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Samedi, 1er mars 2014

  • Pekoudeï
Editorial

 Toute une vie

La vie est un concept à la fois d’une évidente simplicité et d’une complexité profonde. Elle est ainsi un don merveilleux qui s’impose à chacun sans que nul ne songe à le refuser, sauf dérèglement particulier. Pour cette raison, il n’est guère possible d’en estimer la valeur ou le prix. Elle ne peut faire l’objet de quelque négociation que ce soit. Elle est l’apanage de la créature qui la détient comme un dépôt incessible et précieux car, lorsque, en son temps, l’existence parvient à son terme, la vie trouve alors son aboutissement, moins au sens de fin qu’à celui de sommet. En d’autres termes, toute vie a un sens qu’aucune autre ne peut assumer. Toute vie porte en elle pouvoir et puissance qu’il appartient à celui qui la détient d’exprimer au mieux. Parfois, ses méandres, les épreuves qu’elle connaît paraissent peu compréhensibles à l’homme, peut-être simplement parce que son essence le dépasse.

Dans un tel cadre, est-il possible de légiférer sur ce qu’elle est ou ce qu’elle doit être, sa qualité ou son insuffisance ? Est-il envisageable de décider d’y renoncer, éventuellement avec une aide extérieure, voire d’établir des règles dites objectives qui diront quand une telle action cesse d’être répréhensible ? Quand, dans une société, la réponse devient positive, ou paraît pouvoir le devenir, quand des voix s’élèvent pour réclamer une telle évolution, n’est-ce pas une part de ce qui fait l’homme que l’on choisit de perdre ? De fait, le respect de la vie, le souci de sa préservation caractérisent la civilisation. Ainsi, lorsque l’on chassa le sacrifice humain de la vision générale des choses, c’est d’une progression infinie sur l’échelle des valeurs qu’il s’agit. N’y a-t-il pas dans l’histoire de D.ieu retenant le bras d’Abraham pour qu’il ne sacrifie pas son fils Isaac comme un fondement posé à l’histoire des hommes ? Il est vrai que, malgré cela, certains peuples continuèrent de tels rires barbares sous une forme ou une autre.

Mais on pouvait croire que tout cela était du passé, qu’enfin ces âges sombres étaient terminés. Voici que, au nom d’une certaine forme d’adoration de soi – qu’on qualifiera de liberté de choix, de décision individuelle etc. – certains entreprennent de revenir sur les acquis des siècles, sapant ainsi ce qui fait l’humain en l’homme. Et si tout cela était d’abord une affaire de norme ? Quand la loi n’est plus que l’expression d’un désir social, par nature changeant, et écarte toute référence à ce qui dépasse le contingent pour s’attacher à l’essentiel, même de tels choix entrent dans l’ordre du possible. Finalement, l’homme n’est vraiment lui-même que lorsque, conscient de son Créateur, il sait à quelle morale il lui est indispensable de se rattacher. Alors il n’est plus le jouet de ses désirs mais bien l’acteur d’une vie qui, toujours, fait sens.

Etincelles de Machiah

 Juste un petit moment

Faisant référence à la venue de Machia’h, D.ieu annonce (Isaïe 24:7): “Pour un petit moment, Je t’ai abandonné mais avec une grande miséricorde Je te rassemblerai”. Le rapport établi par ce verset entre “le petit moment” d’abandon et la “grande miséricorde” doit être analysé plus attentivement.

De fait, le message est important. Ce texte signifie que, lorsque Machia’h viendra, et que la miséricorde divine sera manifeste, chacun verra que la durée totale de l’exil n’aura finalement été qu’un “petit moment”.

(d’après Séfer Hamaamarim 5700, p. 10)

Vivre avec la Paracha

 Pekoudé

Un grand Rabbi polonais avait un petit-fils très malade. Son fils fit venir les médecins les plus compétents mais ils établirent tous le même pronostic. La médecine traditionnelle ne possédait aucun moyen de le guérir. A moins d’un miracle, le cas était désespéré.

Le père supplia le Rabbi de prier pour son petit-fils mais le Rabbi ne répondit pas. Devant les supplications déchirantes, il ne faisait que détourner son visage.

