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Semaine 41

  • Noa’h
Editorial
Face au déluge

Lorsque, cette année, nous avons recommencé le cycle hebdomadaire de lecture de la Torah, lorsque, de nouveau, le récit de la création du monde a retenti dans toutes les synagogues, nous étions encore comme portés par l’inspiration des fêtes. Nous venions d’en vivre la veille les derniers et les plus beaux éclats avec les célébrations de Sim’hat Torah et la joie ne laissait place à rien d’autre qu’à ce sentiment si particulier de bonheur qui accompagne le mois de Tichri. Puis une semaine entière est passée. Avec toute sa force longtemps contenue, le quotidien est venu réclamer sa part. Il est venu rappeler aux hommes qui l’auraient oublié pendant la période privilégiée des fêtes qu’il reste l’élément dominant de la vie. C’est ainsi que chacun peut se sentir comme livré aux assauts furieux d’une tempête dont il avait oublié, un temps, l’existence.
C’est alors que le texte de la Torah, avec les mots d’une ancienne histoire, semble parler de nous. C’est bien de Noé qu’il s’agit. Noé : un homme à qui le déluge destructeur fut annoncé, qui en vit monter les eaux mais qui, obéissant à l’appel de D.ieu, sut s’en protéger et put ainsi refonder une humanité meilleure. Les eaux du déluge n’évoquent-elles pas aussi justement la tempête à laquelle le monde soumet chacun ? Celui-ci ne fait-il pas monter ses « eaux tumultueuses » qui menacent de nous submerger, ses soucis constants qui nous font oublier l’essentiel jusqu’à nous faire perdre le meilleur de nous-mêmes ? La réponse à ces nouveaux défis existe, elle est ancienne : la « Téva » – l’arche. « Téva » : en hébreu, un « bateau de bois » mais aussi un « mot ». Trouver un refuge dans les mots peut sembler une proposition absurde... sauf s’il s’agit de ceux de la prière et de l’étude de la Torah. Quand les « eaux tumultueuses » du monde paraissent tout envahir, quand il paraît bien difficile d’y résister, l’ultime et invincible refuge existe. Ce n’est pas un refuge d’oubli ou de renfermement, c’est un abri pour trouver les forces de la refondation.
En ce tout début d’année 5771, alors que nous reprenons la longue route et qu’un sentiment mêlé de volonté d’agir et de lassitude peut apparaître, le Texte nous donne sa précieuse leçon. Les mots de la prière et de la Torah nous accompagnent toujours. Partout où nous sommes, ils font sens pour nous et pour le monde. Ils l’éclairent et l’apaisent. Car, il faut se garder de l’oublier, si le chemin est long, son but est clair : l’avènement des temps messianiques.
Etincelles de Machiah
Une œuvre parfaite

Pendant le temps de l’exil, l’offrande de sacrifices est impossible du fait de l’absence de Beth Hamikdach. Certes, les Sages ont instauré les prières en remplacement de ces cérémonies. Cependant, un tel remplacement est, semble-t-il, imparfait comme l’exprime la liturgie : “Et là, (dans le Beth Hamikdach, après la venue de Machia’h) nous ferons devant Toi…. Selon l’ordre de Ta volonté”.
C’est précisément cette idée qui pose question. L’œuvre spirituelle accomplie par la prière est supérieure à celle des sacrifices, la première s’attachant à l’âme de l’homme tandis que la seconde porte sur son aspect animal. Pourquoi, dès lors, souligner l’importance primordiale des sacrifices ?
En fait, l’impossibilité d’offrir un sacrifice en temps d’exil a également un sens spirituel : comme l’homme est attaché “en bas”, il n’a pas la force d’élever “l’animal” et doit se contenter d’agir sur l’âme par la prière. En revanche, lorsque le Machia’h viendra, l’homme parviendra à la plénitude et son œuvre pourra englober tous les aspects.
(d’après Torah Or, Vaye’hi 46b)
Vivre avec la Paracha
Noa’h : Des images de paix

