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Semaine 31

  • Masseï
Editorial
Une clé pour la reconstruction

C’est une idée bien souvent évoquée mais à laquelle il semble nécessaire de donner constamment une vie nouvelle. Il ne peut en être autrement car c’est au cœur même de notre vie et de notre conscience qu’elle s’attache ; c’est d’amour du prochain qu’il s’agit. Pourquoi en dire encore une fois la grandeur ? Car nous sommes déjà bien avancés dans la période dite « des trois semaines », qui porte cette appellation hébraïque si significative : «Bein Hamétsarim – entre les limites». On le sait, ce temps entre le 17 Tamouz – le jour où l’assiégeant parvint à faire la première brèche dans la muraille de Jérusalem – et le 9 Av – le jour de la destruction du Temple – porte la marque des tragédies qui y sont commémorées. Cependant, si le peuple juif a toujours cultivé sa longue mémoire, il a également toujours su ne pas en faire un unique outil de deuil. Pour lui, elle est d’abord un moyen d’éclairer l’action. Aussi, lorsque le Talmud, recherchant les causes profondes du drame historique qui se joue entre ces dates, souligne que c’est l’absence d’amour du prochain, voire l’apparition du sentiment opposé, qui sont la raison de la destruction, il entend nous dire que c’est en retrouvant cet élément qu’on parviendra à la reconstruction. Reste à comprendre ce que signifie concrètement l’amour du prochain.
Sans doute est-ce là que se trouve le nœud du problème. Car, si, sur un tel sujet, les déclarations d’intention nobles et généreuses sont faciles, les actes le sont sans doute moins. Pourtant, l’amour de l’autre est irrémédiablement lié à nous-mêmes. Ainsi nos Sages nous enseignent que le peuple juif est comparable à un seul grand corps. Dans ce sens, l’autre n’est jamais qu’une partie de soi-même et son éventuel éloignement ne peut être qu’artificiel ou imaginaire. Aimer l’autre, c’est donc se préoccuper de ce qui le préoccupe, partager ses joies et ses soucis, lui apporter l’aide – spirituelle et matérielle – qui lui est nécessaire. C’est, par exemple, lui donner accès à la tradition juive et à la connaissance de notre patrimoine commun s’il n’en a pas eu la possibilité. C’est savoir ne pas juger mais seulement accompagner. C’est être conscient que, agissant ainsi, on ne fait jamais que vivre enfin une pleine vie d’homme. Le Temple a été détruit parce qu’un tel sentiment manquait a-t-on dit ? L’enjeu apparaît à présent clairement. Si la reconstruction possède une clé, celle-ci porte un nom : l’amour du prochain. Et c’est le troisième Temple qu’elle ouvre.
Etincelles de Machiah
Juste un bouton à presser

Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener «le salut et la délivrance» au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)H.N.
Vivre avec la Paracha
Masseï : La vie de l’intérieur

Un jour, le Rabbi fit un Farbrenguen (réunion ‘hassidique) en l’honneur d’un groupe de ‘hassidim qui retournaient, le soir même, chez eux en Israël. Plus la soirée avançait, plus certains voyageurs jetaient des regards inquiets sur la montre qui était au mur. Leur avion devait décoller dans quelques heures et ils devaient encore faire leurs valises et s’occuper des affaires de dernières minutes. Observant leur anxiété, le Rabbi sourit et raconta l’histoire suivante :
C’était au milieu des années 20, pendant les jours les plus sombres des tentatives du régime communiste pour déraciner la foi juive dans l’Union Soviétique de l’époque. Le beau-père du Rabbi, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, qui dirigeait le réseau clandestin consacré à maintenir le Judaïsme vivant, était espionné par la Yevsektia (section juive du parti communiste) et par le NKVD. Partout où il allait, il était suivi. Personne n’ignorait qu’il s’agissait d’une question d’heures avant qu’ils ne fondent sur leur proie.
«Tard une nuit, raconta le Rabbi, j’ai pénétré dans le bureau de mon beau-père, dans son appartement de Leningrad. Il avait reçu des gens en Ye’hidout (entretien privé entre le Rabbi et le ‘hassid) pendant plusieurs heures, une tâche épuisante pour le Rabbi, physiquement et moralement. Environ une demi-heure plus tard, il devait s’en aller pour se rendre à la gare. Il y prendrait un train pour Moscou où il allait rencontrer un homme d’affaires étranger dont il espérait obtenir des fonds pour soutenir son travail. Inutile de dire que rencontrer un citoyen étranger, un «capitaliste», et tout particulièrement dans le projet qui était le sien, était extrêmement dangereux. A cette époque, nombreux étaient ceux qui avaient perdu leur vie pour des «crimes» beaucoup moins graves !
A ma grande surprise, j’ai trouvé mon beau-père travaillant tranquillement à son bureau, arrangeant ses papiers, comme s’il était au milieu d’un jour de travail ordinaire. Il ne manifestait aucun signe d’épuisement après avoir écouté les douleurs et les dilemmes personnels qui lui avaient été livrés pendant plusieurs heures et aucun signe devant le fait que dans moins de trente minutes, il s’en irait pour accomplir une mission des plus risquées.
Je ne pus me retenir et lui demandai : «Je sais que la ‘Hassidout ‘Habad s’appuie sur le principe selon lequel «l’esprit doit dominer le cœur». Je connais l’éducation que vous avez reçue et la façon dont vous avez été élevé dans l’idée du sacrifice de soi absolu pour les Juifs et le Judaïsme. Mais à tel point ? Au point que vous pouvez être assis à votre bureau, dans un tel moment, comme si rien d’autre n’était prévu à votre programme?»
En réponse, Rabbi Yossef Its’hak adressa ces paroles à son gendre : «Nous ne pouvons allonger nos jours ni ne pouvons ajouter des heures à nos nuits. Mais nous pouvons optimiser notre utilisation du temps en considérant chaque parcelle de temps comme un monde à part entière. Quand nous consacrons une partie de temps, que ce soit une heure, un jour ou une minute, à une certaine tâche, il faut nous investir complètement dans ce que nous faisons, comme s’il n‘existait rien d’autre au monde.»
Les enseignements de la ‘Hassidout ‘Habad discutent abondamment de la qualité de Pnimiout. Parmi les ‘Hassidim, le plus grand compliment que l’on peut adresser à quelqu’un est de dire qu’il est un Pnimi (quelqu’un qui possède cette qualité). A l’opposé, la plus grande insulte est de dire de quelqu’un qu’il est un ‘Hitsoni, manquant de Pnimiout.
Qu’est donc que la Pnimiout ? L’expression la plus proche pour rendre cette idée serait : «profondeur intérieure». La Pnimiout signifie l’intégrité, la droiture et la consistance. C’est le contraire de la superficialité et de l’équivoque. Chez le Pnimi, la connaissance ne peut se dissocier de l’expérience et la connaissance et l’expérience ne peuvent se dissocier de l’action. Vous ne ferez jamais face à des parties de Pnimi : son cerveau, son cœur ou ses actions. Mais vous trouverez la personne complète. Le Pnimi ne fait pas qu’avoir une pensée, faire une expérience ou agir, il les vit.
Quand le Pnimi consacre une partie de son temps, que ce soit une heure, un jour ou une minute, à une certaine tâche, il s’investit totalement dans ce qu’il fait comme s’il n’existait rien d’autre au monde.
Cela ne signifie pas pour autant que le Pnimi vit sans faire de choix, aveuglément. Bien au contraire, cette attitude est celle du ‘Hitsoni. Le Pnimi est profondément conscient des différences entre les choses importantes et celles qui le sont moins, entre les moyens et les fins, entre les voyages et les destinations. Mais quel que soit l’objet de son implication, il se donne complètement. Il ne fait pas que se rendre quitte. Quand il va dans une certaine destination, il y va totalement.
La Paracha de cette semaine inclut le rappel que fait Moché des «42 voyages» à travers le désert, quarante-deux voyages qui, selon Rabbi Israël Baal Chem Tov, sont reproduits dans le voyage personnel de chacun, à travers la vie.
Ces 42 voyages sont, bien sûr, les phases et les étapes d’un plus grand voyage, celui qui constitue la progression depuis les confins de l’Egypte jusqu’à la Terre Promise. Mais chacune de ces étapes est également une entité en soi, la Torah les appelle «voyages» (massot) et non «étapes». Nous ne sommes pas là pour traverser la vie, nous dit la Torah, mais pour y vivre pleinement.
Le Coin de la Halacha
Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année lundi 1er août 2011), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.
On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).
On évite de passer en jugement.

Qu’est-ce qu’un Siyoum ?
Un « Siyoum » est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des «neuf jours» puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum en écoutant chaque jour à la radio juive une personne qui achève l’étude d'un traité. Restez à l’écoute !

Qu’est-ce que le 9 Av ?
Le 9 Av commémore de tristes dates de l’histoire juive, comme l’épisode des explorateurs, l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, de nombreux pogromes, et en particulier la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains.
Les garçons à partir de treize ans et les filles à partir de douze ans doivent jeûner depuis la veille (cette année lundi 8 août 2011 à partir de 21h 15, horaires de Paris) jusqu’au soir (cette année mardi soir 9 août 2011 à 22h 05). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne. On ne se lave pas, sauf les mains le matin, ou pour des raisons d’hygiène. On ne récite pas la bénédiction : «Chéassa Li Kol Tsorki» («Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures. On n’étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un «Siyoum», à la conclusion du traité Talmudique Moèd Katane (qu’on peut aussi écouter sur Radio J à 14h 30).
Jusqu’au milieu de la journée de mardi (environ 13h 30, 14 h) on ne s’asseoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour.
Lundi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E’ha). Mardi matin, on fait la prière sans Talit ni Téfilines, et on lit les «Kinot». Mardi après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min’ha et on rajoute le passage «Na’hem» («Console les endeuillés de Sion») dans la Amida. On ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin jusqu’au milieu de la journée du mercredi 21 juillet. On fera lessive, couture et repassage et on pourra se couper les cheveux à partir du mercredi après-midi 10 août à 14h 00.
De Recit de la Semaine
Un mini-sanctuaire

Le voyage de Melbourne à Queenscliff avait été long et fatigant. Le Chalia’h (émissaire du Rabbi) avait achevé sa conférence, il était tard mais il était ouvert à la discussion. Ses auditeurs l’avaient écouté attentivement et les questions fusaient. Malgré son épuisement, il tentait de répondre à chacun avec patience et intelligence.
Alors que les gens se pressaient autour d’un buffet bien garni, une dame s’approcha du rabbin et demanda à lui parler en privé.
«Mes parents étaient des survivants de la Shoah, commença-t-elle. Nous sommes arrivés en Australie après la guerre, sans un sou en poche : vous pouvez imaginer combien mon enfance a été difficile, je ne voyais aucune joie dans le judaïsme. Je ne peux en blâmer mes parents : ils luttaient pour gagner de quoi manger tout en tentant de se remettre des horreurs qu’ils avaient vécues. Notre éducation juive était pratiquement inexistante et je ressentis que je n’étais pas obligée d’épouser un Juif. Je me suis donc mariée avec le premier venu, j’ai mis au monde deux enfants mais me sentais malheureuse. J’ai divorcé puis j’ai rencontré celui qui est mon mari actuellement. C’est un homme charmant, nous nous entendons à merveille mais j’ai besoin de votre conseil. Voyez-vous, il est chrétien.
Entre temps mon premier mari s’est converti à l’Islam et mes deux fils sont fortement influencés par ses convictions.
J’ai toujours essayé de rappeler à mes enfants qu’ils sont juifs (puisque le judaïsme se transmet par la mère). Maintenant je voudrais accomplir davantage de Mitsvot. Mais comment puis-je le faire sans causer plus de tension et de bouleversement dans mon foyer ? »
Surpris par cette requête, le jeune rabbin réfléchit un moment : dans son esprit défilèrent les discours que le Rabbi avait prononcés en diverses occasions. Finalement, il proposa : «Pourquoi ne consacreriez-vous pas une pièce de votre maison – où même juste un coin – pour en faire un «Mikdach Méat», un mini-sanctuaire ? Vous fixerez une Mezouza à la porte et placerez une boîte de Tsedaka (charité) ainsi qu’un livre de prières et d’autres livres saints. Le vendredi après-midi, vous y allumerez les bougies de Chabbat avec la bénédiction. Avec l’aide de D.ieu, cette lumière et cette sainteté se répandront dans le reste de la maison ! »
Le conseil du Rabbi amena un rayon d’espoir dans le cœur de Ruth : «Oui, exactement ! Je vais commencer avec juste un coin de la maison qui deviendra un sanctuaire en miniature où il sera évident que D.ieu est Un !»
Elle ne perdit pas de temps et établit dans un coin de sa maison un endroit où elle alluma ses bougies en priant de tout son cœur pour que cette lumière illumine son foyer et les vies des membres de sa famille.
Les changements intervinrent progressivement mais dans la bonne direction et le «sanctuaire» s’étendit petit à petit.
Les années passèrent et Ruth rencontra à nouveau le rabbin qui n’était plus si jeune : ses cheveux et sa barbe avaient grisonné mais elle le reconnut immédiatement.
Toute la famille de Ruth pratiquait maintenant le judaïsme sans complexes. Son mari, après avoir observé les changements graduels dans sa maison, s’était intéressé au judaïsme puis s’était converti sincèrement.
«Merci mille fois pour votre conseil, Monsieur le rabbin ! Votre idée de mini-sanctuaire dans un coin de la maison s’est révélée fantastique ! Vous m’avez convaincue de la puissance d’un peu de sainteté !»
Le rabbin pensa qu’il y avait une erreur sur la personne. Il ne se souvenait ni de Ruth ni de son «idée fantastique». Elle lui rappela alors gentiment tous les détails de leur conversation, des années auparavant, et il se souvint.
- Je vois maintenant, confia-t-il plus tard à son épouse, la force des mots qu’a prononcés le Rabbi !
- Et moi, conclut-elle, je reste émerveillée devant la force de volonté d’une femme juive !

Mina Gordon – Melbourne, Australie
N’shei Chabad Newsletter n°7105
traduite par Feiga Lubecki