Une nuit, la situation de l’enfant s’aggrava dramatiquement. Il semblait qu’il ne lui restait que quelques instants à vivre. Son père réveilla le frère de l’enfant et lui demanda de se rendre chez le grand-père et lui demander de prier. «Peut-être que les supplications de son frère infléchiront mon père», pensait-t-il.

L’enfant se dirigea vers la chambre de son grand-père et frappa à sa porte.

- Moché, que fais-tu réveillé à cette heure, demanda-t-il à son petit-fils.

- Je viens t’apporter de bonnes nouvelles, grand-père. Mon frère va mieux.

- Je suis très heureux de l’apprendre. Car d’après les dernières nouvelles, tout le monde était si désespéré que je ne savais que faire.

- Mais, grand-père, bien qu’il aille mieux, il est encore très malade. Peux-tu prier pour lui ?

Le grand-père accepta joyeusement et ses prières furent exaucées, l’état de l’enfant s’améliora.

Au matin, sa famille lui relata tous les faits. «Moché a compris, expliqua-t-il, que tant que l’on m’annonçait des nouvelles tragiques, mon angoisse m’empêchait de prier. Mais quand il m’a dit que l’enfant se portait mieux, mon cœur s’est ouvert et j’ai pu supplier D.ieu. »

On lit la Paracha de cette semaine au cours du mois d’Adar, un mois qui se distingue par le bonheur et la joie. Comme cela est souligné dans cette histoire, la joie ouvre le cœur et permet à l’homme de devenir réceptif à la Divinité.

Pekoudé, la Paracha de cette semaine, conclut le récit de la construction du Sanctuaire. Quand les Juifs eurent achevé la fabrication de tous les ustensiles et des objets nécessaires, ils les apportèrent à Moché. D.ieu ordonna alors à Moché d’ériger le Sanctuaire, ce qu’il fit en personne, construisant l’édifice selon les instructions de D.ieu.

Pourquoi était-ce Moché lui même qui devait  construire le Sanctuaire ? Parce que c’était lui à qui avait été accordée la vision du Sanctuaire, sur le mont Sinaï. Il l’avait vu comme il existait dans les royaumes spirituels et cela lui avait donné le potentiel de bâtir une structure équivalente, ici, sur terre. Le but du Sanctuaire était, en effet, de refléter la réalité spirituelle des Cieux au sein même de notre existence matérielle, de donner à l’homme un goût de cette réalité sublime qui dépasse le cadre des limites du monde physique.

C’est pour cela que Moché devait en être l’artisan, Moché un homme dont le niveau surpassait la norme. Il passa quarante jours et quarante nuits sur le mont Sinaï, sans boire ni manger. Pour lui, la réalité spirituelle était aussi significative et aussi présente qu’une expérience quotidienne, et peut-être même plus.

Cependant, cela soulève une question. Bien que ce fût Moché qui érigea le Sanctuaire, il ne participa à rien d’autre dans sa construction. Tous les ustensiles furent fabriqués par d’autres. Il transmit les ordres et enseigna la manière de construire le Sanctuaire mais il ne procéda en rien au travail à proprement parler. Pourquoi ? S’il était censé le construire, pourquoi en délégua-t-il la responsabilité ?

En fait, nous apprenons ici une leçon unique concernant les qualités du dirigeant. Un dirigeant marche sur une corde raide. Bien sûr, il ne doit pas simplement prendre un recul confortable et donner des ordres comme un propriétaire absent qui délèguerait le travail à ses employés. Mais par ailleurs, le but n’est pas qu’il fasse tout lui-même. Il doit au contraire partager sa mission avec ses hommes, ne leur donnant pas seulement un lointain aperçu du but à atteindre mais jouant un rôle actif dans sa réalisation. Quant à eux, il ne faut pas simplement qu’ils l’acclament pour ses réalisations ou exécutent ses ordres comme des robots. Mais ils doivent intérioriser son message et apprendre à partager sa motivation profonde. Car l’élément fondamental du leadership est l’aptitude à donner aux hommes une mission qui les élève au-delà de leur compréhension ordinaire et imprègne leur vie de signification et de perspective.