L’Arche de Noa’h représente l’idée de la survie à un moment de destruction totale. La Paracha de cette semaine décrit la façon dont les eaux du Déluge recouvrirent le monde entier à l’exception de Noa’h, sa famille et les milliers d’animaux qui s’abritaient dans l’Arche et qui furent sauvés.
L’une des images que rendent nos Sages pour représenter l’Arche est celle de la paix. Différentes espèces animales, qui, en temps normal, se seraient battues et entre-dévorées, vivaient harmonieusement ensemble. L’Arche est décrite comme possédant la qualité spirituelle du Monde Futur où tous vivent dans l’unité et où tout conflit est aboli.
Cet aspect de l’Arche la lie également au thème de la Souccah, la cabane au toit de branches et de feuilles, centralité de la semaine que nous venons de vivre, il y a peu. Dans l’enseignement de la ‘Hassidout, l’Arche et la Souccah sont comparées l’une à l’autre, en ce qui concerne le concept de la paix. Maintenant, bien que la fête de Souccot soit achevée, l’image de la Souccah comme source de paix perdure. Chaque vendredi, dans nos prières du soir, nous demandons à D.ieu que la paix spirituelle de la Souccah, comme celle de l’Arche dans notre Paracha, s’étende sur chacun de nous, comme individus et sur tout le Peuple Juif.
Cependant, il ne suffit pas que la paix règne sur le Peuple Juif et non sur le monde entier. La force remarquable de l’enseignement juif est que potentiellement il y a toujours un effet double dans tout ce que nous faisons. Que ce soit par l’étude de la Torah, la prière ou l’observance des Mitsvot, d’une part la personne se lie à D.ieu et d’autre part, la lumière de D.ieu est attirée dans le monde. Dans tous les aspects de la vie juive, nous recherchons à la fois notre accomplissement spirituel et aussi à «améliorer le monde sous la souveraineté de D.ieu».
Par le même biais, l’un des aspects de l’Arche de Noa’h était qu’elle représentait la spiritualité, la sainteté et la paix ultime pour Noa’h et sa famille. Un autre aspect en est qu’une fois le Déluge terminé, et qu’ils purent quitter l’Arche, leur tâche fut désormais de disséminer ces vertus dans le monde entier.
Cela implique le respect des Sept Lois Noa’hides, instructions adressées à Noa’h et à ses descendants. Elles constituent sept règles générales de bonté à l’égard de toute l’humanité, y compris le respect pour la sainteté de la vie. Cependant, au centre de la société globale, se trouve le lieu où nos Sages nous disent que Noa’h offrit des sacrifices à D.ieu quand il quitta l’Arche, à la fin du Déluge. Il s’agit ici du site du Temple de Jérusalem. C’est le lieu central où le Peuple Juif s’unit au Divin et en même temps, apporte une bénédiction à toute l’humanité.
Tout cela nous conduira, en dernier ressort, à la conscience de la Présence Divine dans l’existence : «le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent la mer (Yichayahou 11 : 9), une image qui se lie avec celle des eaux du Déluge mais dans un monde exclusivement positif. Car il est vrai qu’à l’Ere Messianique, tout le mal se transformera en bien, et tous les conflits deviendront paix.

Une tour vide
Et ils se dirent les uns aux autres : «…construisons pour nous une ville et une tour dont le sommet atteindra les cieux ; et nous ferons pour nous-mêmes un nom, de peur que nous soyons éparpillés sur la surface de toute la terre…»
Et D.ieu les dispersa de là sur la surface de la terre et ils arrêtèrent de construire la ville. C’est pourquoi son nom fut Bavel (confusion), car c’est là que D.ieu confondit le langage du monde… (Ber. 11:3-9)
Quelle était leur faute ? Les raisons pour lesquelles ils se mirent à construire une ville avec une tour «dont le sommet atteindra les cieux» paraissent compréhensibles. L’humanité commençait à peine à se reconstruire après le Déluge qui avait balayé la race humaine dans son intégralité, à l’exception de Noa’h et sa famille. Si l’humanité naissante devait survivre, l’unité et la coopération revêtaient une importance cruciale. Ainsi cherchèrent-ils à construire une ville commune pour les lier en une communauté unique. En son cœur, ils envisageaient d’ériger une tour qui serait visible de très loin, un repère pour ceux qui s’étaient égarés et un monument qui inspirerait l’engagement au but commun, la survie. Tout ce qu’ils voulaient était de «faire pour nous-mêmes un nom», assurer la continuité de la race humaine.
Et pourtant, leur projet de préserver l’humanité se détériora en un rejet de tout ce que représente l’humanité et en une rébellion ouverte contre le Créateur et ce but. Leur quête d’unité résulta en un éclatement en clans et factions et au début de presque quatre mille ans d’incompréhension, de xénophobie, de sang versé, déchirant les divisions de races, de langues et de cultures. Où faillirent-ils ?
C’est précisément cela leur erreur : ils voyaient la survie comme une fin en elle-même. «Faisons un nom pour nous-mêmes» proclamaient-ils ; assurons-nous qu’il y aura des générations futures qui liront nos exploits dans leurs livres d’histoire. Mais la raison de leur survie ? Dans quel but l’humanité doit-elle vivre sur terre ? Quel est le contenu du nom et de l’héritage qu’ils s’efforcent de préserver ? A ces questions, ils répondaient: la pensée, et ne faisaient rien. Pour eux, la vie elle-même était un idéal, la survie : une vertu.
C’était le commencement de la fin. Aucun système matériel ne tolérerait longtemps un vide, et c’est aussi vrai en ce qui concerne les réalités spirituelles : sans une âme ou une raison au contenu positif, la corruption fera inévitablement son chemin. Un nom vide et profane ne peut mener qu’à une tour de Bavel.

