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Semaine 52

  • Chémot
  • Vaye’hi
Editorial
Les héros du quotidien

Les observateurs de la vie communautaire le savent, la période qui vient de s’écouler a été celle des galas de bienfaisance, des soirées de solidarité et des appels de soutien. Il faut entendre par là que, soir après soir, des centaines de personnes se sont retrouvées à l’invitation de telle ou telle institution afin d’apporter leur contribution financière indispensable à la poursuite des activités concernées.
Certes, toutes les causes qui ont eu recours à la générosité communautaire sont légitimes et méritantes. Toutefois, c’est sur l’une d’entre elles qu’il convient de s’arrêter ici: le 5 Tévet, il y a donc environ deux semaines, avait lieu le gala du Beth Loubavitch. C’était un grand gala pour de grandes ambitions. Car il n’est nul besoin de rappeler à quelles incontournables nécessités répond sa démarche. Action éducative, œuvres sociales, partage de la connaissance, accès ouvert au patrimoine spirituel commun: autant de thèmes majeurs qui constituent le sens même de son existence. C’est tout cela qui, en cette soirée du 5 Tévet, était en jeu. Sans être doté d’une imagination hors-pair, on pouvait ressentir l’émotion et la tension de tous: quelle serait la réponse à l’urgence de la demande?
Le peuple juif est décidément bien extraordinaire. Voici que des hommes se levèrent, qu’ils firent savoir, haut et fort, que leur engagement personnel quotidien dans le combat pour la fidélité et le souci de l’autre, le combat du Beth Loubavitch, se traduisait par un soutien massif. Voici que, malgré la multiplication des besoins aussi réels que divers, tous surent trouver la manière de dire, dans leurs mots et leurs actes, l’estime qu’ils éprouvaient pour l’action entreprise. Dans une immense salle, sous les projecteurs qui, dans leur ballet chatoyant, balayaient les ombres, 1500 personnes sentirent leur cœur battre à l’unisson et les ovations saluèrent ces héros des temps modernes: ceux qui savent croire en la plus belle et la plus pacifique des causes, ceux que rien ne pourrait retenir de l’affirmer.
Aujourd’hui, les lampions sont éteints. La vie a repris son cours. Mais quel merveilleux exemple nous a ainsi été donné! La solidarité existe, l’amitié aussi. En ces temps troublés, c’est vraiment une bonne et rassurante nouvelle. Pour cette raison, en plus de toutes les autres, que tous les participants à ce gala soient ici publiquement remerciés. Puissent leurs actions être source de bénédiction pour eux-mêmes et pour tous.
Etincelles de Machiah
Un rire infini

Décrivant le temps de Machia’h, les Psaumes déclarent (85 : 21) : “Notre bouche sera alors emplie de rire”. Certes, une telle idée est évocatrice d’un profond bonheur. Cependant, dans la mesure où la venue de Machia’h s’accompagnera d’une intense révélation de Lumière Divine, dont le monde n’aura jamais connu d’équivalent auparavant, quelle est la portée d’un “rire” de cette nature ?
En fait, la valeur numérique du mot “rire” en hébreu est 414. C’est également celle de l’expression “Or Eïn Sof” qui signifie “lumière infinie”. Cette correspondance indique que le rire en question aura un sens profond : celui de la révélation du plaisir divin.
(D’après Likouteï Torah, Bamidbar p. 191)
Vivre avec la Paracha
Chemot : l’accomplissement d’un dirigeant

La Paracha de Chemot constitue l’histoire d’une Galout, l’exil et l’asservissement des Enfants d’Israël en Egypte, que nos Sages considèrent comme le prototype de tous les exils qui allaient suivre et des persécutions qui allaient toucher le peuple juif. C’est aussi l’histoire de l’accomplissement du dirigeant juif le plus parfait, Moché.
Tout ce que la Torah nous relate à propos de Moché est en effet une leçon pour le dirigeant juif. On nous dit que la mère de Moché, Yo’hévèd, naquit “ entre les murs de la frontière ” de l’Egypte quand la famille de Yaakov se rendit dans ce pays. Cela, signifie que Yo’hévèd n’appartenait ni à la “ vieille génération ” née en terre Sainte, pour laquelle la Galout resterait toujours un monde étranger et inconnu, ni à la génération née en Egypte, pour laquelle l’état d’exil représentait le plus naturel et évident aspect de la vie. Elle oscillait plutôt entre ces mondes, signifiant par là qu’elle a une connaissance intime des circonstances de la Galout de même qu’une vision transcendante pour la dépasser. Ainsi, Yo’hévèd fut-elle la femme dont les entrailles pouvaient recevoir et celle qui pourrait éduquer celui qui allait sauver les Enfants d’Israël de leur exil.
Les circonstances de la naissance de Moché donnent une leçon sur l’altruisme demandé à leur dirigeant. Yo’hévèd et Amram s’étaient séparés quand Pharaon avait décrété que tous les nouveaux-nés mâles seraient jetés dans le Nil. Leur fille aînée, Myriam leur en fit le reproche : “ Votre décret est plus sévère que celui de Pharaon : Pharaon a décrété d’annihiler les mâles mais votre action portera sur l’ensemble des enfants d’Israël. “ Amram et Yo’hévèd réalisèrent qu’en tant que dirigeants dont les actions seraient imitées par les autres, ils devaient s’élever au-dessus du danger personnel et de l’angoisse nés du fait d’engendrer des enfants dans des temps aussi terribles. Le résultat de leur remariage fut la naissance de Moché.

Le nourrisson et l’enfant
Quand Moché naquit, la “ maison fut emplie de lumière ” attestant de son futur comme luminaire de l’humanité. Mais immédiatement cette lumière dut être cachée, car comme tous les nouveaux-nés mâles, il risquait constamment d’être découvert par les assassins de bébés sous les ordres de Pharaon. Il fut alors placé dans le Nil, mal protégé par une fragile corbeille de jonc et partageant potentiellement le sort des bébés jetés dans le Nil.
Ici une nouvelle leçon peut être tirée : le dirigeant ne peut survenir d’ “ en haut ”, mais il doit partager le sort de son peuple. C’est la leçon que devait enseigner D.ieu Lui-Même en apparaissant d’abord à Moché dans un buisson ardent : “ Je suis avec eux dans leur affliction ”.
Mais le fait que Moché fut placé dans le Nil ne servait pas seulement de démonstration d’empathie avec la souffrance d’Israël : c’était aussi la première étape de sa libération. Nos Sages nous expliquent que Pharaon ordonna que tous les enfants mâles soient jetés dans le Nil parce que ses astrologues lui avaient prédit que le sauveur d’Israël périrait par l’eau (cette prédiction fut accomplie de nombreuses années plus tard quand Moché sera empêché d’entrer en Israël à cause des “ eaux de la discorde ”). Le jour où Moché fut placé dans le Nil, les astrologues de Pharaon l’informèrent que celui qui avait été destiné à sauver le Peuple Juif avait déjà été jeté à la rivière et que le décret était révoqué. Nourrisson de trois mois, apparemment passif par rapport aux événements l’entourant, Moché avait déjà commencé à accomplir son rôle de sauveur du peuple juif.
Grâce au complot ingénieux de Myriam, Moché est nourri et élevé par sa propre mère, dans sa tendre enfance. Mais ensuite, il est conduit dans le palais de Pharaon pour être élevé comme membre de la famille royale. Moché doit être à la fois un esclave hébreu et un prince égyptien. Pour conduire son peuple, il doit partager son sort ; pour défaire les forces qui les asservissent, il doit infiltrer la citadelle de la royauté égyptienne. Il doit “ aller chez Pharaon ” (Chemot 10 :1) et gagner la connaissance intime de l’essence de sa puissance et de sa vitalité.

Le défenseur d’Israël
Les premières actions de Moché à être explicitement relatées par la Torah soulignent deux tâches essentielles d’un dirigeant : défendre son peuple de la menace extérieure et sauvegarder son intégrité intérieure.
Le jour où Moché atteint l’âge adulte, “ il sort vers ses frères ” et “ voit leur affliction ” ; ses années dans le palais de Pharaon ne l’ont pas rendu insensible à cette tribu d’esclaves hébreux ni à leur souffrance. Il voit un Egyptien battre à mort un hébreu. Il est obligé d’agir, sacrifiant, par cette action unique, sa vie privilégiée de membre de la classe dominante et liant son sort à celui de ses frères.
Dès le lendemain, Moché agit à nouveau, cette fois pour intervenir dans une querelle entre deux Juifs. Voyant ses deux frères en conflit, il comprend soudain que la source de leur esclavage n’est pas la puissance égyptienne mais leur propre désunion intérieure et que la clé de leur rédemption réside dans le rétablissement du sens de la solidarité et de la responsabilité parmi les membres de la nation d’Israël qui souffre.
De ces deux démonstrations de l’esprit de dirigeant qu’animait Moché, l’on aurait pu s’attendre à ce qu’il se prête immédiatement à son rôle de dirigeant d’Israël. Mais d’abord il devait devenir un berger.