Telle était l’intention de Moché en impliquant les Juifs dans la construction du Sanctuaire : leur donner l’occasion de partager sa compréhension et de prendre une part active dans le projet de faire du monde une demeure pour la Présence Divine. Quand Il commanda à Moché de construire le Sanctuaire, D.ieu déclara : «Faites-moi un Sanctuaire et Je résiderai à l’intérieur». Le terme hébraïque pour «à l’intérieur» est exprimé au pluriel, impliquant que le but n’était pas que la Présence Divine réside à l’intérieur du Sanctuaire mais à l’intérieur de chacun des membres du peuple juif. En prenant part à la construction, les Juifs purent intérioriser cette finalité et en faire une partie intégrante de leur être profond.

La leçon

Une même approche s’applique à Machia’h et à l’Ere de la Rédemption. La Rédemption élèvera le peuple juif à un degré de conscience supérieur à celui auquel il pourrait parvenir seul. Non seulement sera-t-il le témoin de révélations divines spectaculaires, mais il en intégrera la compréhension. C’est la raison pour laquelle Machia’h sera à la fois un roi et un maître. Tout comme un roi est un monarque absolu, régnant au-dessus de son peuple, Machia’h révélera la Divinité dans sa transcendance, au-delà de la compréhension du peuple. Mais il sera aussi un maître et guidera le peuple au point où il comprendra cette révélation transcendante et l’intégrera si bien qu’elle deviendra une partie de sa connaissance consciente de la réalité.

De telles idées s’appliquent à la préparation de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent à la venue de Machia’h. Il ne suffit pas de la considérer comme un but abstrait, une destination vers laquelle nous aspirons à nous diriger. Il faut plutôt que ce dessein devienne une partie de nous-mêmes, que nous l’intégrions dans le processus de notre pensée. C’est en augmentant le nombre de personnes vivant de manière à anticiper la venue de Machia’h que le monde sera prêt pour la Rédemption.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que les « quatre Parachiot » ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une «Paracha» supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.

• La première s’appelle «Chekalim». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 – 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat 1er mars 2014). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :

- un pour la Sidra de la Semaine : Pekoudé (sept montées)

- un pour la Paracha Chekalim (un appelé qui lira aussi la Haftara tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12. 1 à 17 pour les Achkenazim).

La seconde s’appelle Za’hor et rappelle la nécessité de se souvenir d’Amalek. Elle est lue le Chabbat précédant Pourim, cette année Chabbat Tsav, le 15 mars 2014.

La troisième s’appelle Para et rappelle la nécessité de se purifier avant la fête de Pessa’h. Elle est lue Chabbat Chemini, 22 mars 2014.

La quatrième s’appelle Ha’hodech et rappelle l’importance du mois de Nissan et le sacrifice pascal. Elle est lue le Chabbat Tazria, le 29 mars 2014.

Le Recit de la Semaine

 La vie sur Mars

En 1960, je commençai à travailler pour la NASA dans le programme chargé d’étudier les conséquences épidémiologiques de la vie éventuelle sur Mars. Le Rabbi se montrait très, très intéressé par le travail que j’effectuais. Quand je le rencontrai la première fois, il me demanda si je connaissais la signification du concept «Providence Divine» tel que l’expliquait le Baal Chem Tov, le fondateur du mouvement ‘hassidique au 18ème siècle.

Je répondis que je connaissais cette notion : rien de ce qu’un Juif voit ou entend n’est en vain ; tout est prévu par D.ieu afin de vous rapprocher de la Torah et de D.ieu. Rien n’est inutile. Le Rabbi ajouta : «Si ceci est vrai pour n’importe qui, ce l’est encore davantage pour celui qui explore la stratosphère ou qui recherche la vie sur Mars ou qui travaille dans un laboratoire pour surveiller les épidémies ou qui voyage dans le monde entier et rencontre tant de gens. Vous avez certainement une foule d’anecdotes qui toutes démontrent la Providence Divine. Vous devriez garder un journal de toutes ces histoires et événements pour les analyser par la suite et voir quelles leçons en tirer. Et si vous n’y parvenez pas tout seul, apportez-les-moi et je vous aiderai ! »

Je suivis son conseil. Et, aujourd’hui, je dispose d’un journal avec des centaines d’histoires que j’espère un jour diffuser largement.

A l’époque – on était au début des années 70 – quand on apprit que je travaillais avec la NASA et que je recherchais des traces de vie sur Mars, certains Juifs pratiquants me le reprochèrent : «C’est contraire à la Torah !». J’avais déjà commencé à me rapprocher du judaïsme et leurs remarques me troublèrent : peut-être devais-je arrêter ces recherches… J’en parlais au Rabbi qui réfléchit et répondit : «Vous devez chercher la vie sur Mars et continuer de chercher la vie sur Mars. Si vous ne trouvez pas, alors cherchez ailleurs et ne cessez pas de chercher parce qu’être assis dans ce monde et prétendre qu’il n’existe pas de vie ailleurs signifie poser des limites à ce que D.ieu peut faire. Et personne ne peut faire cela !». Il me demanda ensuite s’il pouvait lire certains de mes rapports à la NASA tout en ajoutant : «S’ils ne sont pas classés Secret Défense !». Je déclarai que je pouvais lui transmettre de nombreux documents déclassifiés mais m’étonnai : «Pourquoi le Rabbi voudrait-il lire tout cela ? Je veux dire, ce ne sont que des préliminaires, nous n’avons pas encore été sur Mars. Nous n’établissons que des projections pour un voyage sur Mars et ce n’est que de la simple bactériologie, ce n’est pas très intéressant…». Le Rabbi répondit : «Laissez-moi décider !».

Je promis mais, au bout de quelques mois, je n’avais toujours rien envoyé au Rabbi. Un jour, alors que je me trouvais à New York, j’en profitai pour prier Min’ha dans la synagogue du Rabbi. Le Rabbi m’aperçut bien que je me fus mis de côté et m’appela : «Vous m’aviez promis…». Je répondis que je pensais que le Rabbi était trop occupé pour cela mais il insista : «N’ayez pas pitié de moi ! Envoyez-moi les rapports !».

De retour à la maison, je préparai une pile de documents déclassifiés – trois ou quatre épais classeurs - et les envoyai au Rabbi. C’était des descriptions de ce que nous estimions à l’époque être l’environnement sur Mars, d’après les prises de vues envoyées par les sondes spatiales : nous cherchions à récupérer des échantillons de poussière de la planète Mars pour y détecter d’éventuels microbes vivants. C’était un travail de laboratoire : un grand nombre de microbiologistes travaillaient pour moi, écrivant des centaines de notes que nous envoyons à la NASA mais ce n’était que des spéculations.

Lors de ma rencontre suivante avec le Rabbi, il remarqua : «Je voudrais attirer votre attention sur un passage ; il est évident que je ne comprends pas votre travail mais il semble que vous écriviez à un endroit (il nomma la page du volume) que ces bactéries s’y développeraient et, à un autre endroit, qu’elles ne le pourraient pas !».

Je promis de vérifier et, effectivement, il y avait une contradiction flagrante !

Un an plus tard, je revis le Rabbi et le remerciai de m’avoir signalé ce qui n’était finalement qu’une erreur de typographie. Il me remercia : «Je n’aime pas les contradictions dans le domaine scientifique. Mais si vous dites que ce n’est qu’une erreur, alors je me sens mieux !».

Par la suite, il me demanda de plus en plus de rapports et, un jour, je m’enhardis : «On dit que le Rabbi possède Roua’h Hakodech, une inspiration divine ; alors pourquoi le Rabbi me demande davantage de rapports ? Ne sait-il pas ce qui se passe ?». Si des ‘Hassidim s’étaient trouvé avec moi dans la pièce, ils m’auraient frappé pour une telle insolence. Mais le Rabbi se contenta de sourire et conclut : «Si les gens parlent, qu’ils parlent. Mais de vous, j’exige des rapports !»

Dr Velvel Green – www.chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki