cet homme, le mari ne peut revenir sur son avertissement.
La raison en est la suivante : tant que la femme ne s’est pas dissimulée, la seule chose qui existe est l’avertissement du mari. Puisqu’une personne est maîtresse de ses avertissements, elle est capable de se rétracter à volonté. Mais une fois que la femme s’est cachée, quelque chose a transpiré qui ne dépend plus du mari. Il ne peut donc reprendre ses paroles.
Toutefois, dans le Talmud de Jérusalem, nous lisons que tant qu’un parchemin spécialement écrit pour la femme Sotta n’a pas été effacé, le mari peut toujours revenir sur son interdiction, même si son épouse s’est cachée.
Devons-nous en conclure qu’il y a un désaccord entre le Talmud de Babylone et le Talmud de Jérusalem?
Le Gaon de Ragatchov explique qu’il n’y a là aucun sujet de désaccord. Car le Talmud de Jérusalem parle d’un exemple où la “dissimulation” n’existe qu’à cause de l’avertissement du mari. Par exemple, le mari pourrait demander à sa femme de ne pas se cacher avec son père ou avec cent hommes !
Dans de telles circonstances, sans les paroles du mari, le fait de se cacher n’aurait aucune base. C’est pourquoi, lorsqu’il enlève son objection, le fait de se dissimuler devient vide et nul.
Il en va de même en ce qui concerne D.ieu et le Peuple Juif. Puisqu’il n’existe aucun endroit où D.ieu ne soit présent, il s’ensuit qu’on ne peut jamais trouver un cas de réelle dissimulation. Le fait de “se cacher” ne vient que du fait que D.ieu trouve l’orgueil détestable. Puisque la dissimulation émane de Lui, il s’ensuit qu’Il peut donc annuler son avertissement même après l’acte lui-même.
Mais cela n’est vrai que tant que le parchemin n’a pas été effacé, c’est-à-dire, tant que la personne fait toujours un avec le rouleau de la Torah. Si néanmoins lui et la Torah sont devenus entièrement étrangers, l’individu est régi par les lois de la Sotta et doit apporter une offrande d’orge, nourriture habituellement réservée aux animaux.
Dans un sens spirituel, cela signifie que le pécheur doit raffiner ses traits animaux et tout particulièrement ceux qui le mènent à l’arrogance. Il atteindra alors l’humilité, la qualité qui lui permettra à nouveau de résider avec D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Quel est le rôle du rabbin dans un mariage juif ?

Pour qu’une cérémonie de mariage soit valide, il n’est pas nécessaire que le rabbin ait une belle voix pour chanter les bénédictions ou une bonne diction pour prononcer le discours. Le rabbin est là pour garantir que les détails “techniques” sont en accord avec la Hala’ha et que les futurs mariés sont conscients de leurs nouvelles responsabilités. Pour cela, il les encouragera à suivre des cours, en particulier de pureté familiale, auprès de personnes compétentes.
Les personnes les plus importantes sont les deux témoins : ceux-ci doivent être des hommes pratiquant les lois de la Torah et ils ne doivent pas avoir des liens de famille entre eux ou avec les mariés.
Le rabbin doit aussi s’assurer, avant de permettre le mariage, que les futurs mariés ont le droit de se marier (qu’ils ne sont pas interdits l’un à l’autre, par exemple un Cohen avec une femme divorcée ou deux membres d’une même famille, qu’ils ne sont pas mariés par ailleurs, même s’ils ont divorcé civilement etc…); que la bague que le marié offre à sa femme a bien été achetée par lui (et non pas empruntée etc…). Le rabbin doit savoir rédiger correctement les noms, la date et le lieu du mariage dans la Ketouba (le document écrit qui atteste de la validité du mariage).
Le rabbin doit s’assurer que la cérémonie est suivie immédiatement du Yi’houd (un moment où les mariés peuvent s’isoler dans une pièce fermée à clé). Ceci n’est pas obligatoire dans les communautés séfarades.

F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
D’une guerre à l’autre: les Téfilines…

En 1948, pendant la guerre d’indépendance, durant neuf longs mois, nous avons été détenus par les Jordaniens dans un camp au cœur du désert, Oum Jamal, sur la frontière jordano-irakienne. Nous étions un groupe de soldats et d’officiers israéliens de la division “Mirmach” qui avions pris part aux combats pour Jérusalem. Nous avons beaucoup souffert durant cette détention, mais il m’y est arrivé une histoire incroyable qui, d’ailleurs, ne s’est terminée que dix-neuf ans plus tard…
Tout a commencé un jour où je m’étais rendu à l’infirmerie pour un soin quelconque. Soudain un officier jordanien s’est approché de moi et m’a dit : “ Je te connais ! ” Surpris, je l’ai regardé, mais n’ai rien dit. Dans ce genre de situations, il vaut mieux se taire car qui sait ce qu’il préparait… Mais il continua : “ Tu viens de Kfar Etsione ! ”. Je continuai de me taire.
“Tu t’es battu dans le monastère russe !” Je ne répondis pas.
“D’ailleurs tu t’es bien battu !”
A ce stade de la conversation, je ne pus plus me retenir et je lui demandai d’où il connaissait tous ces détails.
“Mais bien sûr ! Je me souviens de toi puisque j’ai combattu contre toi !”
Comment pouvait-il se souvenir de moi durant la bataille ? Mais il était sérieux. Il se mit à fouiller dans son sac et en retira une photo: j’y apparaissais en tenue de combat, en compagnie de quelques camarades, à Sodome où nous nous trouvions avant que nous n’ayons tenté de protéger Gouch Etsione.
D’où tenait-il cette photo ?
“Ton sac personnel est resté dans le monastère russe, expliqua-t-il, et c’est moi qui l’ai trouvé. Dans ce sac, j’ai trouvé cette photo et j’ai décidé de la prendre: peut-être un jour rencontrerai-je l’un des personnages figurant dessus pour la lui rendre. Quand je t’ai aperçu dans le camp, j’ai remarqué que tu ressemblais à l’un d’eux et j’ai donc décidé de te rendre la photo ! Voilà, elle t’appartient dorénavant !”
Je l’ai remercié. Puis une idée fulgurante, folle, me traversa l’esprit. “Je vous en prie, insistai-je, dans le sac que j’ai été obligé d’abandonner dans le monastère se trouvaient aussi mes Téfilines !”
“C’est quoi ?” demanda-t-il, étonné. Il ignorait ce qu’étaient des Téfilines et je ne voulais pas me lancer dans une description compliquée de cet objet de culte que j’avais reçu pour ma Bar Mitsva, à l’âge de treize ans. Je lui montrai donc un de mes camarades qui était justement en train de prier avec les Téfilines sur la tête et le bras gauche.
“Pas de problème, répondit l’officier jordanien; je te les rendrai la prochaine fois”.
Mais il n’est pas revenu au camp de prisonniers ou, en tous cas, il ne m’a pas rapporté mes Téfilines.
Les années ont passé.
Lors de la guerre des Six Jours, en 1967, donc dix-neuf ans après la Guerre d’Indépendance, Tsahal libéra le village de Nabou Samuel. Les agents de renseignements du Mossad fouillèrent les maisons arabes à la recherche de papiers importants.
Dans un tiroir, ils trouvèrent un sac contenant des Téfilines ; il portait mon nom brodé avec la date de ma Bar Mitsva. Ils étaient persuadés que le sac appartenait à un des soldats tombés à l’époque lors des combats. Par chance, un de mes amis entra justement à ce moment dans la pièce et, en apercevant le sac de Téfilines, s’écria: “Yts’hak Kop ! Je le connais ! Il est vivant !”
Quelques jours plus tard, il profita d’une courte permission pour me rendre visite avant même de rentrer chez lui. Quand il me montra le sac de Téfilines, je le saisis avec émotion et n’arrêtai pas de l’embrasser. Je ne peux décrire ma joie de retrouver enfin mes Téfilines après presque vingt ans, ces Téfilines qui me rappelaient aussi tous mes camarades qui n’étaient pas revenus…
Il s’avéra qu’à la fin de la guerre d’Indépendance, l’officier jordanien s’était installé dans un village proche de Nabou Samuel et avait gardé le sac de Téfilines, en souvenir des combats qu’il avait menés dans le Gouch Etsione.

L’histoire de mes Téfilines fut rapportée dans de nombreux journaux israéliens.

Yts’hak Kop
traduit par Feiga Lubecki