Le berger fidèle
Parce que le rôle du chef des enfants d’Israël n’est pas seulement de défendre, de sauver, d’enjoindre et de gouverner mais aussi et essentiellement de nourrir, Moché est le sauveur d’Israël, leur maître et leur législateur mais aussi leur Raaya Méhémna, leur “ berger fidèle ” et un “ berger de foi ”, signifiant par là qu’il est celui qui pourvoit à leurs besoins, à la fois matériellement et spirituellement, nourrissant leur corp de manne et nourrissant leur âme de foi.
Ainsi Moché est-il conduit d’Egypte vers un Midian lointain pour devenir berger du troupeau de Yithro. Le Midrach relate comment un autre berger, David, apprit l’art de la royauté en prenant également soin de troupeaux de son père: il faisait d’abord paître les jeunes agneaux sur l’herbe tendre avant de laisser les vieux moutons se nourrir sur le milieu du champ et enfin permettait aux jeunes et robustes moutons de se nourrir d’herbe plus drue. Un chef ne peut simplement montrer le chemin, un maître ne peut se contenter d’enseigner ; il doit “ diriger son troupeau, donnant à chacun les conseils, les directives et la connaissance d’une manière qui peut être absorbée et ingérée.
Le Midrach évoque également comment un jour, un jeune agneau s’enfuit du troupeau dont Moché avait la charge. Moché le poursuivit jusqu’à ce que l’animal arrive à une source et se mette à boire. Quand Moché rattrapa l’agnelet, il s’écria : “ Oh !j’ignorais que tu avais soif ! ” Il prit le fuyard dans ses bras et le porta jusqu’au troupeau. Le Tout Puissant s’exclama : “ Tu es miséricordieux avec un jeune agneau, tu prendras soin de Mon troupeau, le Peuple d’Israël ! ”.
Outre démontrer la compassion de Moché, l’incident comporte un autre enseignement important : Moché réalisa que le jeune agneau ne s’était pas enfui du gros du troupeau par malice ou par méchanceté, mais simplement parce qu’il avait soif. Par le même biais, quand un Juif s’aliène de son peuple, à D.ieu ne plaise, c’est seulement parce qu’il a soif. Son âme est assoiffée de donner un sens à sa vie, mais les eaux de la Torah lui ont échappé. Ainsi erre-t-il dans des domaines étrangers, cherchant à apaiser sa soif.
Quand Moché comprit cela, il fut apte à devenir un chef pour Israël. Seul un berger qui ne se hâte pas de juger un agneau fuyard, qui est sensible à la raison de sa désertion, peut le prendre avec miséricorde dans ses bras et le ramener chez lui.
Le Coin de la Halacha
Quand récite-t-on la bénédiction “ Hagomel ” ?

Quatre sortes de personnes doivent réciter la bénédiction : “ Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Hagomel La’hayavim Tovot, Chéguemalani Tov ”. (“ Béni sois-Tu, Eternel, Roi du monde, qui accordes des bienfaits aux coupables, qui m’a accordé du bien ”) :
- celui qui a traversé l’océan,
- celui qui a traversé le désert ou a survécu à une catastrophe (tremblement de terre, chute d’un mur, attaque de brigands, accidents de voiture…),
- celui qui a guéri d’une grave maladie,
- celui qui est sorti de prison après une (fausse) accusation de meurtre ou un emprisonnement avec des chaînes ou dans des conditions dangereuses.
On récite cette bénédiction en présence de dix hommes (celui qui la prononce fait partie de ce Minyane) et, de préférence, devant un Séfer Torah, le rouleau de la Torah.
On s’efforcera de la réciter dans les trois jours qui suivent l’événement en ayant conscience que D.ieu agit avec bonté même envers ceux qui ne le méritent pas.
Les personnes présentes répondent “Amen” puis une phase qui signifie : “Celui qui t’a accordé du bien t’accordera tout le bien!”.
Toute personne ayant échappé à un danger consultera une autorité rabbinique compétente pour déterminer s’il y a lieu de réciter cette bénédiction et dans quelles conditions.

F. L. (d’après Rav E. Wenger)
De Recit de la Semaine
Des lettres pour “ le grand-père ”

L’été dernier, j’ai assisté au Congrès International des Juifs russophones qui se tenait à Moscou, dans le tout nouveau et impressionnant Centre Communautaire de Marina Rochtsa.
Lors d’une soirée, j’ai raconté que je me souvenais de l’ancienne synagogue qui se tenait à cet endroit avant qu’un incendie criminel ne la détruise, il y a quelques années : cette synagogue était une des seules que le pouvoir communiste n’avait pas fermée mais elle était bien misérable. “Voyez comment ce Centre Communautaire est beau maintenant, quelle merveille!”.
A ce moment, un des Juifs présents se tourna vers moi et me dit: “Moi aussi, j’ai connu la synagogue auparavant et je comprends très bien votre émotion!”. Je lui demandai quand il s’était rendu ici et il me répondit: “Dans des circonstances très particulières, au début des années 80”.
C‘est dans ma chambre d’hôtel qu’il me raconta son histoire, jusqu’à deux heures du matin…
Il s’appellait Morde’haï (on l’appelle “Mitié”, et il ne voulut pas me donner d’autres détails sur son identité si ce n’est qu’il est aujourd’hui un homme d’affaires aux Etats-Unis).
Il était né dans la ville de Naltchik dans le Caucase et, bien qu’il n’ait reçu qu’un minimum d’éducation juive, son judaïsme était très important à ses yeux. Quand arriva l’âge du service militaire, ce fut pour lui une catastrophe : c’était l’époque de la guerre des Soviétiques contre l’Afghanistan.
Du fait que les Caucasiens, comme les Afghans, étaient musulmans, les autorités russes ne leur faisaient pas vraiment confiance. Morde’haï savait que s’il était envoyé en Afghanistan, il serait considéré comme musulman et on ne lui donnerait pas d’arme ; il ne serait pas incorporé à des unités combattantes mais on l’obligerait à accomplir toutes les corvées et même les travaux dangereux dans lesquels il risquerait sa vie.
Il n’y avait qu’une seule façon de se dégager du service militaire : par l’argent. Mais Morde’haï était le seul soutien de famille pour sa mère et ses deux sœurs et il n’avait aucune possibilité de trouver une telle somme. Un jour, quelqu’un lui suggéra de se présenter au Bureau du Recrutement à Moscou plutôt que dans le Caucase : “Comme c’est une grande ville, on ne fera peut-être pas attention à tous les détails de ton identité et tu seras perdu dans la masse des autres soldats”.
Morde’haï se rendit à Moscou, mais comme il n’y connaissait personne, il retrouva vite le réflexe juif : il se dirigea vers la grande synagogue et la première personne qu’il y rencontra fut un autre Morde’haï (sans doute le Cho’het et Mohel Rav Morde’haï Lipshitz). Le Morde’haï de Moscou accueillit chaleureusement le Morde’haï du Caucase et lui dit à l’oreille: “Si tu recherches du judaïsme authentique ou une aide quelconque, va plutôt à la synagogue Marina Rochtsa!”.
Il écouta le conseil et, arrivé à Marina Rochtsa, il se joignit à la réunion ‘hassidique qui se tenait justement en l’honneur du 19 Kislev, fête de la libération de Rabbi Chnéour Zalman. On lui expliqua que chacun souhaitait à l’autre la réalisation de tous ses désirs: “Demande toi aussi !”. Morde’haï demanda donc à être libéré de ses soucis et les ‘Hassidim le lui souhaitèrent bien volontiers. Quant au reste des paroles, Morde’haï ne comprit pas grand-chose car les discours étaient en anglais ou en hébreu à cause de la présence d’invités étrangers. Néanmoins, l’atmosphère lui plut et il implora les ‘Hassidim de le bénir à nouveau. Cette fois-ci, on lui conseilla : “Ecris au Rabbi !”.
“Je ne savais pas qui était le Rabbi, comment on lui écrivait et comment on envoyait la lettre. On me répondit qu’ici, en Union Soviétique, on écrivait au Rabbi en l’appelant “Grand-Père” : “Ecris chaque fois que tu en as besoin et lui saura comment t’aider”.
Cette idée n’eut, à l’époque, aucun impact sur Morde’haï. Il ne réussit pas à se faire inscrire à Moscou, il dut retourner au Caucase, fut envoyé, comme prévu, en Afghanistan dans une unité d’ingénieurs et affecté à de durs travaux de construction.
La chaleur étouffante, la poussière et la boue étaient insupportables et sa situation ne fit qu’empirer au point qu’il sentit ses forces l’abandonner. C’est alors qu’il se souvint du conseil que lui avaient donné les ‘Hassidim : profitant d’un moment de répit, il écrivit une lettre au “Grand-Père” et, peu de temps après, il lui arriva quelque chose d’étonnant.
A cette étape de son histoire, Morde’haï expliqua “Mes supérieurs s’adressaient toujours à moi de façon hautaine et méprisante, au point de m’enlever toute ma dignité, sans compter que je devais faire de grands efforts pour garder un minimum de judaïsme. J’avais décidé, malgré le travail exténuant dans la boue et malgré mon désespoir, d’avoir des vêtements propres le Chabbat, ainsi qu’une chemise repassée et des bottes cirées”.
Peu après avoir écrit au Rabbi, il se retrouva au centre d’un débat. Un des colonels se mit à regarder les soldats mal rasés, sales et peu respectueux des règles de l’armée impliquant un uniforme impeccable. Quand il remarqua Morde’haï, habillé proprement des pieds à la tête, il lui demanda son nom et sa fonction. Le colonel appela tous les soldats et leur montra comment Morde’haï faisait honneur à l’armée soviétique et, quelques jours plus tard, Morde’haï fut promu chef de la buanderie. Il put donc quitter son pénible travail à l’extérieur, alors que les bandes armées afghanes causaient de lourdes pertes dans les rangs soviétiques.
Morde’haï continua d’écrire au “Grand-Père” et constata que ses lettres étaient suivies d’effets bénéfiques, même s’il n’avait aucun moyen de les envoyer effectivement.
A cette époque, de nombreux soldats s’adonnaient au trafic de drogue. Pour stopper cela, les autorités effectuaient des perquisitions. Un des officiers qui avait ainsi fouillé dans les affaires de Morde’haï le convoqua dans son bureau et lui demanda à quel “Grand-Père” il écrivait. Morde’haï comprit qu’on le soupçonnait de trafics louches et protesta violemment. L’officier lui demanda de s’expliquer : Morde’haï dit qu’il était juif et qu’il écrivait effectivement à son grand-père. Pour le prouver, il sortit de son portefeuille une photo du Rabbi.
“C’est ton grand-père ? Moi aussi j’aurais voulu avoir un grand-père pareil ! Je vois que dans tes lettres, tu demandes à ton grand-père des bénédictions. Pourrais-tu lui en demander pour moi aussi ? Moi aussi je suis Juif, je m’appelle Lev Yakovitch Ru’haline ou, en hébreu, Arié Leib ben Yaakov”.
C’était en 1983. Depuis, à chaque fois que Morde’haï écrivit au Rabbi, il demanda en plus une bénédiction pour Arié Leib ben Yaakov.
Depuis ce jour, Ru’haline fut si reconnaissant envers Morde’haï qu’il l’affecta à son service personnel. Morde’haï eut alors le privilège d’avoir sa propre chambre avec un vrai lit.
A la fin de son service militaire, Morde’haï souhaita remercier ses amis de Moscou qui lui avaient fait connaître le Rabbi. Puis il se maria avec une femme juive et tous deux réussirent à émigrer aux Etats-Unis. C’est ainsi qu’il eut le privilège de passer une fois devant le Rabbi quand il distribuait des bénédictions avec un dollar à remettre à la Tsédaka (charité) et Morde’haï n’oublia pas de mentionner Arié Leib ben Yaakov.
Morde’haï est devenu un homme d’affaires prospère et, chaque année, il prend à son compte toutes les dépenses pour la réunion ‘hassidique du 19 Kislev…

Rav Betsalel Schiff
traduit par Feiga Lubecki