Après le Déluge
Jamais la leçon de la tour de Bavel n’a été aussi pertinente qu’aujourd’hui. Nous sommes également une génération qui lutte pour se reconstituer après les terribles destructions que nous avons subies et qui ont menacé de nous effacer de la surface de la terre. La reconstruction et la survie sont omniprésentes dans nos esprits et tous ensemble, avec l’aide du Tout Puissant, nous réussissons.
A un moment comme celui-là, il est de la plus haute importance de ne pas répéter l’erreur des constructeurs de Bavel. Reconstruire, nous le devons mais l’objectif doit être bien plus qu’un nom qui restera, une ville plus grande ou une tour plus élevée. Si nous devons survivre, nous devons accorder de l’importance à notre survie, répondre au «pourquoi» de notre existence. Nous devons remplir notre nom de valeurs, notre ville de signification et couronner notre tour de notre retour au but suprême pour lequel nous avons été créés.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la Tsedaka ?

La Tsedaka n’est pas «la charité» mais plutôt la justice : l’argent appartient à D.ieu Qui le confie à l’homme pour qu’il en remette une partie aux nécessiteux.
Quand deux Juifs se rencontre, cela doit profiter à un troisième : chacun remettra à l’autre quelques pièces à distribuer à la Tsedaka !
Grâce à la Tsedaka, les Juifs rétablissent la «Cabane de David qui tombe», ils l’empêchent de tomber et contribuent à la révélation du Machia’h.
On habitue les enfants – même tout petits – à donner des pièces à la Tsedaka. Ainsi, ils seront habitués à donner et, quand ils grandiront, ils continueront à mettre chaque jour des pièces à la Tsedaka.
Le Tanya explique : la Tsedaka est équivalente à toutes les Mitsvot. Quand le Juif donne son argent, avec lequel il aurait pu pourvoir à ses besoins propres, il donne sa vie ! Ainsi, il efface ses pêchés et se protège des mauvais décrets.
Il convient de donner avec le sourire, ce qui souligne l’unité du peuple juif car celui qui donne ressent que c’est lui qui reçoit du pauvre : en effet, sans le pauvre, le «riche» n’aurait personne à qui donner !
On placera une boîte de Tsedaka sur le mur de la cuisine, dans le salon, dans les chambres des enfants, dans la voiture, sur son lieu de travail, dans les salles de classes, dans les salles de mariage et en toute réunion.

F. L. (d’après les discours du Rabbi)
De Recit de la Semaine
Sam était un homme d’affaires jeune et prospère.
Au cours de ses voyages en Europe, il rencontra une jeune fille avec qui il sympathisa. Au début, ils ne parlaient que d’affaires mais bien vite, ils sortirent ensemble au restaurant et découvrirent qu’ils avaient de nombreux points communs sauf… la religion.
Elle et ses parents étaient des catholiques fervents, qui fréquentaient régulièrement l’église. Il était absolument hors de question qu’elle épouse quelqu’un qui n’était pas de la même religion qu’elle. Ses parents ne l’accepteraient jamais et, de toute manière, un tel péché méritait la damnation éternelle. Selon elle, le mariage n’était possible que s’il acceptait de se convertir.
Mais pour Sam, c’était également absolument hors de question. Il l’aimait, certes et n’était pas vraiment pratiquant mais il était fier de son judaïsme et savait que contracter un mariage mixte signifiait bien des problèmes : les enfants ne seraient pas juifs, ses parents auraient le cœur brisé et, de toute manière, le judaïsme était très important pour lui.
Ils décidèrent donc d’un commun accord de mettre un terme à leur relation. Sam se jeta dans son travail avec une ardeur renouvelée et oublia tout ce qui s’était passé. Enfin presque…
Comme ils travaillaient dans le même secteur d’activités, ils se rencontrèrent à nouveau, un an plus tard. Mais cette fois, c’était différent. D’abord, c’était à New York et surtout, Sam était beaucoup plus ferme sur ses positions. Il expliqua que si elle n’était pas prête à se convertir, ce serait leur dernière conversation.
La pauvre fille était bien malheureuse : non, elle ne se convertirait à aucun prix mais… elle l’aimait ! Une fois de plus, le dilemme n’avait pas changé ! Ils échangèrent leurs numéros de téléphone respectifs et se séparèrent.
Quelques jours plus tard, Sam lui téléphona. Il avait bien réfléchi à la question et avait conclu qu’il était injuste de lui demander de se convertir alors qu’elle ne connaissait rien du judaïsme. Il expliqua que, dans quelques jours, il y aurait une fête juive qui s’appelait Sim’hat Torah. Si elle était d’accord, elle pourrait passer ces deux jours chez une famille juive du quartier de Crown Heights qui avait déjà accepté de l’inviter. Là, elle vivrait le judaïsme de l’intérieur, pourrait poser toutes les questions, étudier et comprendre de quoi il s’agissait.
Elle accepta et passa ces deux jours dans une famille ouverte et sympathique. Elle se rendit à la synagogue, apprécia la ferveur et l’enthousiasme des ‘Hassidim, les vit danser et ressentit leur joie profonde et sincère.
Mais surtout elle aperçut le Rabbi de Loubavitch et, dès qu’elle le vit, elle sentit que si quelqu’un pouvait l’aider à résoudre son problème, c’était lui.
Elle obtint un rendez-vous privé avec le Rabbi et lui expliqua sa situation : elle ne savait pas quelle décision prendre : abandonner Sam ? Se convertir ?
Le Rabbi l’écouta attentivement, se tut un instant puis déclara très posément : «Vous n’avez pas besoin de vous convertir!»
Stupéfaite, elle fixait le Rabbi qui continuait : «Vous pouvez vous marier. Vous êtes juive !»
Elle n’en croyait pas ses oreilles!
- Mais Rabbi ! Vous ne me connaissez pas ! Cela ne fait que deux minutes que je suis dans cette pièce ! Mes parents sont catholiques, ils m’ont élevée dans cette religion, je vais avec eux tous les dimanches à l’église !
- Demandez à votre mère, répliqua le Rabbi.
Elle sortit en titubant du bureau, fonça vers la maison de la famille qui l’avait hébergée et demanda la permission d’appeler ses parents en Europe. Dès qu’elle entendit sa mère décrocher le combiné, elle lui demanda : «Maman ! Est-ce que je suis juive ?»
Elle pensait que sa mère, vexée, répondrait simplement : «Non !» mais, à sa grande surprise, sa mère raccrocha, comme affolée.
- Etrange, se dit-elle. Et elle s’empressa de retourner chez ses parents au plus vite. Dès qu’elle entra, elle prit sa mère à part et lui posa à nouveau la question qui la taraudait.
- Chut ! Chuchota sa mère. Ne parlons pas de cela quand ton père est à la maison. Nous en parlerons demain, en allant nous promener dans le jardin.
Le lendemain, elles se rendirent dans un par cet là, sa mère expliqua : «C’est vrai ! Tu es juive, comme ton père et moi-même et nos parents avant nous. Ton père et moi avons subi l’horreur des camps durant la Shoah et, après la guerre, nous nous sommes rencontrés et mariés. Nous avions tellement souffert du fait que nous étions juifs que nous avons changé de religion et nous ne t’en avons jamais parlé !»
Deux jours plus tard, la jeune fille retourna à New York, reprit un rendez-vous et raconta au Rabbi toute l’histoire. Le Rabbi déclara alors : «Comme vous avez fréquenté l’église, il est nécessaire que vous vous trempiez au Mikvé (bain rituel), non pas pour vous convertir mais pour vous purifier de toute trace d’idolâtrie. Puis vous devrez étudier les lois de la vie juive».
Depuis cette date fatidique, elle et Sam se sont mariés ; ils habitent à Haïfa en Israël et leurs enfants et petits-enfants suivent l’enseignement ‘hassidique qu’ils ont eux-mêmes appris, contribuant à faire de ce monde un endroit meilleur.

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki